📋 Le contexte 📋
Le Conseil de sécurité est l’organe exécutif de l’Organisation des Nations Unies (ONU). Il siège à New York. Comme indiqué dans la Charte des Nations Unies, le Conseil a pour responsabilité de maintenir la paix et la sécurité internationales, de développer entre les nations des relations amicales, de réaliser la coopération internationale en résolvant les problèmes internationaux et en encourageant le respect des droits de l’homme, et d’être un centre où s’harmonisent les efforts des nations vers ces fins communes.
Le Conseil de sécurité est composé de 15 Etats-membres, dont 5 permanents : la France, le Royaume-Uni, les Etats-Unis, la Russie, et la Chine.
Chaque année, cinq membres non-permanents sont élus par l’Assemblée Générale des Nations Unies, afin d’assurer un roulement entre les Etats non-permanents. Ils sont élus pour un mandat de deux ans. Afin de représenter au mieux la population mondiale, il y a 5 membres élus parmi les États d’Afrique et d’Asie; 1 membre élu parmi les États d’Europe orientale; 2 membres élus parmi les États d’Amérique latine et des Caraïbes; et 2 membres élus parmi les États d’Europe occidentale et autres États.
Seuls les membres permanents du Conseil de sécurité (aussi appelés P5, pour “Permanent 5”) détiennent un droit de veto sur les résolutions (le terme onusien pour parler d’une décision) votées par le Conseil de Sécurité.
Ce droit de veto leur a été accordé lors de la fondation du Conseil de sécurité, en vertu de leur rôle dans la création de l’ONU, leur statut géopolitique à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, et faisant le pari que ces pays continueraient à avoir une forte influence sur la sécurité internationale.
Le droit de veto fait débat. La légitimité des membres permanents à détenir ce droit est remise en question, notamment pour des Etats comparativement moins influents aujourd’hui qu’en 1946, comme la France et le Royaume-Uni.
L’existence même d’un veto pour les pays les plus riches est accusée de biaiser la raison d’être de l’ONU, et la surreprésentation des pays occidentaux (comparée à la part de la population mondiale qu’ils représentent) est critiquée. Enfin, le P5 utilise de plus en plus ce droit de veto, bloquant la résolution de nombreuses crises géopolitiques, notamment en Syrie.
D’un autre côté, le droit de veto est aussi perçu comme la garantie de la participation et du maintien des grandes puissances dans le système onusien. Il agirait également comme un garde-fou face à des résolutions jugées trop drastiques par les plus grandes puissances militaires que sont les membres du P5.
🕵 Le débat des experts 🕵
Le droit de veto dont disposent les 5 membres permanents du conseil de sécurité de l’ONU (France, Etats-Unis, Royaume-Uni, Chine, Russie) est un facteur de blocage de l’ONU. Il paralyse cette institution et nuit à son efficacité. Le supprimer, ou au moins le suspendre, s’impose. Cela permettrait à l’ONU d’être plus démocratique et efficace.
Le droit de veto a été utilisé plus de 265 fois depuis la création de l’ONU. Ce veto paralyse l’ONU, de nombreux exemples l’attestent : pendant la guerre d’Algérie (1954-1962), l’ONU n’a pas pu agir à cause de la menace du veto français ; pendant la guerre du Vietnam, dans les années 1960, l’ONU est restée impuissante à intervenir à cause de la menace du veto américain. Les Etats-Unis ont beaucoup utilisé leur veto depuis les années 1970, essentiellement au sujet de la question israélienne, afin de défendre leur allié Israël, ce qui a entravé la résolution par l’ONU du conflit israélo-palestinien. Aujourd’hui, dans le conflit en Syrie, la Russie a utilisé à 6 reprises son veto, contre l’adoption de projets de résolution, notamment proposés par la France, pour l’arrêt des bombardements en Syrie.
