un bus rempli de personnes.

[Histoire] Faut-il accorder l’indépendance à l’Algérie ?

Avertissement !

Ce débat, surtout formulé comme ceci, peut sembler trompeur. Il place sur le même plan deux opinions dont l’Histoire a montré qu’elles n’étaient pas forcément sur le même plan. Néanmoins, à l’époque, elles l’étaient. Nous ressuscitons ces débats historiques dans leur contexte pour montrer que les débats d’hier ont contribué à façonner le monde que nous connaissons, et par extension que les débats d’aujourd’hui contribuent à façonner le monde de demain. Et, qui sait ? Peut-être que dans quelques générations, certains de nos débats actuels ne mériteront plus le pied d’égalité dont ils ont bénéficié aujourd’hui ?

 

📋  Le contexte  📋

L’aventure française en Algérie commence en 1827 avec l’affaire de l’éventail – le consul de France est frappé par le dey d’Algérie après avoir tenu des propos offensants. Cet acte fournit un prétexte à Paris pour installer un blocus naval de la région, alors administrée par un Empire ottoman déclinant.

En 1830, à l’issue d’une courte campagne militaire, les troupes de Charles X s’emparent d’Alger et des régions côtières. Les années suivantes, la monarchie de Juillet encourage l’émigration de colons français en leur offrant de la terre. La conquête de l’Algérie sera achevée à la fin du siècle, et les territoires conquis seront « pacifiés » par les troupes coloniales françaises. La répression des nombreuses révoltes est particulièrement féroce, tant du point de vue militaire que du point de vue culturel : une campagne d’assimilation est lancée dans la lignée de la « mission civilisatrice » de la France.

Durant la Première Guerre mondiale, de nombreux Algériens servent sous les drapeaux français, 26 000 ne reviendront pas. Les gouvernements occidentaux leur avaient promis un État arabe au Moyen-Orient et une plus grande autonomie, en échange du lourd tribut payé par les peuples colonisés. Ces promesses ne sont pas tenues.

L’Algérie, à la différence d’autres territoires, n’est officiellement pas une colonie mais elle est composée de départements français depuis 1848. Les populations indigènes sont cependant exclues de l’accès à la citoyenneté, et seuls les « pieds-noirs » (les colons) sont reconnus comme étant pleinement français, et vivant sur un territoire français. Les locaux sont quant à eux des citoyens de seconde zone, privés de nombreux droits civiques comme économiques, et soumis au droit colonial.

Cette situation est perçue comme injuste par les populations locales, et donne naissance à des mouvements nationalistes en Algérie (tout comme dans les autres colonies) au lendemain de la Première Guerre mondiale. Le 8 mai 1945, jour de la capitulation allemande, des massacres de populations indigènes ont lieu à Sétif. La situation s’envenime et dégénère en guerre civile à partir de 1954 (on parle d’« événements » en France). Le Front de Libération Nationale (FLN) mène la rébellion contre l’occupant français. Les deux camps commettent de nombreuses exactions, entre attentats et usages de la torture.

En 1958, suite au putsch d’Alger, le général de Gaulle revient au pouvoir en France. Devant l’impasse militaire, il demande par référendum aux Français s’ils sont pour l’autodétermination de l’Algérie. Après la victoire du « Oui », il invite aussi les Algériens à se prononcer sur l’indépendance. Sans surprise, le « Oui » l’emporte largement, et après les accords d’Évian, l’Algérie devient indépendante le 5 juillet 1962.

Entre temps, l’Organisation Armée Secrète (OAS) est créée par des partisans de l’Algérie française et commet des exactions en Algérie comme en métropole, dénonçant un abandon de la communauté française après un siècle d’encouragement à la colonisation. Les pieds-noirs sont alors expulsés, comme les Harkis qui avaient soutenu la France durant la guerre.

La mémoire de la guerre d’Algérie reste un sujet sensible en France comme en Algérie. En France, beaucoup dénoncent l’expulsion sans compensation (en violation des accords d’Évian) de familles qui vivaient dans le pays depuis plus de 100 ans ainsi que les massacres de Harkis, tandis qu’en Algérie beaucoup regrettent que la France ne reconnaisse pas ses crimes commis durant l’occupation et la guerre.

🕵  Le débat des experts  🕵

Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
Le « Pour »
Charles de Gaulle
Président de la France
La perspective qui s'ouvre sur l'avènement d'une Algérie indépendante, coopérant étroitement avec nous, satisfont la raison de la France.

« La conclusion du cessez-le-feu en Algérie, les dispositions adoptées pour que les populations y disposent de leur destin ; La perspective qui s’ouvre sur l’avènement d’une Algérie indépendante, coopérant étroitement avec nous, satisfont la raison de la France. Car ce qui vient d’être décidé répond à trois vérités qui sont aussi claires que le jour.

La première c’est que notre intérêt national, les réalités françaises, algériennes et mondiales, le sens de l’oeuvre et du génie traditionnel de notre pays, nous commandent de vouloir qu’en notre temps l’Algérie dispose d’elle-même.

