Qui possède une arme à feu en France ?

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LE DÉCRYPTAGE DE L’ACTU

Chaque semaine, on essaye de comprendre pour vous un sujet qui fait l’actu, mais qui peut paraître un peu ardu…

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150 000 armes non déclarées ont été récoltées

Entre le 25 novembre et le 2 décembre, plus de 150 000 armes dont 140 000 armes à feu ont été récupérées par les autorités. Le ministère de l’Intérieur a salué le succès de cette « opération nationale d’abandon simplifié d’armes à l’État ». Les Français avaient ainsi l’occasion de se débarrasser des armes qu’ils détenaient illégalement, souvent à la suite d’un héritage, dans un des 300 armodromes mis à disposition. Une collecte à domicile a aussi été proposée, notamment pour les propriétaires habitant en région parisienne afin d’éviter qu’ils se déplacent dans la rue et dans les transports en commun avec une arme. Pour Gérald Darmanin, cette récupération d’armes à feu participe à « prévenir les violences intrafamiliales, les accidents domestiques et les vols d’armes ». 

Les armes héritées sont, la plupart du temps, conservées sans sécurité, ce qui peut favoriser le trafic d’armes. Chaque année, 8000 armes sont volées et on estime à près de 2 millions le nombre de personnes détenant des armes sans titre. 

Ces milliers d’armes récupérées datent pour la plupart des deux guerres mondiales ou sont des fusils de chasse gardés par méconnaissance des réglementations. Elles seront désormais détruites, comme 99% des 300 000 armes déjà collectées le reste de l’année. 

Quelles sont les règles à respecter pour posséder une arme ?

En France, les armes sont rangées en quatre catégories allant de A à D. Ce classement est fondé sur leur dangerosité vis-à-vis de la répétabilité du tir (à répétition automatique, semi-automatique ou manuelle), la capacité de tir sans rechargement (nombre des cartouches dans un chargeur) et la capacité de dissimulation de l’arme (arme d’épaule / arme de poing). 

Catégorie A : contient les armes de guerre. Elle comprend notamment les armes automatiques (tirant par rafale) ou des lance-roquettes par exemple. Elles sont interdites en France pour les particuliers.

Catégorie B :  elle regroupe des armes de poing (pistolets, revolvers etc.) et d’épaule (carabines semi-automatiques). Elles nécessitent une autorisation de la préfecture pour être achetées. Cette autorisation, délivrée dans la cadre du tir sportif, nécessite une formation de 6 mois dans un stand de tir et sera valide pour une durée de 5 ans. Une liste d’infractions rend automatiquement impossible cette autorisation. Une vérification des antécédents judiciaires est donc réalisée, mais tous les cinq ans seulement, au moment où l’autorisation est délivrée par la préfecture et à son renouvellement.

Catégorie C : comprend notamment des armes d’épaule semi-automatiques, ou des armes à air comprimé. Il est possible de les acheter librement pour les tireurs sportifs, les chasseurs ou les collectionneurs, mais il est obligatoire de les déclarer à la préfecture. L’administration peut évidemment s’opposer à la détention de l’arme.

Catégorie D : englobe les armes en vente libre, interdite néanmoins aux mineurs. Ce sont par exemple certaines bombes lacrymogènes ou certaines armes à impulsion électrique (comme un Taser).

En France, le libre transport des armes et transport des munitions de toutes catégories est formellement interdit par la loi, à l’exception des armes de catégorie B,C et D dans le cadre de la pratique exclusive des activités de chasse, tir ou de loisirs dans les conditions strictes du règlement de la sécurité intérieure.

Un tout nouveau système

Depuis le 8 février 2022, un nouveau système d’information sur les armes (SIA) a été mis en place. Il remplace le site AGRIPPA, qui était sujet à plusieurs défauts, notamment sur le fait de ne pas recenser certains types d’armes. Les fusils de chasse à « un coup par canon lisse », les plus répandues en France, qui ont été acquis avant 2011 n’avaient pas l’obligation d’être enregistrés (sauf en cas de décès ou de changement de propriétaire). Ce qui avait pour conséquence de fausser quelque peu les chiffres. En effet, on estime à près de 2 millions le nombre de propriétaires de ce type de fusil. 

Plus de cinq millions d’armes enregistrées

Le SIA a ainsi pour objectif d’améliorer la traçabilité et de simplifier les démarches administratives en les dématérialisant. Ce système repose sur une « mise en réseau de tous les acteurs du monde des armes » en enlevant le monopole de l’État sur les informations. Désormais, l’acheteur peut également y avoir accès. La nouveauté est aussi le fait que les chasseurs sont maintenant dans l’obligation d’enregistrer leurs armes. Ils étaient d’ailleurs les premiers à pouvoir le faire, puis le SIA s’est ouvert aux licenciés des fédérations françaises de tir, aux détenteurs particuliers comme les collectionneurs, avec une obligation de se créer un compte avant le 1er juillet 2023. Selon les derniers chiffres des ministères de l’Intérieur, 5,4 millions d’armes seraient enregistrées pour 5 millions de propriétaires. 

