Travailler le dimanche est-il bon pour la croissance ?

Débat travail dimanche
Crédits : Kaique Rocha

Numéro 1

S’informer

D'où vient le repos dominical ?

En France, le repos hebdomadaire, d’une durée de 24 heures, est apparu de manière progressive dans la loi. Napoléon III promulgue une loi en 1852 qui tente d’imposer une journée de repos par semaine, de préférence le dimanche.

Par la suite, il faut attendre 1874 pour qu’un jour de repos par semaine soit accordé aux enfants de moins de 16 ans uniquement (loi du 19 mai 1874), sauf dans les « usines à feu continu ».

Ce jour de repos hebdomadaire sera très progressivement étendu (aux femmes, aux fonctionnaires) jusqu’à la « loi du 13 juillet 1906 établissant le repos hebdomadaire en faveur des employés et des ouvriers« . Cette loi impose minimum un jour de repos hebdomadaire, et dit que ce jour doit être le dimanche (pour des raisons essentiellement traditionnelles et religieuses), sauf pour 11 catégories d’entreprises et de commerces, qui doivent dans ce cas établir une rotation de leurs employés pour garantir à chacun un jour de repos par semaine.

Dans les faits, les exceptions sont nombreuses et facilement accordées, jusqu’en 1919, où, à la faveur de la fin de la guerre et de l’instauration de la journée de 8 heures, le repos du dimanche est réellement généralisé. Depuis, la loi a peu évolué, même si des ajouts, des précisions et des correctifs se sont ajoutés. La loi de 1906 est donc toujours appliquée.

Aujourd'hui qui travaille le dimanche ?

Comme le précise l’article L. 3132-3 du Code du travail : « Dans l’intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche. » Il existe cependant plusieurs dérogations permettant d’organiser le travail ce jour-là.

En effet, beaucoup d’endroits sont ouverts le dimanche. Par exemple, les hôtels, les hôpitaux, les cinémas,  les commerces de détail alimentaires, le secteur agricole, mais aussi les centrales électriques, les forces de l’ordre, les transports publics, etc. Ces établissements n’ont pas besoin d’autorisation au préalable.

A côté de cela, les ouvertures des magasins le dimanche restent exceptionnelles et limitées. Les entreprises peuvent demander une dérogation au préfet ou un accord du maire pour des raisons valables.

Sources : Ministère du travail

Pourquoi on en parle en ce moment ?

Réformer le travail dominical faisait partie du projet de loi d’Emmanuel Macron, à l’époque où il était ministre de l’Economie. Il souhaitait ainsi « libérer l’activité partout en France, et dans tous les secteurs » en proposant par ailleurs la simplification du travail le dimanche.

Aujourd’hui cette réforme est toujours d’actualité pour booster la croissance, et encore plus à l’heure où le e-commerce s’est développé et la concurrence est plus rude pour les commerçants. Pour autant, les syndicats revendiquent le repos dominical comme un acquis social auquel on n’a pas le droit de toucher, notamment pour les moments en famille. D’un autre côté, certains consommateurs aimeraient profiter des commerces le dimanche.

Faut-il garder l’exception ou imposer une nouvelle règle pour booster la croissance ? Découvrez les arguments POUR et CONTRE.

Numéro 2

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LE « POUR »

Répondre à un besoin, avec des garde-fous

Billet rédigé par :

Benoit Potterie

Député du Pas-de-Calais (8ème circonscription)
http://www2.assemblee-nationale.fr/deputes/fiche/OMC_PA720590

Dans beaucoup de domaines, le travail du dimanche existe déjà.

L’insécurité ne s’arrête pas le dimanche, nous avons donc besoin que des policiers travaillent le dimanche. Les centrales nucléaires ne peuvent pas s’éteindre, elles emploient donc des personnels le dimanche. Les éleveurs s’occupent de leurs bêtes le dimanche comme n’importe quel autre jour. Comédiens, écrivains, musiciens peuvent également privilégier le dimanche pour créer… Les exemples de ce type sont nombreux.

Bien évidemment, le travail le dimanche n’est pas une fin en soi. Il répond malgré tout, dans certaines situations, à des besoins.

C’est une bonne chose que le repos dominical soit considéré comme un droit pour les salariés. Un droit oui, mais pas nécessairement un devoir. Lorsque cela se justifie, et en prévoyant des garde-fous, notamment en matière de rémunération, on doit pouvoir discuter d’une adaptation. Surtout lorsque les travailleurs en question sont volontaires.

En tant que député, j’ai proposé que l’on ouvre le débat sur l’ouverture dominicale des commerces. Pour être plus précis, je souhaiterais que les commerces aient, sous certaines conditions, la liberté d’ouvrir le dimanche, avec des contreparties substantielles pour les salariés.

