Fallait-il arrêter le football amateur ?

Ce débat est publié en partenariat avec l’Observatoire du Sport Business

📋  Le contexte  📋

Comprendre le monde du foot français quand on n’y connaît rien n’est pas une mince affaire, mais t’inquiètes on t’expliques tout ! Il n’y a pas de définition claire de ce qu’est le football amateur. C’est plus une question de statut des joueurs qu’autre chose. 

Bien que le niveau National soit considéré comme amateur dans l’usage, dans les faits, la plupart des joueurs (de N1 notamment) sont des joueurs au statut professionnel. Et au niveau National, la plupart des équipes comportent un mélange de joueurs professionels (un statut dans le Droit du Travail), et de joueurs amateurs (dont certains sont rémunérés…mais n’ont pas le statut protecteur de joueur professionnel).

Dans les faits, quand on entend le terme football amateur dans la presse spécialisée, comprendre : toutes les divisions en-dessous de la Ligue 2.

La Ligue 1 et la Ligue 2, ça te parle ? Eux, c’est la FIFA qui s’en charge, ils sont réservés aux pro du ballon rond. Ca tombe bien, on n’en parlera pas aujourd’hui. Là on te cause de foot amateur, donc des championnats qui ne sont pas réservés aux pros !

La catégorie en-dessous des Ligues 1 et 2 est celle du niveau National, avec chaque année les championnats de National 1, National 2 et National 3 (N1 étant le meilleur). Ce niveau-là, et tout ceux en-dessous, sont gérés par la Fédération Française de Football (FFF). 

Puis, il y a le niveau Régional, qui comme son nom l’indique, s’organise par région, avec le championnat Régional 1, 2 et 3. T’as capté ? J’dois m’répéter ? Enfin, encore en-dessous, il y a les championnats départementaux, avec les niveaux allant de D1 à D5. A l’issue de chaque saison, une équipe peut monter ou descendre, comme dans tout sport collectif en fait. Comme les ascenseurs aussi.

Suite à l’annonce du reconfinement de la population française le 28 octobre 2020, le Président de la Fédération Française de Football, Noël Le Graët, a décidé de suspendre le football amateur jusqu’au 1er décembre, date annoncée de fin de confinement (mais bon, on nous l’a déjà faite celle-là). 

Dans les faits, cela signifie que la saison 2020/21 risque d’être interrompue bien au-delà du 1er décembre, mettant en péril les revenus de nombreux clubs de foot, et augurant des déclassements, de lourdes difficultés économiques voire des dépôts de bilans. RT si c triste.

Toutefois, le championnat de N1 n’a pas été suspendu – ça illustre bien l’ambiguïté de la définition du foot amateur. Sont donc concernés les championnats de N2, N3, ainsi que les championnats régionnaux et départementaux…qui dépendent tout particulièrement du dynamisme des championnats locaux, tant sur le plan social que sur le plan économique.

🕵  Le débat des experts  🕵

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Le « Pour »
Vincent Chaudel
Fondateur de l’Observatoire du Sport Business
Oui, sur un plan économique, reste la dimension sociale !

Si au printemps dernier on pouvait convenir qu’il était urgent de ne pas prendre de décision et probablement de ne pas arrêter, les circonstances ne sont pas les mêmes aujourd’hui. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’au printemps, nous en étions aux trois-quarts des championnats. Il était alors intéressant de pouvoir aller au bout de la compétition et de ne pas faire une saison blanche après être arrivés aussi loin dans la saison.

Par ailleurs, il s’agissait du secteur professionnel, avec des enjeux économiques importants pour les clubs, mais aussi pour tous les acteurs qui tournent autour des clubs, et qui est en claire concurrence avec l’étranger. 

Bien entendu, les championnats amateursne sont pas en concurrence avec nos voisins européens. Ils n’ont pas de droits TV, ni une exposition des sponsors très importante, et par ailleurs, n’ont pas un niveau de billetterie très important. On peut imaginer, et donc comprendre, qu’après un quart de la compétition on puisse se dire que qu’il faille arrêter, faire une saison blanche, et repartir en 2021, avec un vaccin – en tout cas nous le souhaitons tous. 