Capture du site SIA

Dans les armes enregistrées, les catégories C sont majoritaires avec 4 millions d’armes. Ce chiffre est à mettre en lien avec le nombre de chasseurs en France (près d’un million selon Fédération Nationale de Chasse) et le nombre de licenciés de tir sportif (228 000 licenciés selon la Fédération française de tir). Il y aurait également  près de 1,4 million d’armes de catégorie B et près de 2000 de catégorie A. Mais ce chiffre serait sous-estimé selon plusieurs études, notamment celle de L’institut des hautes études internationales de développement. Selon eux, en 2017, il y aurait eu en France 12,7 millions d’armes légales et illégales. 

Pratiquer le tir

Même si la France est un des pays qui vend le plus d’armes au monde, le pays reste très strict quant à la possession d’armes à feu par les particuliers. Le port d’arme est interdit pour tous citoyens, sauf s’ils sont membres des forces de l’ordre. Certains métiers comme garde du corps, journaliste, avocat ou magistrat concernés par des risques terroristes peuvent avoir une dérogation. Depuis les attentats de 2015, les forces de l’ordre peuvent même continuer de porter leur arme en dehors de leur service.

Militer pour le port d’arme citoyen

Des militants en faveur du port citoyen d’arme à feu comme l’ARPAC demandent alors le rétablissement de ce droit, sous certaines conditions. Pour eux, si la personne est majeure et de nationalité française, si elle n’a aucun antécédent judiciaire ou psychiatrique, si elle a pu satisfaire une enquête de moralité par la police et qu’elle obtient un certificat médical d’aptitude, elle devrait alors pouvoir passer un permis de port d’arme égale à celui des forces de l’ordre pour pouvoir porter son arme de manière discrète et non visible. Pour Philippe Borde, membre du comité de l’ARPAC, « le port d’arme citoyen garantit tout d’abord la liberté : la liberté de résistance à l’oppression, la liberté de défendre sa vie et celle de ses proches. Il garantit ensuite l’égalité car il permet de briser la loi du plus fort ! Il est enfin une mesure de fraternité car il engage à veiller sur son prochain. Le port d’arme citoyen est ainsi ardemment français. »

Capture du site de l’ARPAC

Face à eux, il y a ceux qu’ils appellent les hoplophobistes. L’hoplophobie est définie comme la peur des armes à feu et des personnes qui sont armées. Bien-sûr toutes les personnes contre le port d’arme citoyen n’en sont pas phobiques. Le mouvement dont fait partie l’ARPAC reste minoritaire en France. Dans la pratique du tir, beaucoup ne sont pas pour l’utilisation quotidienne des armes et revendiquent leur différence avec ces militants. 

Les collectionneurs  

Ce passe-temps regroupe près de 50 000 passionnés. Les armes de collection faisant partie de la catégorie D, comme les modèles datant d’avant 1900 ou du matériel de guerre neutralisé d’avant ou après 1946, sont en vente libre à toutes personnes majeures. Pour les armes neutralisées entrant dans les catégories A, B, C , une déclaration auprès d’un professionnel est exigée. Afin d’être reconnu comme collectionneur et avoir la carte, les conditions suivantes sont à respecter : avoir la majorité, obtenir une attestation par une association habilitée, ne pas être inscrit au FNIADA et n’avoir aucune condamnation sur le bulletin n°2 du casier judiciaire.

Le tir sportif

En France, le tir sportif est de plus en plus apprécié. En 2022, 230 000 personnes étaient licenciées dans un des 1 650 clubs alors qu’ils étaient 201 000 en 2016 et 145 000 en 2011 selon la Fédération Française de tir, soit une augmentation de près de 70% en une dizaine d’années. Un tel engouement peut être expliqué par plusieurs facteurs : tout d’abord le fait que des sports comme le biathlon (JO d’hiver) ou le tir sportif (JO d’été) sont de plus en plus en vogue. Le biathlon notamment est l’un des sports qui rapportent le plus de médailles à la France et des sportifs comme Martin Fourcade sont très populaires. En parallèle, des raisons comme la guerre en Ukraine, les attentats et le besoin de savoir se défendre sont également évoqués par les professionnels et gérants de clubs. 

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FFTIR

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Pratiquer le tir pour ces licenciés se fait dans un cadre strict. Par exemple, chaque personne avant de devenir membre passe un entretien avec le gérant du club pour vérifier qu’elle n’est pas inscrite dans le Fichier national des personnes interdites d’acquisition et de détention d’armes. Puis pendant les séances, les licenciés sont dans l’obligation de manier leurs armes uniquement sur le pas de tir, de diriger en toutes circonstances le canon vers les cibles et de mettre en sécurité leurs armes après chaque session. Comme nous avons pu le voir précédemment, chaque arme  a un encadrement spécifique selon sa catégorie. Toutes ces règles sont éditées pour éviter tout dérapage et pour remarquer des profils potentiellement dangereux. 

