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📋 Le contexte 📋
Un embryon est un organisme en développement. Il est appelé comme cela jusqu’à la 8ème semaine de gestation, qui correspond à la période de fécondation de l’ovule. Après ce délai, celui-ci devient alors un oeuf et on parle de fœtus.
Un organisme génétiquement modifié (OGM) ou transgénique est un organisme vivant dont le patrimoine génétique a été modifié par l’intervention humaine.
Aujourd’hui, la recherche sur les embryons est réglementée par le Code de la santé publique. Ainsi, plusieurs conditions sont à respecter pour pouvoir entamer des recherches :
- elle doit être jugée pertinente scientifiquement, qu’elle ait un véritable intérêt.
- elle doit s’effectuer dans une finalité médicale (par exemple pour des essais cliniques, des visées thérapeutiques) et les résultats ne pourront être exploités à l’échelle industrielle.
- le protocole doit respecter les principes éthiques relatifs à la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires
- la création des embryons est interdite : ceux utilisés sont créés dans le cadre de l’Aide Médicale à la Procréation et ne peuvent être utilisés sans le consentement du couple d’origine (qu’ils n’ont pas pu implanter)
Enfin, tout ça doit être validé par l’agence de la biomédecine, ce qui peut prendre plusieurs mois.
Sources : Agence de la Biomédecine, Inserm
En France, la recherche sur embryons est autorisée seulement dans de rares cas, et avec de nombreuses limitations. La situation pourrait néanmoins bientôt évoluer. En effet, selon le brouillon de la loi bioéthique qui sera débattue à partir de la fin du mois à l’Assemblée Nationale, des changements sont à venir. Jusqu’à présent, la loi indique que « la création d’embryons transgéniques ou chimériques est interdite ». Désormais, la loi indique que sera interdite seulement la modification d’un embryon humain qui ajoute des cellules provenant d’autres espèces (chimériques). La modification du génome d’un embryon (=embryon transgénique) serait ainsi rendu possible dans les conditions préalables.
Petit point de précision : le fait de modifier le génôme d’un embryon pour modifier la descendance d’une personne (en gros pour avoir des enfants génétiquement modifiés) reste interdit par le code civil.
Cette nouvelle disposition de la loi fait alors débat… découvrez nos tribunes !
Sources : Etats Généraux de la Bioéthique , proposition de texte de loi
🕵 Le débat des experts 🕵
La recherche sur l’embryon humain a toujours été très encadrée et elle va continuer à l’être. On ne peut faire cloner un être humain. On ne peut créer des embryons humains qui ne serviraient qu’à la recherche.
La recherche sur l’embryon conçu dans le cadre d’un projet parental, est régie par la loi du 6 août 2013. Les autorisations de recherches sont délivrées par l’Agence de la biomédecine si, et seulement si l’approche scientifique du problème à résoudre est pertinente scientifiquement, et si la finalité de la recherche est médicale. Le projet de loi pose l’interdiction de faire des recherches sur des embryons de plus de 14 jours, alors que la précédente loi ne spécifiait aucune limite. Il y a un large consensus international sur cette limite de 14 jours. La loi prévoit la possibilité de détruire, au bout de 5 ans, les embryons surnuméraires, hors projet parental, qui n’ont pas été utilisés. C’est sage.
La loi maintient l’interdiction fondamentale de modifier le génome humain, si ces modifications devaient transmissibles à la génération suivante.
Ce que fait le projet de loi, c’est d’autoriser les chercheurs à éditer le génome de l’embryon si celui-ci est destiné à être détruit, et à condition que ces recherches satisfassent les critères déjà définis, à savoir la qualité de la méthode scientifique, et la finalité médicale de la recherche, c’est-à-dire une raison préventive, diagnostique ou thérapeutique. Par exemple il serait très utile de faire des recherches pour évaluer l’efficacité et l’innocuité des technologies d’édition du génome qui sont maintenant proposées pour la thérapie génique. On pourrait utilement étudier le rôle d’un gène particulier pour mieux comprendre ses altérations. Ces études seraient particulièrement au service des malades atteint de maladies génétiques graves et très rares.
