📋 Le contexte 📋
Le don d’organes est une pratique médicale qui consiste à prélever un organe ou des tissus à une personne. Le don peut se faire post mortem, après le décès d’une personne, ou par un donneur vivant. Le don d’organes est l’étape qui précède la transplantation ou la greffe, qui consiste à remplacer l’organe qui fait défaut chez le patient.
Le don d’organes est à différencier du don du corps à la science. Ce don permet d’offrir volontairement son corps à des fins de recherche et d’enseignement après la mort, et dans ce cas, les organes ne serviront pas à la transplantation.
Source : Ministère de Solidarités et de Santé
Un grand nombre d’organes peut être prélevé post mortem. L’organe le plus courant est le cœur, et dans une moindre mesure sont prélevés les poumons, le pancréas et les cornées.
Le don d’organes de son vivant concerne essentiellement le rein, qui est l’organe le plus souvent greffé. Le don du lobe de foi est également possible, mais moins courant.
En France, 92% des dons d’organes proviennent des personnes décédées.
Sources : Ministère de Solidarités et de Santé, Agence de biomédecine
En France, le don d’organes est régi par la loi Caillavet du 22 décembre 1976, confirmée par la loi du 26 janvier 2016. Cette loi fixe trois règles pour le don d’organes :
- le consentement présumé : toute personne est présumée être un donneur d’organes, sauf si elle a exprimé le refus de son vivant ;
- l’anonymat : le nom du donneur ne peut être communiqué à la personne recevant la greffe, et réciproquement ;
- la gratuité : tout bénéfice ou contrepartie obtenue en échange du don d’organes est interdit et sanctionné.
Lors du don du vivant, les frais relatifs aux soins médicaux, l’hospitalisation, le suivi médical, l’hébergement, le transport et l’arrêt de travail sont pris en charge par l’assurance maladie du donneur.
Sources : Ministère de Solidarités et de Santé, Agence de biomédecine
🕵 Le débat des experts 🕵
Rémunérer le don d’organes : une « transaction répugnante » ?
Alvin Roth, lauréat du prix Nobel d’économie, a inventé le terme de “transactions répugnantes” pour décrire les transactions que certains veulent faire, et qui sont contestées par ceux qui ne souffriraient d’aucune de leurs conséquences directement. L’achat et la vente d’organes sont une de ces transactions répugnantes. Nombreux sont inconfortables à l’idée qu’on pourrait vendre ou acheter des organes. Et dans tous les pays sauf un, l’Iran, ces transactions sont interdites par la loi.
Mais peu de personnes sont conscientes du prix terrible payé par la société pour ces sentiments de répugnance. En interdisant la vente et l’achat d’organes, les Etats posent de fait un plafond de prix zéro sur le marché des reins. Toute personne ayant pris un cours d’introduction à l’économie peut vous le dire : si le gouvernement maintient le prix d’un bien au-deçà de son prix de rajustement de marché, il créera un déficit. Et si le gouvernement maintient ce prix à zéro – bien en dessous du prix du marché – ce déficit sera énorme. C’est ce qui s’est passé sur le marché des reins aux fins de greffe, et l’impact sur les patients souffrant d’insuffisance rénale a été catastrophique.
Inciter les donneurs afin de réduire la mortalité des patients
Tous les ans environ 126 000 cas d’insuffisance rénale sont diagnostiqués chez les Américains, ce qui signifie qu’ils doivent obtenir une greffe de rein ou vivre sous dialyse et mourir prématurément. Avec mes co-auteurs, nous estimons que tous les ans, 50% des patients traités pour l’insuffisance rénale bénéficieraient d’une greffe de rein (environ 63 000 patients par an), mais à cause du déficit des organes aux fins de greffe, seulement 20 000 personnes par an en reçoivent. Cela signifie que le déficit de reins cause les souffrances désespérées d’environ 43 000 patients par an, qui vivent sous dialyse et meurent avant l’âge. Cela représente 118 patients par jour, ce qui équivaut à environ 85 Boeing 747 qui s’écraseraient tous les ans.
Qu’est-ce qui peut être fait pour prévenir cette effroyable perte de vie ? La clé du succès est de trouver un moyen de récompenser les donneurs de reins. Beaucoup avancent que la solution la plus simple serait que l’Etat récompense les donneurs, puis qu’il répartisse l’offre accrue des reins aux fins de greffe entre tous les patients qui en ont un besoin médical.
Certains militent contre le fait de payer pour les organes, mais ces arguments doivent être pesés contre les réelles souffrances et décès des centaines de milliers des patients tous les ans. Nous ne devrions jamais oublier que lors de chaque don empêché par ces arguments, une personne souffre et meurt.
Un don est par définition désintéressé
Nos organes sont nécessaires à la vie mais lorsqu’ils échouent, la transplantation est généralement le traitement curatif recommandé. Toutefois, les donations n’atteignent jamais le niveau de la demande. La liste d’attente pour les organes vitaux est longue, et beaucoup de gens meurent en attendant le “don de vie”.
“Don de vie” et “don d’organes” sont deux expressions synonymes pour qualifier la transplantation. Le concept d’altruisme y est lié aussi – il s’agit d’une donation désintéressée d’un organe à un patient en attente de greffe. Mais ce n’est pas suffisant de simplement labelliser le don d’organes comme quelque chose qui ‘devrait être’ altruiste, et non pas marchandisé à travers la vente.
Rembourser l’opération du donneur est éthique mais pas son indemnisation
Avec la stipulation qu’un don d’organes ne devrait pas représenter un coût financier pour le donneur, il est éthique de rembourser les dépenses associées avec le don d’organes aux donneurs vivants (par exemple les coûts liés à l’opération, aux médicaments, à l’hébergement et au voyage, au congés de travail, aux frais de garde d’enfants et aux éventuelles complications médicales ou psychologiques). Les remboursements de cette nature ne posent pas de problème éthique et ils ne détournent pas les principes de l’altruisme.
Cependant, les paiements pour les organes sont contraires à l’éthique, et illégaux dans la plupart des pays. Ils peuvent avoir un impact négatif sur le processus de décision et de consentement informé du candidat au don. L’incitation à la vente d’organes pourrait réduire la capacité d’un donneur potentiel à réfléchir sérieusement aux risques liés au don d’organes par un donneur vivant, car il donnerait la priorité au gain financier du don. Cette incitation financière deviendrait alors une tentation, qui pourrait être coercitive dans le processus de consentement, et cela réfuterait le concept du consentement valable et éclairé. Si on paie pour les organes, cela signifierait que les organes ne sont plus des “dons de vie”, mais des marchandises destinées à l’achat et à la vente, potentiellement au plus offrant. C’est un terrain glissant, qui peut dériver au trafic d’êtres humains.