Carte Lyon Turin sur fond des Alpes

Lyon-Turin : faut-il réaliser le projet de ligne à grande vitesse ?

📋  Le contexte  📋

Le projet LGV est un projet de ligne à grande vitesse, entre la ville de Lyon (France) et Turin (Italie). Il est destiné notamment à désengorger les vallées alpines du trafic des poids lourds en favorisant le transport de marchandises par le rail. Celui-ci comprend trois sections :

  • En France, une portion entre Lyon et Saint-Jean-de-Maurienne.
  • En Italie, deux lignes fret et voyageurs entre Orbassano et la gare de Turin, et entre Chiusa San Michele et la future gare internationale de Suse
  • Entre les deux, la section transfrontalière reliant Saint-Jean-de Maurienne à Bussoleno
Carte projet Lyon Turin
Sources : La Transalpine

Cette dernière portion comprend la réalisation d’un tunnel de 57 km sous les Alpes. C’est l’ouvrage majeur des travaux. Son coût est évalué à 8,6 milliards d’euros pour une mise en service prévue en 2030.

Sources : 20minutes, Lyon Capitale

Le projet est financé par la France et l’Europe. Ceux-ci doivent respectivement contribuer à hauteur de 25 % et 40 %. Quant à l’Italie, elle est censée financer 35 % du financement du tunnel.

Celui-ci est à 80 % en territoire français mais l’Italie paye davantage car les voies d’accès entre Lyon et l’entrée du tunnel côté français sont beaucoup plus longues que les voies d’accès italiennes. Celles-ci s’ajoutent à la liste des dépenses : 1,7 milliard d’euros pour l’Italie, 7,7 milliards d’euros pour la France (toujours en cours de négociation).

Par ailleurs, l’UE a fait savoir qu’elle pourrait financer 50 % du tunnel transfrontalier, c’est-à-dire rajouter 1 milliard d’euro.

Sources : Lyon Capitale

Depuis 30 ans, le projet de Lyon-Turin connaît de vives contestations, locales ou écologistes, en premier lieu par son immense coût mais aussi par ses impacts environnementaux (lors des percées des tunnels ou construction de gares). Plusieurs recours ont été déposés, mentionnant notamment le changement de la situation actuelle des poids lourds.

A côté de cela, le financement a suscité de vives débats en Italie, tiraillant les deux groupes au gouvernement : Le Mouvement 5 Etoiles (M5E), fermement contre et la Ligue, partisane du projet. Finalement, après plusieurs crises, le président du conseil italien Giuseppe Conte a tranché cet été en faveur du projet.

Cette semaine, le premier tronçon du tunnel fut terminé. L’occasion pour nous d’ouvrir le débat !

🕵  Le débat des experts  🕵

Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
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Le « Pour »
Stéphane Guggino
Délégué général du Comité pour la Transalpine Lyon-Turin
Le Lyon-Turin pour l'Ecologie, l'Emploi, l'Europe !

Réduire drastiquement le nombre de camions, de voitures et d’avions au cours du siècle à venir : voici la promesse écologique de la liaison fret et voyageurs Lyon-Turin qui est l’un des maillons manquants du réseau ferroviaire européen au carrefour des axes est-ouest et nord-sud du continent.

La clé de voûte de cette ligne de 300 km est un tunnel de 57 km sous les Alpes destiné à prendre le relai d’un petit tunnel d’altitude construit au XIXème siècle. Comme en attestent formellement les autorités compétentes (1), ce vieil ouvrage a atteint ses limites en termes de capacités et de normes de sécurité. Il n’est plus capable d’absorber les flux croissants de circulation dans les Alpes franco-italiennes.

Plus d’1 million de camions enlevés de la route par an

Confrontés exactement à la même problématique, les suisses, qui ne prennent pas les questions écologiques à la légère, ont déjà réalisé avec succès deux tunnels de nouvelle génération identiques à celui du Lyon-Turin. Suivant cet exemple, le Lyon-Turin permettra de basculer chaque année sur le rail plus de 1 million de poids-lourds sur les 3 millions (+ 16,2 % depuis 2013 selon l’Observatoire des trafics transalpins) qui traversent la frontière franco-italienne en asphyxiant les Alpes et la côte méditerranée.

En réduisant fortement les temps de parcours pour les voyageurs, le Lyon-Turin offrira en outre une alternative propre par rapport à la voiture et à l’avion. Par exemple, 2 M/an de passagers prennent l’avion pour faire Paris-Milan à raison d’une cinquantaine de vols quotidien. Grâce aux gains de temps du Lyon-Turin, ils auront enfin une offre attractive qui leur fera préférer le train sur cet itinéraire.

