Ce débat a été réalisé en partenariat avec les rédacteurs de Ciné Maccro : un site qui propose une vision hétéroclite du cinéma.
📋 Le contexte 📋
Le streaming est une technique de transmission de contenus audiovisuels (vidéo, musique) sous la forme d’un flux continu diffusé en direct ou léger différé. Il permet de lire du contenu sans avoir à le télécharger. Les données sont stockées sur un serveur, lié à un lecteur ou un logiciel de musique ou vidéo à la demande comme Netflix, Deezer ou Spotify.
Le développement du streaming a coïncidé avec celui d’Internet dans les années 1990, avec les premières diffusions en direct d’évènements sportifs et musicaux. Des entreprises comme Apple, Microsoft et RealNetwork ont largement participé au développement commercial de leurs lecteurs respectifs QuickTime, Windows Media Player et RealPlayer.
Le streaming a explosé dans la deuxième moitié des années 2000, avec l’avènement de services musicaux tels que Spotify et Deezer ainsi qu’avec la diffusion de vidéos en direct. Le streaming vidéo en direct a été popularisé avec les réseaux sociaux tels que Facebook ou Twitter tandis que les services de rediffusion (replay vidéo) l’ont été d’abord avec des plateformes comme Youtube puis les sites de vidéo à la demande par abonnement comme Netflix, Disney + et Amazon Prime Vidéo.
Source : Futura Tech
Selon le « Baromètre de la vidéo à la demande » publié par le Centre National du Cinéma (CNC) le 13 mai dernier, le marché de la vidéo à la demande a bondi de 36,5% début 2020. La SVOD (service de vidéo à la demande par abonnement) représente 79% du marché de la vidéo à la demande, avec une ultra dominance de Netflix qui a attiré en mars, 63,2% des consommateurs de vidéo à la demande.
Parallèlement, la fréquentation cinématographique a atteint 5,95 millions d’entrées au mois de mars 2020, soit une baisse de 68,3 % par rapport à mars 2019 selon les estimations de la direction des études, des statistiques et de la prospective du CNC.
Source : CNC
Après l’annonce du premier confinement en mars 2020, les 6 000 salles de cinéma en France ont fermé et n’ont pu réouvrir qu’en juin. Les salles étaient limitées à 50 % afin de laisser un siège vacant entre chaque spectateur ou entre chaque groupe. À l’annonce du second confinement le 28 octobre dernier, les salles obscures ont dû à nouveau fermer pour une durée encore indéterminée. Cette situation a fragilisé la santé économique du secteur tout en bénéficiant à celui de la vidéo à la demande.
Source : Le Monde
🕵 Le débat des experts 🕵
Alors que le monde est actuellement ébranlé par le COVID, le cinéma traverse une crise existentielle, et cherche désespérément à se réinventer pour survivre. Alors même que Disney annonçait son intention de sortir ses oeuvres uniquement sur Disney+ désormais, une question se pose : le streaming est-il l’avenir du cinéma ?
Du mastodonte Netflix au français Salto, des néos-venus Disney+, à l’hétéroclite UniversCine, nombreuses sont aujourd’hui les possibilités de découvrir chez soi, menaçant ainsi pas à pas la place de la salle de cinéma dans nos vies. Entendons-nous : la salle de cinéma reste un sacro-saint lieu, et nous devons, pour un équilibre, tout faire pour la préserver. Mais, dans les faits, force est de constater que la VOD ne cesse de grappiller des parts de marché. Par son accès plus aisé et moins coûteux pour les spectateurs, elle devient cette alternative d’accès à la culture qui concurrence le cinéma à la hauteur de la télévision il y a quelques semaines.
Au temps où le téléchargement illégal a pris une place prépondérante dans la formation des cinéphilies, le streaming légal semble être le parfait rempart des producteurs afin d’assurer leurs arrières tout en proposant une offre diversifiée. Quand les mastodontes comme Netflix ou Prime jouent le rôle des multiplex, certaines plateformes se font elles l’alter ego des cinémas d’art et d’essai. Le streaming propose aujourd’hui une offre variée pour plaire à tout le monde, tout en s’affranchissant des problèmes géographiques, économiques et pandémiques qui pourraient porter à mal l’avenir du cinéma.
Cela, ces plateformes l’ont bien compris : en se plaçant au coeur de la production, du blockbuster à l’oeuvre indé, elles tentent de tenir la dragée haute aux producteurs habituels ; alors même que la France officialise l’obligation légale, semblable dans l’idée aux décrets Tasca, pour les plateformes d’investir dans la production hexagonale, on est même tenté de penser qu’un modèle économique stable pourrait peut-être assurer la pérennité de la production cinématographique.
L’objectif intrinsèque n’est-il pas celui de voir des films ? En ce sens, les plateformes de streaming semblent aujourd’hui être le meilleur compromis pour permettre au plus grand monde de découvrir du cinéma. Dans un monde où l’incertitude est plus que jamais le maître-mot de l’avenir, force est de constater que, si le streaming n’est pas l’invention divine, elle reste la meilleure arme pour le cinéma pour faire face aux défis de son temps : ceux de se réinventer pour mieux survivre.
En plein reconfinement et loin de nos chères salles, notre manière de voir les films s’est vue modifiée et les plateformes de streaming occupent à présent notre quotidien. Mais est-ce pour autant l’avenir du cinéma ? Ma réponse est non puisque cela voudrait dire une disparition de toute une industrie économique et artistique colossale.
Résistant à deux guerres mondiales, à de nombreuses crises économiques et cracks boursiers, à l’arrivée de nouvelles technologies, cette industrie du grand écran n’a rien à craindre du petit écran ; on peut même l’affirmer : le cinéma est un Art de longévité. Bien
qu’il tremble en cette situation compliquée, le cinéma reste avant tout une expérience fondamentalement ancrée dans notre culture depuis des décennies et dont les gens ne peuvent se passer : rien ne peut totalement rivaliser avec la projection d’un film en salles.
Le streaming est un moyen d’amener la culture chez les gens et constitue ainsi une « vitrine » pour le cinéma, il s’agit de donner envie d’y aller plutôt que de le remplacer. Il est également important de rappeler que ce qui fait les catalogues de ces plateformes est constitué essentiellement de films sortis en salles, construits avant tout pour cette projection : une nostalgie dans le contenu en SVOD, face à un cinéma aux programmations changeantes. Le streaming se nourrit donc du cinéma plus que l’inverse. Ainsi, si le cinéma se meurt, les plateformes également. Et bien que certains grands réalisateurs se tournent vers cette distribution filmique, tels que Fincher ou Scorsese, bon nombre d’acteurs de l’industrie cinématographique vouent encore un culte – justifié – aux salles et promettent au cinéma un bel avenir.
Il n’est cependant pas impossible de voir certaines plateformes s’ouvrir plus ouvertement au cinéma et financer davantage des films à destination des salles mais l’avenir promet plutôt une cohabitation entre ces types de sorties ponctuels et les films du circuit « classique » de l’industrie cinématographique et des franchises déjà en place qui continuent de produire des chefs d’œuvres indépendants comme des blockbusters. En somme, l’avenir se voudrait tourné vers une consommation filmique mélangeant les plateformes de streaming et l’industrie cinématographique traditionnelle permettant d’offrir la culture à domicile grâce à un service mais également une expérience privilégiée grâce à un lieu de culture dédié.
N’oublions pas qu’un service ne peut remplacer une expérience et donc que les plateformes de streaming ne peuvent pas être l’avenir du cinéma.