Doit-on limiter les naissances pour lutter contre le réchauffement climatique ?

frère et soeur
Ecoutez ce débat dans le premier épisode de notre chaîne de podcast

Numéro 1

S’informer

Pourquoi faire le rapprochement entre démographie et climat ?
Entre 1960 et 1999, la population mondiale est passée de 3 milliards à 6 milliards d’habitants, pour atteindre aujourd’hui, les 7,6 milliards d’êtres humains sur la planète, selon l’ONU. Cette augmentation est notamment due à une amélioration de nos systèmes de santé et donc à une réduction de la mortalité infantile et une augmentation de l’espérance de vie.

Si l’Homme a réussi à maîtriser l’environnement au cours de son existence, il est indéniable que son impact à des conséquences désastreuses sur notre planète. La consommation des ressources naturelles et la pollution de l’environnement n’a cessé d’augmenter au cours des 50 dernières années. En 2018, selon l’organisation Global Footprint Network, l’humanité a consommé en à peine 7 mois, l’intégralité des ressources écologiques que la Terre pouvait régénérer en 1 an. Alors qu’en 1969, la population mondiale consommait l’équivalent d’une planète par an en ressources naturelles, il faut dorénavant 1,7 planète pour assouvir les besoins de la population chaque année.

De plus, la production de déchets, la pollution atmosphérique ou encore la déforestation augmentent chaque année et perturbe notre écosystème. La relation entre démographie et dégradation de l’environnement paraît difficilement contestable tant les corrélations entre les deux phénomènes sont proportionnelles.

Qu'est ce qu'une politique de contrôle des naissances ?
Que ce soit par une approche Malthusienne (restriction des naissances) ou populationniste (accroissement de la population), des politiques de contrôle des naissances ont été régulièrement mises en place au cours de notre histoire. L’influence d’une augmentation ou une réduction des naissances peut avoir lieu par diverses méthodes telles que l’incitation fiscale ou économique, des mesures politiques ou légales et un accès à des pratiques médicales plus ou moins encouragé.

La politique de contrôle de naissance la plus connu est la politique de l’enfant unique mise en place en Chine entre 1979 et 2015. Afin de réduire la surpopulation du pays, la constitution chinoise impose un âge minimal de mariage et favorise fortement les stérilisations et les avortements. Des choix souvent décriés en raison des conséquences néfastes de ces pratiques sur la société chinoise (baisse du taux de fécondité, infanticides et abandons de bébés, déséquilibre garçons-filles, trafic d’êtres humains, etc.)

À travers les différentes aides financières et sociales développées depuis la Première Guerre mondiale, la France est considérée comme ayant une politique favorisant la natalité.

Pourquoi on en parle en ce moment ?
Suite à l’explosion démographique de ces dernières années, de nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer les dérives d’une surpopulation. Que ce soit pour des raisons économiques, écologiques ou sociales, les arguments avancés pour limiter les naissances sont de plus en plus présents dans le paysage médiatique.

L’exemple le plus récent a été l’infographie postée par l’AFP sur twitter qui présentait les différents moyens pour réduire son empreinte carbone suite à une étude de la revue Environmental Research Letters parue en 2017. L’une des préconisations scientifiques indiquait que le meilleur moyen de réduire ses émissions de CO2 était d' »avoir un enfant en moins ». Cela a suscité un vif débat sur les réseaux sociaux. Nous avons sauté sur l’occasion pour nous interroger sur le bien-fondé de cette recommandation.

Numéro 2

Se positionner

Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.

Quelle est votre opinion avant de lire l'article ?
LE « POUR »

Limiter les naissances
pour préserver la planète

Billet rédigé par :

Denis Garnier

Président de l’association Démographie Responsable

 

https://www.demographie-responsable.org/

Le 2ème grand pays le plus émetteur de CO2 est, derrière la Chine, les Etats-Unis dont la population a été multipliée par 4 depuis le début du XXème siècle. Quant à la Chine, malgré sa politique de l’enfant unique, sa population a été multipliée par 3,5 dans le même temps. Ne parlons même pas des monarchies du Golfe, qui sont les plus émettrices par individu, et dont la population a été multipliée par 10 depuis 1950, et ce du fait de la disponibilité quasi illimitée en énergies fossiles. Si l’on compare à notre pays, la population n’y a « que » doublé depuis 1900. On voit donc qu’historiquement, la croissance de la population a joué un rôle majeur dans les émissions globales des pays occidentaux.