Enfin, le projet clarifie l’interdiction de créer des embryons « chimériques » en interdisant l’adjonction de cellules issues d’autres espèces dans un embryon humain.
La loi va donc continuer à assurer la protection de la dignité de la personne humaine, en restreignant au maximum les finalités justifiant le recours à des embryons humains, mais ne va plus empêcher la recherche scientifique à partir de cellules embryonnaires humaines, dans l’espoir de trouver des solutions à de tragiques situations médicales.
Nous sommes désormais capables de modifier la vie humaine dès son origine, d’intervenir sur l’ADN de l’embryon, et d’ainsi modifier l’espèce humaine. Ce n’est plus de la science-fiction, des bébés génétiquement modifiés sont déjà nés. En Ukraine et Grèce, par la « FIV-3 parents » qui utilise deux ovocytes et un spermatozoïde pour concevoir un enfant, porteur d’un triple patrimoine génétique. Cette technique est proposée à des couples qui traversent des échecs répétés en FIV, dans une inconsciente forme d’acharnement procréatif. Ce ne sont même plus des essais sur l’homme, mais des essais d’homme. En Chine, un savant fou a modifié l’ADN de deux petites jumelles lorsqu’elles étaient encore embryons in vitro. Sa vraie motivation, dissimulée, était de regarder si on pouvait booster l’intelligence en bricolant les gènes. Une vraie folie, condamnée par la communauté internationale et par notre ministre de la santé, qui a qualifié cela sur twitter d’expériences d’apprentis sorciers !
Quel fantasme, que celui de « créer la vie » de toute pièce… quel qu’en soit le prix à payer, par l’enfant lui-même. Car c’est bien la santé des enfants qui est en jeu, on ne peut pas maitriser totalement ces modifications, qui peuvent intervenir à des endroits non maitrisés du génome, ou ne pas fonctionner, ou avoir des effets collatéraux inattendus. Il sera impossible de vérifier, par des tests préalables, puisque chaque embryon, chaque être humain, est unique. Ils sont donc tous leur propre test grandeur nature, le cobaye de la technique qui les aura créées. Et ces changements imprévisibles seront transmissibles aux générations suivantes, vertigineux ! (1)
Il ne s’agit pas de freiner la quête de connaissance ou l’innovation, mais à un moment, on doit se demander : est-ce que ce progrès technique débouche sur un progrès humain, vers plus de justice ou de solidarité ? Le « possible » n’est en réalité pas toujours « souhaitable ». Dans certains sujets on voit bien qu’il serait prudent de limiter notre propre puissance. Les problèmes écologiques nous le rappellent douloureusement.
Que préférons-nous promouvoir ? Une société où on se sent « accueilli » pour ce qu’on est, qui s’entend aussi ainsi : ce qu’on nait… ou une société où on gagne le droit de vivre grâce à certains de nos critères, si on passe le tamis génétique, ou grâce à un « ticket d’excellence » intégré dans nos gènes ? Les enfants de demain méritent mieux que d’être juste l’ambition de leurs parents, des scientifiques ou de quelques algorithmes.
Plus que donner la vie à un enfant, on le donne à SA vie. Alors, respectons-là !
Notes de la contributrice sur la loi
(1) Le texte de loi est flou sur ce point (l’interdiction de faire naître des « Bébés OGM »). Dans le cadre de l’Aide Médicale à la Procréation, il est possible de faire des recherches sur les gamètes et les embryons artificiels, y compris à des fins de gestation (article 14). Par ailleurs, la loi interdit les modifications ayant pour but de modifier la descendance. Mais ces modifications peuvent avoir d’autres buts, et la modification de la descendance n’être qu’une conséquence.