Il y a quelques incohérences dans la prise de décision de la Fédération, mais il demeure une certaine cohérence toutefois. Le Président de la Fédération a reproduit la même méchanique de prise de décision au printemps qu’à l’automne. Est-ce qu’on a pris cette décision trop tôt? Probablement, puisque sur la partie professionnelle on a retenu la leçon : les compétitions peuvent se produire, surtout qu’elles se poursuivent chez nos voisins. 

Mais dans le monde amateur, il n’y a pas de concurrence, et on aurait pu prendre le temps de l’écoute, et surtout se rappeler que le premier confinement nous a permis de faire le constat que le sport faisait du bien à la tête et au corps. Si à la sortie de ce deuxième confinement on se rend compte qu’on peut reprendre une activité quasi-normale, du moins comme celle qu’on a connue pendant quelques mois, peut-être qu’il aura été dommage d’avoir arrêté la dynamique du sport amateur au sens large, et notamment pour les jeunes ! 

Pour les jeunes, le sport est un vecteur de création de lien social et d’éducation. Il y  a aussi tout l’aspect du développement des jeunes talents – que vont-ils faire de ces  6 à 10 mois sans pouvoir pratiquer ? Voilà des questions sur lesquelles il aurait fallu passer un peu plus de temps avant d’apporter cette réponse du 29 octobre qui est tombée comme un couperet.

Le « Contre »
Philippe Doucet
Journaliste
Non l’arrêt des compétitions est dramatique pour le monde amateur

En cette drôle d’année 2020, Noël, c’est le 28. Le 28 avril 2020, au soir même de la déclaration du Premier Ministre Edouard Philippe, Noël Le Graët, Président de la Fédération Française de Football, tire le rideau sur la saison de football professionnel et amateur. 28 octobre 2020, déclaration du Président de la République, et rebelote, dès le 29 au matin, Noël le Graët a décidé, avant même d’avoir les précisions du Premier Ministre et de se concerter avec ses ligues régionales, d’arrêter les championnats amateurs.

Outre cette absence totale de concertation, on peut s’interroger sur l’absence de défense de son propre sport par le Président de la Fédération malgré sa défense des matches amicaux de l’équipe de France, qui surchargent pourtant le calendrier. Certes, cette fois le haut niveau a été défendu. La Ligue 1, la Ligue 2 et le National continuent. La D1 féminine également et même le futsal, pourtant sport en salle.

Cependant, pas de protection et arrêt donc pour le National 2, le National 3, où il y existe pourtant des contrats fédéraux qui se rapprochent de contrats professionnels: la Fédération aurait dû s’accrocher et défendre ces championnats. Elle aurait même pu défendre les niveaux en-dessous, où les risques sanitaires sont moins importants et où les effets positifs sur le moral des citoyens sportifs français auraient peut-être mérité qu’on réfléchisse davantage aux incidences de cette décision.

L’arrêt du football amateur n’est pas sans incidence économique. L’arrêt en mars dernier avait surtout coûté très cher au football professionnel, et beaucoup moins au foot amateur. Certes il n’y avait pas eu les tournois de printemps avec les “recettes buvettes” qui vont avec, mais parallèlement les clubs avaient déjà touché les licences, les partenariats, et ils ont peut-être même pu faire des économies en usant du chômage partiel sur les éducateurs et autres salariés. 

Toutefois, en 2020/2021, un arrêt dès octobre pourrait avoir des conséquences dramatiques pour le football amateur, d’abord pour les clubs en National 2 et National 3 qui ont des contrats fédéraux qu’il faudra assumer, mais aussi pour les autres ! Certains clubs vont assumer des baisses de licences importantes, de -20% à -25% parfois. Des baisses dans le football féminin notamment sont à anticiper, car un an après la Coupe du Monde, il y a pu avoir un certain reflux. 

Il y a aussi un risque de demande de remboursement des licences et des partenaires si l’arrêt devait durer au-delà d’une certaine période. Par ailleurs, en vue du futur, c’est évidemment un très mauvais signe. En football aussi il y a des “swing players” comme en connaissent les élections américaines ! Ce sont des joueurs qui peuvent basculer d’un côté ou de l’autre, et se montrer hésitants à signer une licence pour l’année. Dans une période d’incertitude liée à la COVID-19, ce type de joueur serait amené à ne pas signer de licence, et la baisse pourrait alors devenir conséquente et entraîner un réel risque de survie pour des dizaines de milliers de clubs de football.

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