De plus, le veto est un mécanisme non-démocratique. Il n’est pas justifié que 5 pays aient ce pouvoir exorbitant de dire non à une décision prise par la majorité des 193 Etats membres de l’ONU. Aujourd’hui, ces 5 puissances ne représentent plus que 30% de la population mondiale. Il faut réformer l’ONU pour rendre son fonctionnement plus démocratique. L’Assemblée générale, où chacun des 193 Etats membres dispose d’une voix, est un organe démocratique, mais le Conseil de sécurité, composé de 15 Etats dont les 5 membres permanents dotés du droit de veto, l’est moins. Or, c’est le Conseil de sécurité qui dispose du pouvoir exécutif, l’Assemblée générale n’ayant en fait qu’un pouvoir consultatif. Pour démocratiser l’ONU, il faut donner plus de pouvoir à l’Assemblée générale et peut-être pondérer son système de vote en fonction de la population de chaque pays. En effet, la Chine, avec 1,3 milliard d’habitants, devrait légitimement disposer de plus de voix que de tout petits pays comme le Vanuatu qui n’ont que quelques milliers d’habitants.
Depuis quelques années, des voix s’élèvent pour réclamer une réforme du droit de veto. Kofi Annan, secrétaire général de l’ONU de 1997 à 2006, a réclamé à la fin de son mandat une suspension du droit de veto au cas où sont discutées des situations où des crimes de masse sont en cours. La France a elle-même porté officiellement cette proposition depuis 2013. Cette initiative est soutenue aujourd’hui par une centaine de pays, soit la majorité des Etats-membres de l’ONU. Il est donc temps qu’elle soit adoptée !
Le droit de veto au Conseil de Sécurité de l’ONU est régulièrement mis en accusation. On lui reproche d’être la source de blocage de l’organe en charge de la sécurité internationale et du maintien de la paix. Et par conséquent d’empêcher de mettre fin aux conflits qui ensanglantent la planète. C’est du fait de son utilisation qu’il n’est pas possible de mettre en place des sanctions contre les principaux contrevenants à l’ordre international. Ce sont d’ailleurs souvent les pays qui en disposent qui commettent le plus d’interventions militaires illégales et ils l’utilisent le plus souvent pour protéger leurs alliés, coupables de politiques juridiquement répréhensibles.
La seule fois où il n’a pas été utilisé pour bloquer une action impliquant l’usage de la force, ce fut lors de la guerre du Golfe de 1990-1991, l’Union soviétique de Gorbatchev ayant préféré jouer le respect de la loi internationale au détriment de la protection de son allié irakien qui avait envahi le Koweït. Le moins que l’on puisse dire, c’est que Gorbatchev n’a pas été payé en retour puisque quelques mois après, les États-Unis lui refusaient l’aide économique qu’il demandait pour sauver la Perestroïka.
En réalité, le droit de veto n’est plus jamais utilisé par le Royaume-Uni et la France, il l’est avant tout et surtout par les États-Unis et la Russie. Les États-Unis s’en servent principalement pour protéger Israël de toute sanction ou même pression et la Russie s’en sert en cette période surtout pour protéger son allié syrien, y compris quand le régime commet des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité. La Russie s’était abstenue lors de la résolution organisant une intervention militaire en Libye censée protéger la population et qui a abouti à un changement de régime. Elle le regrette aujourd’hui.
C’est la perspective d’un veto chinois qui a rendu le Conseil de Sécurité prudent par rapport à la Birmanie. Mais quand on critique le droit de veto, on se trompe de cible. Parce que sans lui, l’ONU n’existerait tout simplement pas.
Dès sa création, il aurait été impossible pour les puissances d’entrer dans un système où elles auraient pu être mises en minorité. On confond les faits et la cause. La cause de la puissance du Conseil de Sécurité n’est pas le droit de veto, mais la division des pays membres et surtout de ses membres permanents.
Malheureusement, les espoirs d’un nouvel ordre mondial célébré lors de la guerre du Golfe de 1990-1991, dans lequel on espérait que l’ONU accomplirait l’esprit de ses créateurs, se sont effondrés.