Un investissement d’avenir contre la dette écologique

Evidemment, un tel ouvrage structurant (qui au passage créera des milliers d’emplois) a un coût : 18 Md€ selon les dernières décisions actées sur le dossier. L’Europe a officiellement annoncé sa disponibilité pour en financer la moitié (2), considérant qu’il s’agit d’une priorité stratégique pour lutter contre le réchauffement climatique. Le coût pour la France du Lyon-Turin est donc estimé à 5 Md€ sur 10/15 ans…à comparer avec une dette écologique autrement plus lourde si on ne le réalise pas.

Il est dès lors surprenant de constater l’hostilité de bon nombre d’écologistes à cette liaison. Exhumation de vieilles études sans rapport avec le dossier actuel, malaxage de chiffres sortis de leur contexte… dans une démarche plus politique que pragmatique, quelques apprentis « experts » ont progressivement tissé un étrange récit où le Lyon-Turin se retrouve érigé en totem aux côtés… de projets d’autoroutes et d’aéroports. En perdant de vue une réalité implacable : le coût environnemental et social du train est infiniment inférieur à celui de la route et de l’aérien.

Références :

(1) http://www.transalpine.com/sites/default/files/Documents%202019/IMG_2110.JPG

(2) https://www.youtube.com/watch?v=Y44sn7AYVtQ&t=4s

Le « Contre »
Jean-Paul Lhuillier
Bénévole au réseau Transports et mobilité durables de France Nature Environnement
LGV Lyon-Turin : un projet inutile et coûteux

Depuis près de 20 ans, France Nature Environnement exprime son opposition au projet de Ligne Grande Vitesse Lyon-Turin. S’opposer à un projet ferroviaire n’est pourtant pas simple pour une association environnementale puisque le transport ferroviaire est nettement plus écologique que le transport routier. De plus, les traversées alpines étouffent à cause de la pollution de l’air générée par les camions. Alors, pourquoi un tel rejet ?

La réduction de trajet est minime et risque de faire augmenter les prix des billets

L’objectif de la nouvelle liaison ferroviaire Lyon-Turin était initialement de réduire le temps de trajet pour les voyageurs et de développer le transport de marchandises (fret). Or côté temps de trajet, la réduction promise est de 20 à 30 minutes… à quel prix pour nos billets de train ? Côté fret, une étude* a prouvé que ce projet ne permettrait pas de faire baisser le nombre de poids lourds qui traversent les Alpes. Au contraire, un accroissement de 50% est même prévu !

L’alternative : le réaménagement de la ligne historique, encore sous exploitée

De plus, une voie historique Dijon – Ambérieu – Modane – Turin existe déjà et a été récemment modernisée. Elle permet de transporter 60% des camions et jusqu’à 15 millions de tonnes de marchandises par an (contre 3,4 millions de tonnes aujourd’hui). La ligne historique a donc encore beaucoup de marge avant d’être saturée puisqu’elle n’est exploitée qu’à 20% de sa capacité.

Actuellement, la politique des transports de la France est telle qu’il est plus intéressant financièrement de transporter les marchandises en camion plutôt qu’en train. Seule une politique volontariste, rendant la voie ferroviaire plus attractive financièrement que le transport routier permettrait de développer l’utilisation de cette ligne et remédier au problème de pollution de l’air. Le désir de développer ce fret, les associations du mouvement France Nature Environnement le portent depuis longtemps. En proposant quelques aménagements de l’existant, l’ancienne ligne sera plus attractive car mieux placée : dépenser des milliards dans une nouvelle ligne, a contrario, risque de faire flamber les prix. 

Préférons une solution moins coûteuse et opérationnelle rapidement

Car l’autre point noir du projet Lyon-Turin est celui du coût. En 2002, les promoteurs de la nouvelle ligne ont affirmé qu’elle coûterait 12 milliards d’euros. La Cour des comptes s’est penchée sur le dossier et a révélé une note bien plus salée : 26,1 milliards d’euros. La solution proposée par France Nature Environnement et de nombreux autres opposants, qui consiste à réaliser quelques aménagements de l’existant coûterait, elle, entre 20 et 50 millions d’euros. Une solution qui répondrait davantage aux besoins réels et serait opérationnelle bien plus rapidement.

*Etude socio-économique menée lors de l’enquête d’utilité publique de 2012

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