Prostitution : faut-il légaliser le travail sexuel ?

Prostitution : faut-il légaliser le travail sexuel ?
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Numéro 1

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Qu'est-ce que la prostitution, appelée aussi travail sexuel ?

La prostitution est une forme « d’échange économico-sexuel » (c’est à dire la transaction économique liée à l’exécution ou la promesse d’un acte sexuel) ponctuelle, explicite et préalablement négociée.

Celles et ceux qui la pratiquent s’appellent les « prostituées » ou « travailleurs du sexe ».

Qu'est-ce que cela représente dans le monde ? Est-ce légal ?
Selon la dernière étude sur le sujet, qui date de 2012, on estime que la prostitution concerne 40 à 42 millions de personnes dans le monde. Selon la même étude, ce sont des femmes à 85% et 99% des clients sont des hommes.

En France cela concerne entre 18 000 et 44 000 personnes. La prostitution n’y est pas illégale, même si l’acte de service sexuel est illégal. C’est ce que l’on appelle couramment la pénalisation des clients. En revanche, le proxénétisme ou la tenue d’un bordel sont des activités illégales.

Dans le monde, la prostitution est illégale dans une majorité des pays. Elle peut parfois être non illégale mais le client est pénalisé, non encadrée donc tolérée ou encore légale et encadrée.

Souces : Fondation Scelles, OCRTEH, Mouvement du Nid

Pourquoi on en parle en ce moment ?

La prostitution est depuis toujours un débat très clivant. Il fait régulièrement l’objet de vives controverses entre politiques, intellectuels et féministes. On distingue ceux qui sont en faveur d’une légalisation de l’activité et ceux qui sont partisans de son interdiction.

En France, depuis l’entrée en vigueur en 2016 de la loi contre le « système prostitutionnel », le bilan tarde à être publié. Début septembre, plusieurs associations et cinq travailleuses-eurs du sexe ont déposé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) contre la loi de 2016…de quoi relancer le débat ! Découvrez maintenant les arguments POUR et CONTRE.

Numéro 2

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LE « POUR »

Une légalisation responsable reste à explorer

Billet rédigé par :

Quentin Deltour

Porte parole d'Espace P. pour la défense des droits et l'accompagnement des prostituées
http://www.espacep.be

Si l’on s’interdit de juger moralement ce que des citoyens adultes et consentants font de leur propre corps, la prostitution n’est rien d’autre qu’un métier, c’est à dire une activité régulière exercée pour en tirer des moyens d’existence. Presque partout en Europe, c’est un métier légal, soumis à l’impôt et au statut des travailleurs indépendants. Aux Pays-Bas, en Allemagne, en Autriche et en Suisse, il peut même s’exercer dans le cadre d’un contrat de travail salarié. Et si, en Suède, en Norvège, en Irlande et en France, la prostitution reste légale pour ceux qui l’exercent, la loi y condamne le client. Seules la Lituanie, la Croatie et la Roumanie ont opté pour l’interdiction totale. Ainsi, entre la libéralisation du travail du sexe et sa prohibition, le cœur de l’Europe balance.

Il n’est pas rare d’entendre que la prostitution est la conséquence de la misère, comme si la misère diluait les barrières morales de l’individu au point que celui-ci décide de se nuire. Or, les personnes qui choisissent le travail du sexe sans la contrainte d’un tiers envisagent la prostitution comme une solution à la misère. Et lorsqu’un cadre juridique protège leurs droits, cette solution fonctionne au moins sur un point : les personnes parviennent à se hisser au-dessus des seuils officiels de pauvreté.

Ce cadre juridique favorable n’est ni la répression du client ou du travailleur du sexe, ni la libéralisation aveugle, car toutes deux appauvrissent les travailleurs du sexe et les poussent à réduire leurs exigences sanitaires. Si l’on comprend aisément cette mécanique quand il y a un patron dont le but est de maximiser les profits, il faut se rendre compte que la pénalisation, même ciblée sur le client, refoule la prostitution vers la clandestinité et vulnérabilise les travailleurs du sexe dans la détermination de leurs exigences pécuniaires et sanitaires comme l’ont montré Onusida, l’OMS, et Médecins du Monde à l’analyse des systèmes suédois et français.

Une voie de la sagesse reste donc à tracer et tout indique qu’elle se trouve du côté d’une légalisation qui veillerait à garantir des droits professionnels pour les travailleurs du sexe et à contrôler le pouvoir des patrons, de manière à établir une limite claire entre le travail salarié d’une part et la traite des êtres humains ou l’exploitation de la détresse d’autre part. Et il n’appartient pas aux experts, au idéologues ou aux moralistes de décider ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas. Cela doit être établi au terme d’une consultation des travailleurs du sexe. Ce qu’aucun pays n’a encore fait jusqu’à présent.

LE « CONTRE »

On ne peut « normaliser » une exploitation

Billet rédigé par :

Fondation Scelles

Chargé de communication de la Fondation Scelles pour comprendre et combattre l'exploitation sexuelle
http://www.fondationscelles.org

Partout dans le monde, dans les pays qui ont choisi de légaliser, ce sont d’abord les proxénètes et les trafiquants qui en ont tiré profit sans que la situation des personnes prostituées ne s’améliore. Les images que nous renvoient l’Allemagne ou les Pays-Bas sont, à ce titre, sans équivoque.

–              L’industrie du sexe échappe à tout contrôle, la demande explose : 3500 bordels déclarés en Allemagne, sans compter le développement, en parallèle d’une industrie clandestine. Des millions d’achats d’actes sexuels quotidiens, des pratiques toujours plus extrêmes où les personnes prostituées deviennent des objets de consommation.

–              Les réseaux de traite des êtres humains et le crime organisé prolifèrent. 95% des personnes prostituées sont d’origine étrangère, viennent des minorités des régions les plus pauvres d’Europe.

–              Les femmes ne sont pas protégées, les violences s’accroissent, la stigmatisation demeure. En Allemagne, 44 personnes seulement se sont enregistrées comme travailleuses indépendantes. 69 personnes prostituées y ont été assassinées par des proxénètes ou des clients entre 2002 et 2015.

Dans quelle autre « activité professionnelle » peut-il y avoir cette peur quotidienne qui fait que vous ne savez pas si vous allez rentrer chez vous vivante ? On ne peut pas normaliser une exploitation. Légaliser reviendrait à « normaliser » l’industrie du sexe et l’exploitation sur laquelle elle repose.

L’approche néo-abolitionniste initiée par la Suède a montré son efficacité en considérant que la prostitution :

–              est d’abord une violence. Violence physique et psychologique du petit ami, des proxénètes, des passeurs, des clients. Les corps vieillissent plus vite, s’abiment plus vite, meurent plus vite ;

–              on y est le plus souvent contraint, par d’autres, par les abus, par les addictions, par la précarité, par le chantage, par la résignation ;

–              est un obstacle à l’égalité parce qu’elle est pratiquée très majoritairement par des femmes au profit d’une quasi-exclusivité d’hommes.

–              est une violation du droit international qui la dit contraire à la dignité humaine et interdit spécifiquement son exploitation.

En France, la société a fait le choix, avec la loi du 13 avril 2016 de lutte contre le système prostitutionnel, de ne pas légaliser mais de combattre l’exploitation sexuelle en protégeant les personnes prostituées et en pénalisant les exploiteurs.  La pénalisation de la demande apparaît alors comme la meilleure réponse : la situation des personnes prostituées s’améliore, la demande diminue, les mentalités évoluent, l’exploitation sexuelle et le crime organisé régressent.

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