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Pour ou contre le tourisme spatial ?

📋  Le contexte  📋

Le tourisme spatial regroupe l’ensemble des expériences, entraînements, vols à sensations, qui permettent à des personnes d’aller dans l’espace pour des motifs non professionnels. L’idée est loin d’être nouvelle, l’agence russe Roscosmos organisait déjà des vols à destination de la Station spatiale internationale entre 2001 et 2009. Aujourd’hui, cette activité est en pleine expansion, les projets de tourisme spatial explosent et se développent à plus large échelle.

 Trois milliardaires, Elon Musk, Jeff Bezos et Richard Branson se livrent actuellement une terrible bataille pour avoir la mainmise sur le domaine. Dimanche 11 juillet, le patron de Virgin Galactic s’est envolé dans l’espace à bord d’une de ses fusées. Mardi 20 juillet, c’est au tour de Jeff Bezos, fondateur d’Amazon, de décoller à bord de la capsule New Shepard. Des milliardaires technophiles qui accomplissent alors leur rêve d’enfant tout en y voyant une grande opportunité économique : le développement du tourisme spatial de masse.

Alors que le voyage dans l’espace en fait rêver certains, d’autres y voient une aberration écologique, éthique et économique. Il est jugé comme très polluant car il demande une quantité colossale de ressources et d’énergie pour fonctionner. Les prix sont également exorbitants. Virgin Galactic a déjà vendu plus de 600 billets à des touristes dont Justin Bieber et Leonardo DiCaprio en encaissant plus de 80 millions de dollars. Certains critiquent alors une lubie de milliardaires qui cherchent uniquement à flatter leurs egos, déconnectée des crises et des enjeux actuels qui touchent le monde. 

 

🕵  Le débat des experts  🕵

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Le « Pour »
Michel Messager
Président du Cabinet Conseil Consul’Tours
Tourisme Spatial : des centaines de milliers d’emplois manqués par la France et l'Europe !

Après des décennies de recherches, d’études et d’expériences, mais également de doutes et de scepticisme, le Tourisme Spatial trouve enfin la place et l’intérêt qu’il mérite.

 Le Tourisme Spatial d’aujourd’hui ne peut être comparé aux débuts de l’aviation commerciale, car tout va désormais plus vite et dans tous les domaines, y compris celui du tourisme dans l’espace.

Des centaines de milliers d’emplois directs et indirects vont être créés par le tourisme spatial

 En dehors du personnel très qualifié nécessaire au voyage lui-même, que ce soit au niveau orbital vers des stations spatiales ou suborbital à 100 kilomètres d’altitude pour admirer la courbure et les couleurs de la terre, des centaines de milliers d’emplois directs et indirects vont être créés par le tourisme spatial, comme tant d’autres ont été générés aux Etats-Unis par la conquête de la Lune.

Il est évident que cet apport de richesse ne sera pas limité aux seules agences spatiales privées, Virgin, Space X, Blue Origin ou autres, car il se déploiera également autour du concept de vol spatial une multitude d’actions connexes et dérivées qui seront, elles aussi, génératrices d’emplois et d’activités.

Les études s’accordent pour évaluer le marché du tourisme spatial, d’ici quatre à cinq ans, à 15 000 à 20 000 passagers par an, puis à plusieurs dizaines, voire centaines de milliers grâce à l’inévitable réduction des coûts des voyages spatiaux et du développement de la capacité des vaisseaux spatiaux.

Pour faire face à ce développement, des Spaces Ports sont déjà construits ou en phase de l’être aux Etats Unis, en Russie, en Chine, au Japon ou encore aux Emirats. Autour de ces Spaces Ports, des zones d’animation sur le thème du spatial sont prévues : parcs d’attraction, musées, centres d’entraînement, hôtels…. qui draineront des centaines de milliers de touristes entraînant inévitablement les embauches de dizaines de milliers de salariés..

Même chose pour les hôtels spatiaux ou les stations spatiales dont une partie sera consacrée à l’hébergement de loisirs. Déjà cinq projets sont en partie financés et devraient voir le jour d’ici cinq ans, entraînant des milliers d’emplois qualifiés. Et que dire des produits dérivés du type alimentation, boissons, combinaison…

L’Europe et la France sont cruellement absentes de ce marché

 L’on pourrait douter de tout cela si les investissements financiers privés n’étaient pas au rendez-vous. La récente entrée en bourse de Virgin Galactic et la création de fonds d’investissement en faveur du développement du tourisme spatial sont autant de gages d’intérêts pour celui-ci.

 Pour nombre de Français, cet avenir proche et certain n’est que science-fiction. C’est compréhensible quand on constate que l’Europe et la France sont cruellement absentes de ce marché. Une fois de plus, ils auront laissé passer le coche, se privant de centaines de milliers d’emplois.

 

Le « Contre »
Roland Lehoucq, François Graner, Emmanuelle Rio
Membres du collectif "Passerelle"
Quand le rêve de quelques-uns est le cauchemar de tous

Ce qui est possible n’est pas nécessairement souhaitable. Le tourisme spatial, cette débauche d’énergie, ce gaspillage de ressources, cette activité colossalement coûteuse ne satisfait que quelques hyper-riches tenaillés par la rage de fuir à la fois leur condition d’humain et la proximité de leurs semblables. Car, quelle marque plus évidente, plus aveuglante de supériorité sociale que de faire le tour de la Lune ? 

Chaque touriste spatial piétine allégrement [l’accord de Paris] et s’arroge le droit de polluer à la place des autres humains

Compte-tenu de la puissance nécessaire pour décoller, le tourisme spatial ne peut reposer que sur les énergies fossiles. Par exemple, un « simple » vol vers la Station Spatiale Internationale, la fameuse ISS, émet 1 150 tonnes de CO2. Cela correspond, pour chaque passager, à  ce qu’un humain ordinaire peut émettre pendant 144 ans s’ il veut rester dans les clous de l’accord de Paris. Autrement dit, chaque touriste spatial piétine allègrement cet objectif et s’arroge le droit de polluer à la place des autres humains. En outre, les tonnes de suies émises au décollage et pendant le vol resteront une dizaine d’années en suspension dans la stratosphère, vers 40 kilomètres d’altitude, affectant le climat de la planète entière.

Sans oublier que cette promenade coûte la bagatelle de 20 à 35 millions de dollars par personne – soit le budget quotidien de quinze millions d’humains vivant au seuil de pauvreté international. Quant à un vol autour de la Lune, qui coûte dix fois plus cher et que seuls les milliardaires peuvent se payer, il génère deux fois plus d’émissions qu’un vol vers  l’ISS.

Paroxysme de gaspillage qui affecte l’environnement pour le caprice de quelques privilégiés

Le tourisme spatial promeut le fantasme de la conquête et le mythe de la toute-puissance de l’humanité sur la nature, réduite à un terrain d’aventure. Il débloque à la fois le financement et le verrou psychologique pour passer à la deuxième étape : étendre l’exploitation industrielle et minière à la Lune et aux astéroïdes. Or, rien ne dit que cette activité serait souhaitable, étant données les quantités de matière et d’énergie à mobiliser pour l’extraction et le transport de ces matériaux extra-terrestres. Plus généralement, notre planète même court déjà le danger de devenir inhabitable : étendre notre terrain de jeu n’est pas la solution. 

Paroxysme de gaspillage qui affecte l’environnement pour le caprice de quelques privilégiés… Les tenants du tourisme spatial nous vendent leurs rêves. Ne vaudrait-il pas mieux les laisser à l’état de rêve ?

 

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