Les craintes 

.Une arme à feu dans les foyers 

Les réticents à la possession d’arme à feu et à la pratique du tir mettent en avant les accidents et homicides perpétrés par des possesseurs d’armes. On se souvient par exemple en 2021, du double assassinat dans la scierie des plantiers où Valentin Marcon tua son patron et un collègue. Ce passionné d’armes était passé inaperçu et possédait chez lui un arsenal de 12 armes, toutes avec autorisations. En France, entre 1500 et 1700 personnes décèdent chaque année suite à l’utilisation d’une arme à feu. Dans 2% des cas, ce sont des accidents, dans 9% des homicides et 78% des suicides. À titre de comparaison, aux États-Unis, 40 000 personnes décèdent chaque année à cause d’une arme à feu. 

Il n’existe pas à ce jour de recensement officiel quant à la catégorie des armes utilisées lors d’un homicide en France, il est alors impossible de quantifier le nombre d’armes de catégorie B ou C utilisées dans les homicides. Mais certaines études montrent en parallèle la forte présence des fusils de chasse dans ces actes de violences, ce qui peut être expliqué par le fait que c’est le type d’arme le plus commun en France. L’utilisation d’une arme à feu est en majorité masculine : 82% des auteurs de violence au sein du foyer sont des hommes (De même, 75% des suicides en France concernent des hommes).  

1 féminicide sur 4

Selon l’association Féminicide par compagnon ou ex, un féminicide sur quatre est perpétré avec  une arme de chasse  (tous les fusils de chasse ne sont pas possédés par des chasseurs). Cela représente près de 30% des féminicides en 2020 et sur les 41 auteurs de féminicides ayant utilisé une arme à feu, l’arme était déclarée et détenue légalement dans 56% des cas. Pour le professeur Jean-Louis Terra, interviewé par Reporterre, « la présence d’une arme dans un domicile tue 22 fois plus souvent quelqu’un du foyer qu’un agresseur hors du foyer».  

Le trafic d’armes à feu 

En 2021, les saisies douanières ont permis d’intercepter 804 armes à feu. Dans beaucoup de cas, ces armes sont interceptées dans des colis postaux suite à des commandes en ligne, notamment sur des sites hébergés par le Dark Net. Deux tendances ont été remarquées par les autorités : des armes en kit qui demandent à être remontées par l’acheteur et des armes non létales, vendues en accès libre, qui sont transformées en arme pouvant entrainer la mort. Des pistolets d’alarme, à bille et même parfois en plastique sont modifiés à l’aide d’une imprimante 3D. 

Les armes interceptées ont plusieurs origines. La Belgique et la Suisse, qui organisent dans leur pays des bourses aux armes sont un « canal d’achat traditionnel ; de même que la filière balkanique, recyclant le matériel utilisé lors des guerres des années 1990 ». En parallèle, les États-Unis restent le premier producteur du marché mondial. Des pays d’Europe de l’Est comme la Biélorussie, la Bulgarie ou la Roumanie sont aussi pointées du doigt par les autorités.

Plusieurs profils

Pour ce qui est des profils de ces acheteurs, les services de renseignements parlent « d’une grande diversité ». Selon Florian Colas, directeur de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières, et interviewé par le Monde, le premier type concerne les « extrémistes violents » allant des islamistes radicaux aux militants de l’ultradroite. Puis il y a les « survivalistes et complotistes », « les trafiquants » et « les collectionneurs », et enfin les « individus inconnus des services, aux préoccupations non identifiées, achetant des armes de poing ». 

Les armes et leur représentation culturelle 

Peu importe notre avis sur les armes, elles font partie de notre imaginaire collectif. Nous les voyons dans les clips, des films, des jeux vidéos. En ce qui concerne les films, en juin dernier, 200 personnalités du cinéma américain avaient appelé à représenter les armes à feu d’une manière plus responsable. Dans la musique, les armes sont tout aussi présentes que dans les longs métrages, et cela, dans tous les genres musicaux. Que ce soit dans la musique de Balavoine, The Weeknd ou encore Booba, les armes à feu parcourent les paroles et les clips et ont parfois une place centrale. Il en est de même  sur les réseaux sociaux.

Rien que sur YouTube, nombre de vidéos ont pour sujet les armes à feu. Que ce soit des vidéos réalisées par des passionnés qui vulgarisent les différents modèles ou défendent leur position sur le port d’arme, mais aussi des youtubeurs tout publics qui pratiquent le tir sportif ou visitent des armureries. Entre glorification, prévention, hoplophobie et tout simplement leur présence dans l’actualité, les armes à feu ne sont pas prêtes à sortir de notre quotidien. 

 

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