La seconde c’est que les grands besoins et les vastes désirs des Algériens pour ce qui est de leur développement, les nécessités modernes de leur progrès économique, technique et culturel ; La présence au milieu d’eux d’une communauté de souche française importante par le nombre, et plus encore par le rôle qu’elle joue aujourd’hui et que la France lui demande de jouer demain dans l’activité locale ; L’effectif des musulmans qui viennent de l’autre bord de la Méditerranée travailler et s’instruire dans notre métropole, imposent à l’Algérie de coopérer avec nous.

La troisième vérité c’est que par-dessus les combats, les attentats, les épreuves, en dépit de toutes les différences de race, de vie et de religion, il y a entre l’Algérie et la France, non seulement les multiples liens tissés au cours des cent trente-deux ans de leur existence commune ; Non seulement les souvenirs des grandes batailles où les enfants des deux pays luttèrent côte à côte dans nos rangs pour la liberté du monde, mais encore une sorte d’attrait particulier et élémentaire qui s’élève.

Si la lutte qui se termine et le sacrifice des morts tombés des deux côtés n’auront pas en définitif aidé les deux peuples à mieux comprendre qu’ils sont faits non pour se combattre mais pour marcher ensemble sur la route de la civilisation ; Si la solution du bon sens poursuivie ici sans relâche depuis tantôt quatre années a fini par l’emporter sur la frénésie des uns, l’aveuglement des autres, les agitations de beaucoup ; Cela est dû d’abord à la République qui a su réformer et pratiquer ses institutions. De telle sorte que la stabilité des pouvoirs, l’autorité de l’État, la continuité des desseins remplacent maintenant les crises, les abandons, l’impuissance, où naguère elle se débattait.

Cela est dû ensuite à notre armée qui, par son action courageuse au prix de pertes glorieuses et de beaucoup de maîtrise, de beaucoup de méritoires efforts, s’est assurée la maîtrise du terrain en chaque région et aux frontières ; Qui a établi avec les populations ses contacts humains et amicaux si longtemps et fâcheusement négligés et qui, malgré la nostalgie de nombre de ses cas, les tentatives de subversions de quelques chefs dévoyés, les sollicitations d’aventuriers criminels, est restée ferme dans le devoir.

Mais surtout, ce qui va être entrepris pour tirer d’une lutte déplorable les chances d’un avenir fécond, est dû au peuple français. Car c’est lui qui, par son bon sens, sa solidité, sa confiance constamment témoignés à qui porte la charge de conduire l’État et la nation, a permis que mûrisse puis aboutisse la solution. Je le dis non point qu’on veuille bien m’en croire par vantardise nationale ou par démagogie politique, mais je le dis pour que notre pays s’affermisse dans la conscience de ce qu’il vaut. Françaises, Français, pour que soit solennellement ratifié ce qui vient d’être décidé ; Pour que soit en conséquence et en dépit des derniers obstacles accompli ce qui doit l’être, il faut maintenant que s’expriment très haut l’approbation et la confiance nationales. Ce qui signifie les vôtres. Je compte donc vous le demander.

Vive la République ! Vive la France ! »

Le « Contre »
Maurice Challe
Général, putschiste
L’Armée ne faillira pas à sa mission et les ordres que je vous donnerai n’auront jamais d’autre but.

« Je suis à Alger avec les Généraux Zeller et Jouhaud et en liaison avec le Général Salan pour tenir notre serment, le serment de l’armée de garder l’Algérie, pour que nos morts ne soient pas morts pour rien. Un gouvernement d’abandon nous apprenait successivement l’Algérie française, l’Algérie dans la France, l’Algérie algérienne, l’Algérie indépendante associée à la France. Il s’apprête aujourd’hui à livrer définitivement l’Algérie à l’Organisation extérieure de la rébellion. Est-ce cela la paix annoncée ? Ne sait-il pas qu’il ne saurait y avoir de garantie, même militaire, de libre choix pas plus que de liberté et de justice dans une organisation totalitaire.

Il a même refusé de faire la paix avec certains rebelles de l’intérieur, prêts à cesser les combats. Nous en avons hélas les preuves.

Sachant tout cela, voudriez-vous renier vos promesses, abandonner nos frères musulmans et européens, abandonner nos cadres, nos soldats, nos supplétifs musulmans à la vengeance des rebelles.

Voudriez-vous que Mers-el-Kebir et Alger soient demain des bases soviétiques ?

Voulez-vous une fois de plus, la dernière, amener votre drapeau alors vous auriez tout perdu, même l’honneur. Mais je vous connais tous, et je sais quels sont votre courage, votre fierté, votre sens de l’honneur et du devoir, la discipline qui fait notre force ne saurait en aucun cas conduire au déshonneur. L’armée est avant tout au service de la France et garante du territoire national.

L’Armée ne faillira pas à sa mission et les ordres que je vous donnerai n’auront jamais d’autre but. »

🗣  Le débat des lecteurs  🗣

 

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