Cela répond à mon sens à un triple objectif :

La liberté d’ouvrir un commerce le dimanche répond à une attente sociétale, au désir des Français de se divertir ou de faire leurs achats le dimanche. 68% des Français sont favorables à un tel assouplissement. En ce qui concerne les employés, la loi Macron a montré que la rémunération plus élevée pour le travail dominical intéresse de nombreux salariés.

L’ouverture dominicale est aussi une opportunité économique non négligeable. La France est la première destination touristique mondiale, accueillant près de 90 millions de touristes chaque année. Et pourtant le chiffre d’affaires lié à l’industrie du tourisme y est moins élevé qu’ailleurs, et notamment l’Italie, qui permet aux commerces d’ouvrir 52 dimanches par an. L’attractivité touristique de la France ne cesse d’augmenter. Il serait absurde de passer à côté de cette opportunité en matière d’emplois et de retombées fiscales.

Enfin, le droit à l’ouverture dominicale est un outil, parmi d’autres, pour permettre aux commerces physiques de faire face à la concurrence grandissante des plateformes de vente en ligne. Les chiffres du commerce physique sont en déclin. De plus en plus de Français se tournent vers des plateformes de e-commerce, qui génèrent moins d’emplois et qui, basées pour la plupart à l’étranger, échappent à nos taxes et impôts nationaux. Ces plateformes sont également une menace pour nos centres-villes, qui se désertifient. Le e-commerce n’est pas le seul responsable mais il est un facteur non-négligeable de ce phénomène de société, que nous devons regarder en face.

Toutes ces raisons me poussent à considérer que nous devons mener un débat sur les modalités du travail dominical, ainsi que sur les mesures compensatoires prévues pour les salariés.

LE « CONTRE »

Libéraliser le travail le dimanche ? Pas une bonne idée

Billet rédigé par :

Pierre Rondeau

Codirecteur de l’Observatoire Sport et Société à la Fondation Jean Jaurès, professeur d’économie à la Sports Management School

Récemment, 22 député.e.s LREM ont appelé à « libéraliser le travail le dimanche » afin de garantir « la liberté d’acheter, de se divertir et de travailler ». Ces derniers mettent en avant des chiffres forcément satisfaisants : 15% d’augmentation du chiffre d’affaire global pour les magasins ouverts le dimanche, 1500 emplois créés au sein des zones touristiques internationales (ZTI).

Et s’ils avaient tout faux ? Et si la libéralisation du travail dominical était une erreur économique, en plus d’être un non-sens social ? C’est en tout cas ce que laisse indiquer de récentes publications. Depuis 2015, et la loi Macron, les magasins sont autorisés à ouvrir 12 dimanches par an. La Chambre de Commerce et de l’Industrie d’Ile-de-France a alors souhaité étudier l’impact d’une telle mesure à Paris. Et ce n’est pas glorieux.

Bien que la majorité des sondés ait été satisfaite de la simplification de la loi, la plupart ont admis que cela s’est avant tout traduit par « un report de chiffre d’affaires » et qu’il n’a absolument pas augmenté de « façon exponentielle ».

L’étude précise même que « la rentabilité a été difficile à trouver pour les indépendants ». Mais c’est une évidence : on ne peut pas consommer plus avec un pouvoir d’achat qui stagne. Autoriser l’ouverture le dimanche ne permettra pas une augmentation des ventes mais un simple effet de substitution. Ce qu’on achètera le dimanche, on ne l’achètera pas la semaine, ou inversement. Le tout se traduira donc par un jeu à somme nulle.

Pour impulser la croissance, la première chose serait d’abord de soutenir le pouvoir d’achat plutôt que tout libéraliser. Cela ne provoquera en aucun cas une amélioration. Pis, cela pourrait aller à l’encontre des petits commerces de proximité, en difficulté concurrentielle face aux puissantes enseignes de grande distribution.

D’après un rapport de l’Observatoire du commerce dans les ZTI, les petites boutiques de 1 à 2 employés ont d’ailleurs réduit le nombre de jours ouvrés de 0.5 point depuis l’allègement du travail dominical contre une augmentation du côté des grands magasins. En plus de ne pas bénéficier d’une augmentation du chiffre d’affaire, c’est le prix des loyers commerciaux qui croît sans discontinuer.

Le libéralisme pur et dur n’est donc pas la solution. Avant d’appeler à cette grande réforme, il convient d’abord de privilégier des changements conjoncturels au service du plus grand nombre : soutien des salaires, du pouvoir d’achat, de l’artisanat, des indépendants et des petits patrons.

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