S’informer
Se positionner
Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
Répondre à un besoin, avec des garde-fous
Benoit Potterie
Député du Pas-de-Calais (8ème circonscription)http://www2.assemblee-nationale.fr/deputes/fiche/OMC_PA720590
Dans beaucoup de domaines, le travail du dimanche existe déjà.
L’insécurité ne s’arrête pas le dimanche, nous avons donc besoin que des policiers travaillent le dimanche. Les centrales nucléaires ne peuvent pas s’éteindre, elles emploient donc des personnels le dimanche. Les éleveurs s’occupent de leurs bêtes le dimanche comme n’importe quel autre jour. Comédiens, écrivains, musiciens peuvent également privilégier le dimanche pour créer… Les exemples de ce type sont nombreux.
Bien évidemment, le travail le dimanche n’est pas une fin en soi. Il répond malgré tout, dans certaines situations, à des besoins.
C’est une bonne chose que le repos dominical soit considéré comme un droit pour les salariés. Un droit oui, mais pas nécessairement un devoir. Lorsque cela se justifie, et en prévoyant des garde-fous, notamment en matière de rémunération, on doit pouvoir discuter d’une adaptation. Surtout lorsque les travailleurs en question sont volontaires.
En tant que député, j’ai proposé que l’on ouvre le débat sur l’ouverture dominicale des commerces. Pour être plus précis, je souhaiterais que les commerces aient, sous certaines conditions, la liberté d’ouvrir le dimanche, avec des contreparties substantielles pour les salariés.
Cela répond à mon sens à un triple objectif :
La liberté d’ouvrir un commerce le dimanche répond à une attente sociétale, au désir des Français de se divertir ou de faire leurs achats le dimanche. 68% des Français sont favorables à un tel assouplissement. En ce qui concerne les employés, la loi Macron a montré que la rémunération plus élevée pour le travail dominical intéresse de nombreux salariés.
L’ouverture dominicale est aussi une opportunité économique non négligeable. La France est la première destination touristique mondiale, accueillant près de 90 millions de touristes chaque année. Et pourtant le chiffre d’affaires lié à l’industrie du tourisme y est moins élevé qu’ailleurs, et notamment l’Italie, qui permet aux commerces d’ouvrir 52 dimanches par an. L’attractivité touristique de la France ne cesse d’augmenter. Il serait absurde de passer à côté de cette opportunité en matière d’emplois et de retombées fiscales.
Enfin, le droit à l’ouverture dominicale est un outil, parmi d’autres, pour permettre aux commerces physiques de faire face à la concurrence grandissante des plateformes de vente en ligne. Les chiffres du commerce physique sont en déclin. De plus en plus de Français se tournent vers des plateformes de e-commerce, qui génèrent moins d’emplois et qui, basées pour la plupart à l’étranger, échappent à nos taxes et impôts nationaux. Ces plateformes sont également une menace pour nos centres-villes, qui se désertifient. Le e-commerce n’est pas le seul responsable mais il est un facteur non-négligeable de ce phénomène de société, que nous devons regarder en face.
Toutes ces raisons me poussent à considérer que nous devons mener un débat sur les modalités du travail dominical, ainsi que sur les mesures compensatoires prévues pour les salariés.
Libéraliser le travail le dimanche ? Pas une bonne idée
Pierre Rondeau
Codirecteur de l’Observatoire Sport et Société à la Fondation Jean Jaurès, professeur d’économie à la Sports Management SchoolRécemment, 22 député.e.s LREM ont appelé à « libéraliser le travail le dimanche » afin de garantir « la liberté d’acheter, de se divertir et de travailler ». Ces derniers mettent en avant des chiffres forcément satisfaisants : 15% d’augmentation du chiffre d’affaire global pour les magasins ouverts le dimanche, 1500 emplois créés au sein des zones touristiques internationales (ZTI).
Et s’ils avaient tout faux ? Et si la libéralisation du travail dominical était une erreur économique, en plus d’être un non-sens social ? C’est en tout cas ce que laisse indiquer de récentes publications. Depuis 2015, et la loi Macron, les magasins sont autorisés à ouvrir 12 dimanches par an. La Chambre de Commerce et de l’Industrie d’Ile-de-France a alors souhaité étudier l’impact d’une telle mesure à Paris. Et ce n’est pas glorieux.
Bien que la majorité des sondés ait été satisfaite de la simplification de la loi, la plupart ont admis que cela s’est avant tout traduit par « un report de chiffre d’affaires » et qu’il n’a absolument pas augmenté de « façon exponentielle ».
L’étude précise même que « la rentabilité a été difficile à trouver pour les indépendants ». Mais c’est une évidence : on ne peut pas consommer plus avec un pouvoir d’achat qui stagne. Autoriser l’ouverture le dimanche ne permettra pas une augmentation des ventes mais un simple effet de substitution. Ce qu’on achètera le dimanche, on ne l’achètera pas la semaine, ou inversement. Le tout se traduira donc par un jeu à somme nulle.
Pour impulser la croissance, la première chose serait d’abord de soutenir le pouvoir d’achat plutôt que tout libéraliser. Cela ne provoquera en aucun cas une amélioration. Pis, cela pourrait aller à l’encontre des petits commerces de proximité, en difficulté concurrentielle face aux puissantes enseignes de grande distribution.
D’après un rapport de l’Observatoire du commerce dans les ZTI, les petites boutiques de 1 à 2 employés ont d’ailleurs réduit le nombre de jours ouvrés de 0.5 point depuis l’allègement du travail dominical contre une augmentation du côté des grands magasins. En plus de ne pas bénéficier d’une augmentation du chiffre d’affaire, c’est le prix des loyers commerciaux qui croît sans discontinuer.
Le libéralisme pur et dur n’est donc pas la solution. Avant d’appeler à cette grande réforme, il convient d’abord de privilégier des changements conjoncturels au service du plus grand nombre : soutien des salaires, du pouvoir d’achat, de l’artisanat, des indépendants et des petits patrons.
Ajoute ton argument ou vote pour le plus pertinent !
Soyez le premier à commenter