Faut-il se réjouir de la professionnalisation des acteurs de la participation ?

Participation citoyenne

Ce débat est publié à l’occasion des rencontres nationales de la participation, qui se déroulent à Lille les 6, 7 et 8 mars, et dont Le Drenche est partenaire. Pour plus d’informations, cliquez sur la bannière ci-dessous :Rencontres de la participation

Numéro 1

S’informer

Qu’est-ce que “la participation citoyenne

Selon Pierre André, professeur à l’Université de Montréal, la participation citoyenne peut se définir comme un processus d’engagement obligatoire ou volontaire de personnes ordinaires, agissant seules ou au sein d’une organisation, en vue d’influer sur une décision portant sur des choix significatifs qui toucheront leur communauté. Cette participation peut avoir lieu ou non dans un cadre institutionnalisé et être organisée sous l’initiative des membres de la société civile ou des décideurs.

La notion de participation citoyenne englobe (ou peut englober) des étapes et des processus différents, comprenant l’information, la consultation, la concertation, voire la co-décision ou l’évaluation.

Historiquement, la notion de participation citoyenne a été développée dans les années 1960 – 1970, avant d’être institutionnalisée progressivement. En France, ce principe a été détaillé et défini, notamment via les enjeux environnementaux, dans la Charte de l’Environnement de 2005, puis dans la Charte de la participation du public pour améliorer l’efficacité et la citoyenneté des décisions ayant un impact sur le cadre de vie, parue en 2017.

Qu’en est-il aujourd’hui en France ?
Aujourd’hui la démocratie participative a évolué. Des discours, elle s’est progressivement installée dans des règles juridiques et des dispositifs institutionnels. Ce qui était auparavant principalement l’action de militants et d’associations locales est devenu une affaire de professionnels, qu’ils soient consultants, agents publics ou salariés de grandes entreprises.
Cette transformation n’est pas sans faire débat dans le milieu de la participation citoyenne.

Pourquoi ce débat ?
Le Drenche est partenaire des rencontres nationales de la participation, qui se déroulent du 6 au 8 mars à Lille : l’occasion d’organiser ce débat qui se pose au sein des acteurs de la concertation.

Numéro 2

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LE « POUR »

Un gage de qualité !

Billet rédigé par :

Judith Ferrando Y Puig

Co-directrice de Missions Publiques, co-présidente de l’Institut de la Concertation et de la Participation Citoyenne.
http://www.missionspubliques.org

La participation publique n’est pas un luxe ni une lubie. C’est une exigence démocratique : celle de faire participer les citoyen-ne-s, dans leur diversité, aux choix qui les concernent.
Professionnaliser les acteurs de la participation (c’est-à-dire ceux qui organisent et animent la participation) est utile et nécessaire.
Cela doit permettre à ce que les dispositifs de participation soient conçus pour être inclusifs et accueillants pour tous, qu’ils soient animés de manière à ce que le public y soit en capacité d’échanger avec le même niveau d’information, en s’attaquant de manière constructive aux sujets qui fâchent sans les éviter, pour faire émerger des propositions collectives.

En gardant le cap : la participation du public (citoyens et société civile organisée ) doit avoir produire un réel enrichissement des projets ou politiques publiques. Cela ne s’improvise pas, au risque de créer une déception citoyenne forte et de renforcer encore la défiance envers les décideurs.

Donc oui à la professionnalisation, si elle passe par des formations, qui partagent des expériences et méthodes de délibération, de co-construction, de concertation tout autant que des enjeux éthiques et déontologiques.
Et en ce sens, nous pouvons nous réjouir des formations qui se sont multipliées depuis 10 ans, à l’université, dans la fonction publique, dans les organisations privées, dans le monde associatif, et même auprès de citoyens. Former n’est pas formater ni standardiser, professionnaliser n’est pas créer une corporation mais se doter d’outils réflexifs pour penser et animer une participation de qualité.

Cette professionnalisation doit aussi passer par la multiplication d’espaces d’échanges entre les citoyens, les praticiens et les élus pour réfléchir ensemble, au-delà des techniques, de faire vivre la cité au 21ème siècle.

La professionnalisation des acteurs de la participation est donc un gage de qualité, si elle est réflexive, et qu’elle n’exonère pas de penser les enjeux démocratiques de nos sociétés.

LE « CONTRE »

Professionnels de la participation : gare à la marchandisation !

Billet rédigé par :

Guillaume Gourgues, Alice Mazeaud et Magali Nonjon

Enseignants chercheurs

Il ne s’agit pas d’être « pour » ou « contre » la professionnalisation de la participation. Celle-ci est désormais bien établie.
L’univers de la participation est aujourd’hui peuplé de professionnels qui conçoivent, animent, évaluent les dispositifs participatifs. Ils mobilisent pour cela des compétences spécifiques et en tirent une rémunération.
Cette professionnalisation a eu sans aucun doute des effets vertueux notamment sur la qualité des procédures. En revanche, elle a aussi des effets, pour partie non contrôlés et encore trop peu débattus, qui appauvrissent la portée politique de la démocratie participative. Voici les plus saillants.

La professionnalisation a d’abord accompagné la focalisation de la participation sur ses procédures. La question du « comment ? » et du « pour qui ? » semblent largement avoir pris le dessus sur celle « pourquoi ? » (à quoi sont censés servir ces dispositifs ?) réduisant peu à peu la démocratie participative aux procédures supposées l’incarner.
Ensuite, la consolidation d’un milieu professionnel de la participation, alimenté soit par la commande publique (en particulier des collectivités territoriales), soit par des financements privés, entraîne une concurrence sur les formats de la participation (quelle est la meilleure technique pour faire participer ?).

Aujourd’hui, les méthodologies participatives, souvent commercialisées, sont ainsi constamment évaluées, comparées, sophistiquées, créant des effets de mode et des tendances totalement déconnectées de leurs effets concrets et de leur peu d’audience dans la population. Dans ce contexte, les dispositifs participatifs prennent la forme d’une offre et courent après leur demande.

La professionnalisation a également ouvert l’espace de la participation à la concurrence et facilité l’arrivée de nouveaux profils de professionnels qui y trouvent des opportunités pour diversifier leurs activités, sans parfois même se soucier des enjeux politiques et sociaux qui animent les débats sur la participation.

Les outils participatifs désormais vendus sur un marché concurrentiel, sont très souvent importés du secteur privé, optent de plus en plus pour un discours et des pratiques centrés sur la « réalisation de soi », “l’optimisation des capacités”, détricotant le caractère collectif des dispositifs (« faire public » et donc exister dans un rapport de force) au profit d’une dimension managériale et individualisée.

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