L’infographie publiée par l’AFP, et qui a tant fait parler d’elle, présente le bilan carbone d’un nouvel enfant par rapport à diverses attitudes considérées comme « vertueuses » pour l’environnement, et on va en gros de 1 à 60 si l’on devient végétarien ou si l’on renonce à cette nouvelle naissance. Au-delà de cette précision discutable, il est indéniable que, pour l’avenir, le nombre d’humains supplémentaires dans les pays développés va compter dans leurs émissions de CO2. Faut-il pour autant arrêter de faire des enfants ? Bien évidemment non. Par contre, au-delà du seuil de renouvellement du couple, c’est-à-dire deux enfants, il nous semble légitime à Démographie Responsable de se poser la question et de bien prendre conscience du peu d’impact qu’auront les autres gestes écologiques de compensation.

Ceci étant, dans nos pays, la natalité a beaucoup baissé. En revanche, dans les pays en voie de développement et particulièrement en Afrique, la fécondité est encore explosive avec une moyenne de 4,6 enfants par femme et même une pointe à 7,3 au Niger ! Certes aujourd’hui, les émissions de ces pays sont très faibles par rapport aux nôtres. Mais si l’on espère, et à juste titre, que ces pays se développent et atteignent un niveau de vie relativement élevé, il est clair que les plus de 3 milliards d’habitants supplémentaires qui y sont prévus par l’ONU d’ici la fin du siècle risquent de peser très lourd dans le bilan carbone de l’humanité.

Pour conclure je dirais qu’il faut marcher sur ses deux jambes, d’une part, les pays riches doivent faire drastiquement baisser leurs émissions, quitte d’ailleurs à ne plus subventionner la natalité au-delà de deux enfants comme le fait encore la France, et d’autre part, moyennant des aides financières internationales massives au planning familial et à l’éducation, les autres pays doivent faire baisser leur fécondité.

LE « CONTRE »

Le consommateur de demain,
un bouc émissaire idéal.
Modifions plutôt nos usages !

Billet rédigé par :

Guillaume de Longeville

Délégué régional du SIEL (Souveraineté, Identité Et Libertés) en Auvergne-Rhône-Alpes. Délégué SIEL Allier.
http://www.siel-souverainete.fr

Admettons, pour ce débat, l’hypothèse du GIEC selon laquelle une baisse des émissions humaines de gaz à effet de serre (GES) pourrait lutter contre le réchauffement climatique. Affirmer qu’une réduction des naissances permettrait de baisser ces émissions de GES est simpliste voire idéologique. La croissance démographique contribue aux émissions de GES mais dans une moindre mesure par rapport aux autres facteurs (1). Outre les problèmes éthiques et l’injustice qu’elle induit (les pays où la natalité est la plus forte étant ceux émettant le moins de GES), une réduction des naissances n’aurait un effet qu’à long terme sur les émissions de GES (2) (sans que l’on puisse prédire avec certitude cet effet) et pourrait même les aggraver à court/moyen terme dans les pays en situation de dénatalité.

La plupart des pays ont déjà engagé/terminé leur transition démographique. La population diminue déjà en Europe, Russie, Chine, Japon, Canada… (3), entraînant un vieillissement de population, un recours à la main d’œuvre étrangère et les difficultés induites (sociales, économiques, identitaires, sécuritaires, etc.). La plupart des analyses et modèles de prévision omettent l’impact de la baisse de natalité sur de nombreux autres paramètres comme la taille des ménages, le vieillissement de population, les changements de comportements, l’urbanisation, etc. (4)(5)

– La hausse des revenus est unanimement considérée comme la 1ère de toutes les causes d’émission de GES. Or, en France comme ailleurs, les revenus des ménages diminuent lorsque le nombre d’enfants du ménage augmente (6). Le fameux 3ème enfant n’y entraîne pas une hausse sensible des émissions de GES (7).

