Le contexte
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Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
Le droit de vote local des étrangers : une évidence juridique
Dr Christophe Chabrot
Maître de conférences de Droit public à l'Université Lumière Lyon 2, Faculté de Droit et Science politiquehttp://dct.ish-lyon.cnrs.fr
La participation des étrangers aux élections permettrait une meilleure intégration sociale des populations immigrées vivant de façon régulière dans notre pays, qui contribuent au dynamisme de notre société, payent des impôts et sont impliquées dans l’économie nationale et locale, même si elles tiennent à conserver leur nationalité d’origine pour des raisons symboliques ou techniques.
Leur soumission continue aux règles du pays devrait avoir pour compensation leur droit de participer directement ou indirectement aux décisions les concernant. La France de la Révolution permettait ainsi aux étrangers vivant sur le territoire de pouvoir voter et être élus.
Cette participation électorale correspondrait surtout à une véritable logique juridique, en distinguant toutefois selon les scrutins. Les élections nationales, qui assurent l’expression du Souverain national, semblent réservées aux « nationaux », c’est-à-dire aux personnes possédant la nationalité du pays. Ce qui exclut de droit les étrangers. Ceci paraît trop profondément ancré dans la culture pour être repensé aujourd’hui.
Mais le droit de vote et d’éligibilité des étrangers aux élections locales est par contre une évidence juridique. En effet, ces élections ne mettent pas en jeu le souverain national. Ce n’est pas le Peuple français qui s’exprime lors d’une élection des conseillers municipaux d’une ville. C’est comme administré local que l’on désigne ces autorités administratives locales soumises à la loi. Or, un administré n’a pas de nationalité : il est juste toute personne soumise à une autorité administrative.
Les élections universitaires et du CROUS, par exemple, ne sont pas réservées aux seuls étudiants français mais bien à tout étudiant inscrit à l’université, même étranger. Les élections locales devraient donc être ouvertes à tous les habitants administrés de la collectivité, quelle que soit leur nationalité, et sans même avoir besoin de justifier une certaine durée de résidence qui ferait alors une distinction entre habitants français et étrangers.
Ce principe devrait d’ailleurs valoir pour toutes les élections locales (rappelons que les étrangers communautaires sont étrangement exclus des élections départementales et régionales), et pour toutes les consultations locales décisoires ou non (réservées aux seuls nationaux, et aux européens pour les référendums municipaux).
Droit de vote et d’éligibilité pour tous, au nom de la cohérence juridique. Par contre bien sûr, les actes qui engagent la souveraineté nationale (désignation des sénateurs, organisation des élections, actes comme officier d’état civil ou de police judiciaire) ne sauraient être ouverts aux étrangers élus, comme c’est d’ailleurs la règle pour les ressortissants européens.
“En rupture avec notre tradition républicaine”
Patrick Ollier
Ancien Ministre, Maire de Rueil-Malmaison, Député UMP des Hauts-de-Seinehttp://www.patrick-ollier.com
Cette question est un serpent de mer depuis 1977, et ne cesse de ressurgir à chaque échéance électorale, en 1981 par les « 110 propositions » de Mitterrand, en 2012 avec les « 60 propositions » de Hollande. 38 ans que ce sujet ponctue le débat public, avec pour vertu de donner vigueur aux extrémistes ! Force est de constater que cette proposition est en rupture flagrante avec notre tradition républicaine qui lie citoyenneté et droit de vote.
Sur ce principe, la Déclaration des droits de l’Homme réserve le droit de vote aux seuls citoyens, seuls détenteurs de la souveraineté. En France, la citoyenneté vaut brevet de capacité électorale. Depuis que la nationalité existe dans notre Code civil, la citoyenneté en est indissociable. Du lien entre ces deux notions, découle le droit de vote. La citoyenneté est donc indivisible et ne peut être fractionnée par pure opportunisme politicien. Elle permet l’expression de la souveraineté nationale ! C’est dire que ce projet confiant un droit de vote à des étrangers est en parfaite contradiction avec les articles 3 et 88-3 de notre Constitution de 1958, qui sont d’une grande clarté : « (…). Sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques. » et « sous réserve de réciprocité (…) le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales (sont reconnus) aux seuls citoyens de l’Union résidant en France. (…). »
Permettre à des étrangers non-communautaires de jouir du droit de vote nécessite une modification substantielle de notre Constitution. C’est exactement ce que la Gauche a entrepris de faire par une initiative parlementaire d’octobre 1999, voilà 11 ans ! Et malgré les soubresauts de la gauche sénatoriale en 2011, il faut retenir qu’aucune modification constitutionnelle n’a pu aboutir suite à une initiative parlementaire : les 24 révisions adoptées depuis 1958 procèdent toute d’une volonté présidentielle.
Au-delà des déclarations d’intention, une telle initiative est neutralisée et, compte tenu du contexte, F.Hollande ne pourra pas obtenir une majorité des 3/5ème du Parlement pour réformer la Constitution et je doute fort qu’une majorité de français se dégage d’un référendum pour reconnaître un droit de vote aux étrangers. Ce n’est pas une priorité !
Je considère qu’un étranger non-communautaire, résidant dans une commune, n’en est pas moins un administré qui a vocation à participer à la vie de la cité, tout en bénéficiant des mêmes droits sociaux, professionnels, associatifs que les citoyens français. C’est donc le modèle d’intégration qu’il faut parfaire à l’école, au travail, etc. Mais, il n’est pas question que la République cède sur ce sujet, car à défaut, c’est l’Etat de droit et la liberté qui reculeraient. C’est dire qu’un tel projet, auquel je m’opposerai avec détermination, constitue un véritable chiffon rouge, politiquement inopportun, puisque rejeté par plus de 60% des français.