Le contexte
Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
Ne baissons pas la garde
Charles de la Verpillière
Député de l’Ain.
Membre de la Commission de la Défense nationale et des forces armées
Nous avons désormais tous compris que les ennemis islamistes qui menacent notre nation n’ont pas rendu les armes.
Le péril est immense, dans un contexte international particulièrement complexe et évolutif, alors que l’État islamique et Al-Qaïda se livrent à une féroce concurrence pour le pouvoir, que l’Europe est dépassée par des flux migratoires qu’elle ne contrôle plus, que le recours aux communications cryptées complique la surveillance des réseaux terroristes et que les techniques d’attentats nous prennent par surprise.
Aux ennemis extérieurs, s’ajoutent aussi des ennemis intérieurs, qu’on appelle « la menace endogène ». Celle qui peut frapper partout, à tout moment, par la mobilisation d’individus présents sur le sol Français.
Je considère que notre devoir est de réarmer la nation pour vaincre nos ennemis et qu’il ne faut pas faiblir. Notre constance dans l’effort est une nécessité vitale, pour sauver des vies et sauvegarder notre nation.
C’est pourquoi la prorogation de l’état d’urgence était indispensable. Elle me semble justifiée par la nécessité de ne pas nous priver des instruments de police administrative –perquisitions et assignations notamment – que cet état permet au Gouvernement d’utiliser, avec mesure, sous un double contrôle juridictionnel et parlementaire.
Alors que les rendez-vous électoraux vont, au printemps, multiplier à dates fixes les cibles potentielles, il est tout particulièrement nécessaire de laisser aux préfets la faculté de mener des perquisitions administratives afin de permettre des « levées de doute ».
J’ai donc voté en faveur de la prorogation de l’état d’urgence jusqu’à l’été prochain, c’est-à-dire jusqu’à ce qu’une nouvelle majorité assume les responsabilités de l’État.
Contre la pérennisation de l’état d’urgence
Georges Fenech
Président de la Commission d’enquête relative aux moyens mis en œuvre par l’État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier 2015
Dans les heures qui ont suivi les attentats du 13 novembre, le président de la République a décrété l’état d’urgence pour une durée de douze jours. Prolongé par quatre bientôt cinq lois successives, l’état d’urgence est un apport très limité à la lutte anti-terroriste.
Rappelons que la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence met provisoirement à la disposition du ministre de l’Intérieur et des préfets un arsenal de mesures administratives puissantes, générales en individuelles : perquisitions, assignations à résidence, interdictions de séjours, interdiction ou restriction de circulation, de réunion, dissolutions d’associations ou de groupements de fait, blocage des sites internet.
Si l’état d’urgence, au soir du 13 novembre se justifiait pleinement, sa pérennisation heurte notre état de droit et n’offre plus de réelle plus-value à la sécurité. Certes, menées massivement dans les premiers jours, les perquisitions ont eu un effet déstabilisateur sur les réseaux criminalo-terroristes tandis que les assignations à résidence ont permis de « fixer » des individus et d’entraver leurs déplacements, leurs prises de contact ou la tenue de réunions conspiratives.
Mais s’il a été réel, cet effet déstabilisateur, lié à la surprise des opérations menées, semble s’être rapidement amenuisé, car force est de constater qu’en matière antiterroriste, la voie judiciaire reste prépondérante. Seules des enquêtes approfondies sous la responsabilité des juges permet le démantèlement des filières terroristes.
Preuve en est, les perquisitions administratives ont conduit à un nombre très limité de procédures judiciaires, en particulier en matière terroriste. Seules, six procédures en effet ont pu être initiées du chef d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, aboutissant à saisir la section antiterroriste du parquet de Paris.
En conclusion, autant l’état d’urgence correspond à une nécessité dans les temps voisins d’attentats de grande ampleur, autant il faut savoir sortir de ce régime d’exception dont l’intérêt s’amenuise au bout de quelques semaines et qui de surcroît est contraire à l’état de droit qui fonde une démocratie.