– Une baisse du taux de fécondité en période de croissance économique est souvent accompagnée d’une baisse du nombre de personnes par ménage, ce qui entraîne une hausse des émissions de GES (8) ; il a été démontré, par ex., qu’un divorce cause plus d’émissions de CO2 qu’une nouvelle naissance (9).

– Un vieillissement de population peut lui aussi entraîner une hausse des émissions de GES (10). C’est le cas en Europe actuellement (11). De même qu’une baisse de densité de population peut entraîner des comportements individuels plus émetteurs en GES et qu’un manque de main d’œuvre peut entraîner une hausse de mécanisation émettrice de GES.

Selon l’ONU, “la relation entre croissance démographique et augmentation du volume des émissions de GES n’est pas constante, et les scénarios relatifs aux tendances futures des émissions ne permettent pas d’évaluer les effets de la dynamique démographique en les dissociant des changements économiques et technologiques” (12). Le moyen le plus rapide et certain de limiter les GES en Europe est de modifier nos usages et consommation, d’adapter l’habitat et de développer des énergies moins émettrices.

Références :
(1) Agence internationale de l’énergie. World Energy Outlook 2006.

(2) A. Rahman, N. Robins et A.Roncerel. 1993. Consumption versus Population: Which Is the Climate Bomb? Exploding the Population Myth. Bruxelles: Climate Network Europe.

(3) 2018 World Population Data Sheet

(4) Jiang, L. & Hardee, K. (2011): How do recent population trends matter to climate change. Population Research and Policy Review 30(2): 287-312

(5) Matthew A. Cole, Eric Neumayer. Examining the Impact of Demographic Factors on Air Pollution. September 2004 https://link.springer.com/article/10.1023/B:POEN.0000039950.85422.eb

(6) INSEE données 2015. Les niveaux de vie selon le type de famille.

(7) Observatoire du bilan carbone des ménages (https://www.ipsos.com/fr-fr/lobservatoire-du-bilan-carbone-des-menages)

(8) Programme mondial de la population (Institut international pour l’analyse des systèmes appliqués)

  1. I. MacKellar et al., 1995. “Population, Number of Households, and Global Warming.” Popnet (27):1-3.

(9) Yu E, Liu J (2007). Environmental impacts of divorce. PNAS 104, 20629–20634.

(10) M. Dalton et al. 2008. “Population Aging and Future Carbon Emissions in the United States.” Energy Economics 30 (2008):642-675

(11) Eurostat. Communiqué 80/2018 du 4 mai 2018

(12) Conseil économique et social (ONU). 2009. “World Population Monitoring, Focusing on the Contribution of the Programme of Action of the International Conference on Population and Development to the Internationally Agreed Development Goals, Including the Millennium Development Goals.” Document E/CN.9/2009/3.

Quelle est votre opinion maintenant ?
Le commentaire élu argument le plus pertinent par la communauté :
quote
Aucun argument n'est sélectionné pour le moment.
Ajoute ton argument ou vote pour le plus pertinent !

 

 

💪  Pour aller plus loin...  💪

Vous avez aimé ? Soutenez notre activité !
 

Vous avez remarqué ?

Ce site est gratuit. En effet, nous pensons que tout le monde devrait pouvoir se forger une opinion gratuitement pour devenir un citoyen éclairé et indépendant.

Si cette mission vous touche, vous pouvez nous soutenir en vous abonnant, sans engagement et dès 1€ par mois.

A propos La Rédaction 1034 Articles
Compte de la Rédaction du Drenche. Ce compte est utilisé pour l'ensemble des articles rédigés collectivement, ou les débats, où seul le contexte est rédigé par la Rédaction. Pour plus d'informations sur la rédaction, on vous invite à lire l'article sobrement intitulé "L'équipe", ou "Contactez-nous".

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire