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Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
On peut douter de leur intérêt pour la société
Aurélien Bigo
Doctorant sur la transition énergétique dans les transportshttp://www.chair-energy-prosperity.org/publications/travail-de-these-decarboner-transports-dici-2050/
Les entreprises automobiles et numériques ont réussi à imposer le sujet
Les véhicules autonomes sont arrivés par l’initiative des secteurs de l’automobile et du numérique : Google, Tesla ou encore Uber sont parmi les acteurs qui font le plus de bruit sur le sujet.
Leur stratégie de diffusion est notamment basée sur des grands effets d’annonce promettant une révolution à court terme, quitte à diffuser des promesses intenables.
Les médias relayent largement ces annonces, sans vraiment de recul critique, ou avec un grand décalage entre un titre racoleur promettant des véhicules autonomes dans un ou deux ans, et le contenu de l’article détaillant seulement une expérimentation avec une personne derrière le volant, une conduite sur des voies dédiées (hors circulation), ou encore une vitesse maximale de 15 à 20 km/h.
En réalité, les véhicules autonomes sans conducteur derrière le volant (niveaux 4 et 5 d’autonomie) ne sont pas pour demain. Mais peu importe, l’intérêt pour ses promoteurs n’est pas là. En réussissant à présenter l’arrivée des véhicules autonomes comme inéluctable, ils ont obligé les pouvoirs publics à s’en préoccuper, notamment pour l’indispensable évolution de la réglementation, et même à les soutenir pour ne pas prendre de retard dans la course à l’innovation.
Mais à qui profiteront les véhicules autonomes ?
Maintenant que la voiture autonome est dans toutes les têtes, les débats portent surtout sur comment la développer, la rendre « acceptable » par les usagers, la rendre durable.
En réalité, il faudrait retourner la question !
A-t-on besoin des véhicules autonomes pour tendre vers une mobilité plus inclusive et plus durable ? Souhaite-t-on vraiment voir circuler des robots de plus d’une tonne sur nos routes, dans nos villes ? Bien que l’innovation soit séduisante, va-t-elle résoudre plus de problèmes qu’elle va en créer, d’un point de vue environnemental, social, de sécurité, de coût de la mobilité, ou encore technologique ?
Si le véhicule d’un futur souhaitable doit être sobre en ressources énergétiques et minérales, peu cher, silencieux, prendre peu de place en ville… il y a plus de chances que ce véhicule ressemble à un vélo qu’à une voiture autonome pleine de capteurs.
Une diversité de modèles possibles
Différents modèles de véhicules autonomes seraient possibles, rendant toute prospective compliquée : la voiture individuelle autonome, les robots-taxis autonomes, ou encore les transports en commun autonomes.
Si le rêve vendu par certains constructeurs automobiles est de permettre de dormir ou travailler en voiture, cette voiture de luxe risque de profiter seulement aux plus riches et d’encourager à davantage utiliser la voiture, augmentant les nuisances associées.
Les citoyens et les pouvoirs publics doivent à minima craindre ce scénario, et s’assurer que la régulation des transports favorise réellement une transition à la fois écologique et solidaire de nos mobilités.
Il y a d’autres voies pour réduire les émissions liées à la mobilité
Julian Carrey
Professeur à l’INSA Toulouse, Laboratoire Physique et Chime des Nano-objets, Atelier Ecologie Politique
Présenter une nouvelle technologie sous un jour favorable en soulignant ses implications sociétales positives est vieux comme la recherche de financement public. Le véhicule autonome, en
cela, ne fait pas exception à la règle : on en présente les avantages lorsque l’on cherche à ce que gouvernements, collectivités, ou agences de financements investissent.
Il y a de réels risques environnementaux
Pourtant, dans l’article scientifique « Help or hindrance? The travel, energy and carbon impacts of highly automated vehicles » (1) , les avantages et inconvénients potentiels du véhicule autonome sont présentés, et surtout quantifiés. Résultat : ses vertus écologiques potentielles sont contrebalancées par un risque de catastrophe environnementale, en fonction de ses futurs usages et développements.
Les avantages reposent sur une sorte de révolution à long terme de l’usage automobile, en particulier le partage ou la conduite douce synchronisée. Les inconvénients s’inscrivent, eux, dans le plus court terme. La baisse des désagréments de la conduite dans les véhicules autonomes, leur accessibilité à de nouveaux usagers comme les enfants et les personnes âgées dépendantes conduiraient à une augmentation de la mobilité. La vitesse comme la consommation énergétique seraient accrues en raison de la reconfiguration nécessaire des infrastructures, et du poids important et du faible aérodynamisme de ces véhicules.
Il est peu probable que le long terme compense les effets négatifs court terme
A court terme, ce dont on peut être sûr, c’est que le véhicule autonome va augmenter les émissions de gaz à effet de serre liées au transport, ne serait-ce que par les très forts investissements nécessaires à son développement. Ce qui est nettement moins sûr, c’est que, sur le long terme, ses avantages potentiels puissent compenser tout le reste.
Suivons d’autres voies plus respectueuses de l’environnement
Or, il existe dès aujourd’hui des voies qui permettraient de réduire les émissions liées à la mobilité : bridage en vitesse et poids des véhicules, développement des transports doux et actifs, transports collectifs et en particulier le train, sobriété, etc.
Ce sont ces voies qui doivent être suivies, et non pas la voie hasardeuse des véhicules autonomes, prônés par des acteurs qui souhaitent avant tout augmenter leurs profits et la croissance économique, et en aucun cas lutter contre le réchauffement climatique.
Non, à condition d’en piloter le déploiement !
Entre peur de la nouveauté et crainte de lâcher le volant et les pédales, le véhicule autonome, qu’il soit privé ou partagé, suscite bien des appréhensions. L’Institut VEDECOM travaille à l’introduction de ces véhicules pour que les mobilités de demain soient plus sûres, plus écologiques et plus partagées.
Une sécurité accrue
L’augmentation de la sécurité : voilà l’argument principal qui plaide en faveur des véhicules à conduite déléguée. On estime qu’ils pourraient réduire d’un facteur 20 le nombre d’accidents de la route (1). Pourquoi ? Parce que connecté, le véhicule autonome communique avec son environnement : infrastructures, objets connectés, autres véhicules et usagers de la route. Cela élargit considérablement ses capacités perceptives pour mieux se localiser. Cette conduite coopérative favorise des « réflexes » beaucoup plus constants que ceux d’un être humain : un véhicule autonome n’est jamais sous l’emprise de médicaments ou de l’alcool. L’Institut VEDECOM travaille à des technologies plus fiables et performantes, mais aussi sur les conditions de reprise en main optimales du véhicule.
Voyager plus, voyager mieux
Les fonctionnalités du véhicule autonome devraient également favoriser une utilisation optimale du réseau routier et des conditions de transport plus agréables. En libérant le passager de l’obligation de conduire dans les moments pénibles, elles lui libèrent aussi du temps utile pour travailler ou se distraire, voire même le dispensent de certains trajets : le véhicule pourrait par exemple aller chercher seul une place de parking… Les services de mobilité autonome seront accessibles à tous, y compris à ceux qui n’ont pas le permis, à moindre coût : pas de frais de chauffeur, de parking, partage possible…. L’autonomie favorisera aussi la transition vers le véhicule électrique, la voiture pouvant aller se recharger seule après avoir déposé son passager.
Une confiance à gagner
Le déploiement des véhicules autonomes ne se fera pas sans la mise en place de solutions abordables et fiables de sûreté de fonctionnement et de cybersécurité pour protéger l’infrastructure et les données. Finalement, le véhicule autonome ne se déploiera bien qu’en intégrant le facteur humain et l’impact sur la ville, soit au rythme des avancées scientifiques mais aussi politiques, réglementaires et législatives, à travers des étapes successives d’automatisation de la conduite, de tests en virtuel et d’expérimentations réelles. Toutes ces étapes devraient en favoriser l’acceptabilité. Exemple avec le Paris Saclay Autonomous Lab, une expérimentation de navettes autonomes et véhicules à la demande lancée en mai 2019.
La crainte ne doit pas nous faire renoncer aux multiples bénéfices du véhicule autonome, mais elle nous invite à le prendre pour ce qu’il est : un objet que la technique met au service de l’Homme, qui se doit d’en piloter le déploiement et d’en définir les conditions d’utilisation (2), sans jamais oublier Rabelais : « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme »… ou de l’Homme.
Vous ?
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