Les grands barrages sont-ils bénéfiques pour l’environnement ?

Les bénéfices importants des barrages

Les plus de 260 bassins hydrographiques de notre planète sont des sources d’eau douce très importantes pour des milliards d’individus. Ils produisent un large champ de bénéfices pour nos sociétés, pays, et pour l’environnement.
Une des utilisations classiques de l’eau douce des rivières est la construction de barrages créant des réservoirs d’eau utilisés à des fins nombreuses. Les barrages de petite taille sont ainsi perçus comme des atouts du développement socio-économique et de la conservation des ressources naturelles.

Ils sont construits grâce à des études approfondies et des évaluations de leurs impacts environnementaux

A l’inverse, les grands barrages suscitent la controverse parmi les académiques et les activistes environnementaux. La Commission Internationale des Grands Barrages considère qu’ils sont économiquement et environnementalement très bénéfiques aux sociétés capables de les construire grâce à des études approfondies et des évaluations de leurs impacts environnementaux, mais aussi de les gérer avec précaution. C’est pourquoi les droits des eaux internationales et/ou nationales et certains standards juridiques unanimes tels que le principe d’utilisation équitable, le devoir d’empêcher les torts causés aux riverains, et l’obligation de protéger les écosystèmes, doivent être suivis afin de garantir que la construction, le remplissage et la gestion des grands barrages promeuvent un développement durable international.

Les grands barrages entraînent certainement des risques financiers et sécuritaires ainsi que des changements dans l’écoulement hydrologique des eaux. Ils peuvent également affecter les moyens de subsistances des êtres humains, les plantes et les animaux. Cependant, puisqu’ils sont soumis à des exigences juridiques et sécuritaires, les bénéfices des grands barrages l’emportent sur leurs désavantages :

Des risques raisonnables, évitables et comparativement moindres

Premièrement, les grands barrages apportent aux états et à leurs populations une croissance socio-économique considérable. Cette croissance leur permet de s’assurer : des sources de nourriture grâce à des cultures irriguées de grande échelle ou à l’expansion et la modernisation des zones de pêche ; une énergie renouvelable grâce aux centrales hydroélectriques ; des revenus importants provenant du tourisme et des loisirs ; un accès à l’eau potable en ville, et la navigation fluviale. Les grands barrages d’Amérique, d’Asie, d’Europe ou d’Afrique incarnent clairement ces bénéfices, malgré le fait que la plupart d’entre eux ne remplissent même pas les normes internationales de construction, gestion et protection de l’environnement.
Deuxièmement, tout projet de grande envergure comporte ses propres risques. Cependant, quand on les compare avec d’autres projets énergétiques alternatifs (tels que les projets nucléaires), les grands barrages, en plus de fournir une énergie renouvelable, apportent des risques raisonnables, évitables et relativement moindres pour les générations futures.
Troisièmement, par la régulation des crues et des débits d’eaux, les barrages pourraient contribuer positivement à un équilibre naturel et un environnement artificiels, et ainsi aider à contrebalancer les effets potentiels du changement climatique.

Cette analyse démontre deux observations importantes : que les bénéfices des barrages, comparés à leurs effets négatifs, sont importants, ce qui est incarné par le rôle des grands barrages dans l’avancement économique des pays développés ; et que les mérites des grands barrages doivent être pris en compte pour juger leurs effets environnementaux, qu’ils soient à dénoncer ou à acclamer.

Les grands barrages ne sont pas bénéfiques à l'environnement

Les grands barrages catapultent vers l’extinction un grand nombre d’espèces. Ils inondent des puits de carbone essentiels et en privent d’autres de leurs moyens de subsistance. Les barrages sont les plus grandes sources artificielles d’émission de méthane : le plus puissant des gaz à effet de serre. Inutile de dire qu’ils est donc difficile de soutenir que les barrages sont bénéfiques à l’environnement, à moins de se livrer à du greenwashing.

Les barrages sont les plus grandes sources artificielles d’émission de méthane : le plus puissant des gaz à effet de serre

Du 14 au 16 Mai, le World Hydropower Congress sera organisé à Paris afin de supposément répondre aux objectifs de l’Accord de Paris sur le climat et le développement durable. Vu les ressources désormais disponibles pour atténuer le changement climatique (par exemple le Fond Vert pour le Climat), ce Congrès est dans une posture confortable. Selon une lettre adressée par près de 300 ONG au Fond Vert pour le Climat, en plus de priver de fonds (130 millions pour un unique projet au Tadjikistan) des technologies plus vertes et plus récentes, les grands projets hydroélectriques sont inefficaces, inopérants et perturbent la fonction de régulateur des cycles de carbone endossée par les rivières.

Comment se fait-il que, malgré la prépondérance des preuves démontrant que les grands barrages nuisent à l’environnement, cette technique garde-t-elle une image de pratique écologique ? Pour répondre à cette question, il n’est pas nécessaire de chercher plus loin que le co-hôte du World Hydropower Congress : l’UNESCO. L’UNESCO est l’institution internationale responsable de la protection juridique accordée aux sites élus au Patrimoine Mondial, mais aussi, de la légitimation d’une industrie qui menace près de 20 sites de ce même Patrimoine Mondial.

Un autre aspect de ce greenwashing est la mise en avant de l’argument selon lequel l’hydroénérgie serait le moindre des deux maux : les barrages sont moins nocifs pour l’environnement que les sources conventionnelles d’énergie, ils sont donc bénéfiques à l’environnement. Inutile de dire que ce postulat comporte des erreurs. Tout d’abord, des études démontrent que dans des environnements tropicaux et des zones à forte sédimentation, les barrages rejettent plus de gaz à effet de serre que les centrales à charbon. De plus, même si les grands barrages étaient moins nocifs que d’autres solutions, leur empreinte carbone ne pourrait en aucun cas être bénéfique à l’environnement ou comparable à des alternatives telles que le solaire ou l’éolien.

Même si les barrages étaient un moindre mal, leur empreinte carbone ne pourrait en aucun cas être bénéfique ou comparable à des alternatives

Il est temps pour ces institutions crédibilisant le mythe du « barrage écologique » de changer d’orientation, avant que cette soi-disant « solution » au changement climatique ne nous entraîne encore plus vite vers le point de non-retour défini par le GIEC.