Le contexte
Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
Le programme économique de Trump sera globalement bon pour la croissance
Philippe Murer
Conseiller économique de Marine Le Pen
Les Américains ont surpris le monde entier en élisant un homme politique atypique, réclamant la fin de la mondialisation, ce choix de « développement économique» où les multinationales exploitent les différences de salaires, de normes sociales, de protection de l’environnement, de compétitivité des différents pays pour faire croître leurs bénéfices.
La compétition féroce entre les pays engendre des effets de second tour : les Nations ont intérêt à accorder le plus d’avantages possibles aux multinationales (impôt, normes etc.) au détriment des citoyens.
Le programme économique annoncé par Trump comprend la fin de la mondialisation économique, un plan de relance massif pour les infrastructures, une baisse des impôts et la fin des restrictions sur les énergies fossiles (charbon, gaz de schiste, oléoducs).
Le nouveau président veut tout faire pour relocaliser l’industrie américaine et créer des millions d’emplois.
Il a déjà stoppé les traités transpacifique et transatlantique. Avant même sa présidence, son volontarisme politique a permis de sauver des usines aux Etats-Unis et d’y localiser quelques nouveaux investissements industriels.
La Chine sera probablement reconnue comme manipulatrice de monnaie, une vérité puisqu’elle impose avec sa devise trop faible des déficits considérables à tous les pays du monde. Si Trump tient ses promesses, la Chine devra soit rééquilibrer sa balance commerciale avec les USA en augmentant la valeur du Yuan soit subir de multiples taxes et entraves à ses exportations vers les USA.
Le plan de relance massif destiné à rénover des infrastructures délabrées, financé par des entreprises privées (PPP), permettra une relance de la croissance économique mais privatise des biens communs.
La baisse des impôts sur les bénéfices aurait eu des effets nettement plus importants si elle se concentrait sur les bénéfices réinvestis.
Si une énergie abondante est nécessaire à la croissance économique, le choix très discutable, idéologique, de Trump en faveur des énergies fossiles est au mieux neutre puisque le prix des énergies renouvelables est comparable à celui des énergies fossiles.
N’oublions pas que la politique économique de Trump s’appliquera à un pays dont la valeur cardinale est la liberté ; rappelons-nous dans cette période troublée que tout gouvernement sage a le devoir de mettre en œuvre une politique en concordance avec les citoyens de son pays.
Un programme économique pour notre pays et nos citoyens devra prendre en compte toutes les composantes de la devise de la République Française « Liberté Egalité Fraternité ».
Donald Trump s’oppose à la prospérité des Américains
Henri Landes
Maître de conférences à SciencesPo sur la politique de l’environnement, Enseignant à l’Université de Lille 2 sur la politique américaine contemporaine, Cofondateur de CliMates, Auteur de l’ouvrage Allô Houston ! Les Etats-Unis vus par un Américain en colère
Une économie ne peut être performante sans une classe moyenne robuste qui puisse consommer, investir dans des projets locaux et soutenir l’économie réelle. Tels étaient les ingrédients essentiels de la croissance des Trente Glorieuses.
Mais à partir des années 80, Ronald Reagan a changé la donne pour les trois décennies à venir. Entre 1979 et 2003, les salaires de 90% des Américains n’ont que faiblement augmenté (+15%), alors que ceux du top 1% ont connu une hausse exponentielle (+138%). En même temps, ont chuté drastiquement le taux de syndicalisation (-9%) et le taux d’imposition sur les plus hauts revenus (-30%). Par ailleurs, les mesures de régulation financière ont été affaiblies, permettant au secteur financier de prendre de plus en plus de risques jusqu’à la crise des subprimes.
Donald Trump a bien ressenti la souffrance des Américains. C’est pourquoi pendant sa campagne il a proposé de reconstruire des infrastructures, de soutenir les industries manufacturières et des énergies fossiles. Ses tirades contre le libre échange et la Chine, selon lui destructeurs de l’emploi américain, accompagnaient son discours xénophobe.
Cependant, Donald Trump sous estime le rôle de l’automatisation et de la mécanisation dans l’industrie et l’agriculture. Il se trompe sur l’énergie fossile car non seulement le charbon et le gaz sont en concurrence (donc il ne pourra relancer les deux), mais l’ère du renouvelable est à un point de non retour. Ne parlons même pas de la position de Donald Trump sur le changement climatique, un des facteurs d’appauvrissement de populations les plus importants des années à venir.
Mais surtout, Donald Trump ne compte pas du tout aider les classes moyennes et populaires. Son Secrétaire du Trésor, ancien de Goldman Sachs, œuvre déjà pour déréguler encore plus la finance. Son Secrétaire du Travail, millionnaire du secteur fast food, est hostile à la hausse du salaire minimum. Son Secrétaire de la Santé, est un farouche ennemi de la médecine socialisée et a déjà entamé le démantèlement d’Obamacare. Ceci en dépit du fait que les dépenses en santé sont plus élevées pour les Américains que dans presque tous les pays de l’OCDE. Sa Secrétaire à l’Education, s’oppose à l’éducation publique et a montré lors de sa récente audition au Sénat qu’elle ignorait les règles encadrant les prêts étudiants dans l’enseignement supérieur, une bulle de dépenses qui s’élèvent aujourd’hui à 1 000 milliards de dollars.
Comment être optimiste à l’égard des travailleurs peu qualifiés, des étudiants endettés ou des mères monoparentales sans assurance maladie ? S’il y a de la croissance aux Etats-Unis sous Donald Trump, sera-t-elle équitable et écologique ?
Jusqu’à l’élection, Donald Trump a dit ce que voulaient entendre des millions d’Américains en colère. Malheureusement, ces derniers sont appauvris à cause de trente cinq ans de politique irresponsable que l’entourage ultra-conservateur et élitiste de Donald Trump tient à consolider.