Le contexte
Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
Vivre pas survivre
La France de 2017 c’est presque 6 millions de chômeurs. C’est 8,8 millions de pauvres. C’est aussi l’annonce des profits des entreprises du CAC 40 : 76 milliards d’euros de bénéfices dont pour 2016. C’est aussi 41 milliards d’euros de cadeaux fiscaux donnés aux entreprises. La France de 2017 c’est des inégalités croissantes séparant une infime minorité de privilèges de la grande masse de la population. Cette situation est inacceptable !
Pour moi-même et le NPA, cette campagne présidentielle est l’occasion de défendre des mesures d’urgence concernant le pouvoir d’achat. Le principe de base, c’est que personne ne peut vivre en dessous du Smic, quelle que soit sa situation (salariéE, chômeur, retraitéE), et que le Smic doit être relevé immédiatement à 1 700 euros net mensuels. Le Smic doit devenir la référence de rémunération minimale dans toutes les branches professionnelles. En cas de licenciement, le salaire antérieur doit être maintenu pendant toute la période de recherche d’emploi.Depuis des années, le pouvoir d’achat a été érodé par l’inflation, le blocage des salaires, la flambée des loyers : pour commencer à rattraper, nous proposons une augmentation générale de 300 euros nets pour chaque salariéE, mais aussi une augmentation identique des revenus des sans-emploi et des retraités. C’est une exigence qui vise évidemment à rattraper tout ce qui nous a été pris depuis des dizaines d’années, et à permettre que chacun puisse vivre dignement et ne plus survivre.
Il faut mettre un coup d’arrêt aux inégalités salariales entre hommes et femmes par une revalorisation des salaires et des carrières féminines, ainsi que par la reconnaissance des qualifications des métiers à dominante « féminine » (santé, éducation). De même, un plan de rattrapage des retraites des femmes doit être mis en oeuvre d’urgence, afin de combattre leur paupérisation croissante, due à des carrières incomplètes ou à des temps partiels imposés.
Bien entendu, ces mesures coûteront de l’argent. Mais de l’argent, il y en a, il suffit de voir les profits des grandes entreprises. Ce qui manque, c’est la volonté politique de faire payer les plus riches et de taxer les profits. Une politique de gauche, en quelque sorte. Cela nécessitera également une mobilisation d’envergure pour faire reculer patronat et gouvernement.
Augmenter le SMIC : une mauvaise solution pour donner du pouvoir d'achat
Francis Kramarz
Professeur à l'Ensae et l'Ecole Polytechnique, Directeur du CREST (Centre de Recherche en Economie et Statistique)http://www.crest.fr/ses.php?user=68
Faut-il un salaire minimum ? Le débat existait parmi les économistes. Il est tranché. Oui. Un salaire minimum est très utile face aux abus potentiels. Pourtant la question de son niveau se pose. Il se pose particulièrement en France car les cotisations sociales, salariées comme employeurs, viennent augmenter le coût associé. Or aujourd’hui, dans sa version française, le salaire minimum est destructeur d’emplois, sans protéger pour autant les personnes les plus fragiles.
En effet, pour lutter contre la pauvreté, le SMIC n’est pas efficace. Les travailleurs pauvres en France le sont car ils travaillent un nombre d’heures insuffisant, un temps partiel trop partiel. La précarité peut même survenir pour les salariés en CDI, ou les non-salariés, dès lors que leur entreprise va mal, ou qu’ils sont harcelés ou discriminés par leur employeur. En outre, et surtout, une augmentation du SMIC détruit des emplois (voir entre autre mes travaux dans le Journal of Public Economics avec Thomas Philippon). Les emplois des personnes même que l’on cherche à protéger. Ces destructions ont incité les pouvoirs publics à mettre en place des politiques palliatives, à base d’exemptions de cotisations employeurs pour les travailleurs au salaire proche du SMIC. Ainsi, dépense-t-on plus de 20 milliards d’euros par an, simplement pour ne pas avoir reconnu qu’augmenter le SMIC détruit des emplois.
Alors, bien sûr, comment donner du pouvoir d’achat, mais aussi du pouvoir de négociation, aux Français si l’on refuse d’augmenter le SMIC. Soyons révolutionnaire, vraiment, et délaissons la facilité qui consiste à utiliser cet outil populiste. Un simple exemple, je pourrais les multiplier, le logement. Retirons aux maires le permis de construire. Et que l’État construise des logements partout, là où les personnes veulent se loger. Plutôt que de développer la propriété, développons la location, comme en Allemagne. Deux bénéfices pour les personnes les plus fragiles, hausse du pouvoir d’achat car loyer baissé, distance au travail raccourcie car changer de logement devient possible. Cette réforme, alliée à d’autres, permettra alors de redonner du pouvoir à la population.