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Dessertes des territoires : autoroutes à gabarit routier
Joël GIRAUD
Député des Hautes-Alpes, rapporteur général de la commission des financeshttp://joelgirauddepute.fr/
Une confusion a été largement entretenue sur la portée des amendements que j’ai fait adopter dans la loi d’orientation des mobilités. Il ne s’agit en effet pas de privatiser des routes nationales mais d’adapter notre droit des concessions sur deux plans :
1) Les autoroutes pourront avoir un gabarit routier … comme partout ailleurs en Europe : La France est un pays de normes, de préférence adaptées exclusivement aux zones urbaines et aux plaines. C’est ainsi qu’il y a trois ans, nous avons dû batailler pour supprimer une nouvelle norme réglementant les escabeaux de ramassage des fruits, … qui n’avait pas prévu qu’un verger puisse être dans un terrain en pente, en montagne… Ubu roi !
Une autoroute à péage pourra avoir un gabarit routier en France et ce sont les territoires les plus isoles qui y gagnent
Il en est de même pour les autoroutes. En France, la norme est d’avoir une 2×2 voies séparées avec bande d’arrêt d’urgence pour une autoroute. Dans toute l’Europe, on a su s’adapter à la géomorphologie des territoires, aux contraintes environnementales, au niveau d’acceptabilité des populations mais aussi aux contraintes financières quand la rentabilité n’est pas au rendez-vous. C’est ainsi qu’en Autriche, en Suisse, en Italie, en Allemagne … l’on a par exemple en montagne des autoroutes à 2×1 voie avec une 3ème voie dans les montées, donc des autoroutes à gabarit routier. Ces itinéraires ont permis de désenclaver des régions entières là où de petites routes sinueuses de fond de vallée n’assuraient plus le rôle de liaison sures et rapides pour les populations. Il fallait, en France, une loi pour déroger à cela. C’est désormais chose faite. Une autoroute à péage pourra avoir un gabarit routier en France et ce sont les territoires les plus isoles qui y gagnent.
Cela soulagera l’Etat ou les départements de financer ce type d’investissement
2) Les autoroutes pourront être prolongées par des axes à gabarit routier financés par la concession et ayant pour objet une desserte des territoires : Actuellement, il est possible d’adosser à une concession autoroutière, un prolongement par une autoroute dans des conditions très strictes (l’adossement est en général de 10 à 30 km) encadrées par les textes européens et la jurisprudence du Conseil d’Etat. Mais il était impossible d’adosser à une concession par exemple un pôle multimodal ou un raccordement routier vers une rocade de ville ou un axe structurant. Les amendements que j’ai fait adopter l’autorisent désormais et cela soulagera l’Etat ou les départements de financer ce type d’investissement dont ils pourront par ailleurs conserver la jouissance et l’entretien s’ils le souhaitent.
Et pour que la jurisprudence du Conseil d’Etat soit intégrée dans la loi, la notion de « desserte des territoires » (donc de désenclavement) sera un des critères pour juger de la pertinence d’un adossement. Cela permettra pour illustrer mon propos, de prolonger une autoroute comme l’A51 entre Marseille et les Alpes du Sud par une route d’accès à la rocade de Gap ou à la route départementale d’accès à la rocade de Gap ou à la route départementale d’accès à Briançon en faisant payer l’opération par la concession.
Privatisation des routes nationales : la poule aux œufs d’or des sociétés d’autoroute
Maxime Caillon
Secrétaire national du SNUITAM-FSU (Syndicat National Unitaire Interministériel des Territoires, de l’Agriculture et de la Mer – Fédération Syndicale Unitaire)http://www.snuitam-fsu.org
Deux amendements de la loi mobilités adoptée le 18 juin dernier par l’Assemblée Nationale ouvre la possibilité d’un transfert des routes nationales aux sociétés concessionnaires d’autoroutes (SCA). Le premier complète le code de la voirie publique en précisant que les autoroutes pourront comporter des sections à gabarit routier (c’est-à-dire des routes comme les nationales).
Tout ceci ouvre la voie à une privatisation morceau par morceau du réseau routier national.
Le second porte sur la possibilité d’inclure dans les concessions des créations ou des aménagements d’infrastuctures de gabarit routier « ayant pour effet de faciliter, sécuriser
ou fluidifier l’accès à une autoroute ou aux itinéraires qui la prolongent ». Ainsi, en échange de travaux, les SCA se verraient offrir les routes d’accès à leur autoroute. Tout ceci ouvre la voie à une privatisation morceau par morceau du réseau routier national.
Ces amendements généralisent la pratique dite de l’adossemment qui jusque là devait être décidée par la loi au cas par cas. Elle avait déjà été mise en œuvre sous la présidence de François Hollande et nous en connaissons donc parfaitement les conséquences pour l’usager. Sous couvert d’accélérer la réalisation de travaux que l’Etat ne peut (ou ne veut) pas entreprendre, les SCA voient leur concession prolongée ou peuvent augmenter les tarifs des péages. Les deux possibilités ont été testées et elles conduisent au même résultat : l’aménagement coûte
plus cher à l’usager. Ainsi le plan de relance autoroutier de 2015 prévoyait d’allonger les concessions pour réaliser 3 milliards de travaux. Selon la cour des comptes, ces allongements rapporteront 15 milliards de recettes supplémentaires aux SCA.
Mais ceci est tout à fait logique : une entreprise privée est là pour gagner de l’argent
Autre exemple : le plan d’investissement autoroutier de 2016 a lui été financé par des hausses de tarifs. Les analyses de l’Autorité de Régulation des Activités Ferroviaires et Routières ont montré que dans 34% des projets, la hausse des tarifs n’était pas nécessaire et quand elle l’était, elle était excessive dans 40% des cas. Mais ceci est tout à fait logique : une entreprise privée est là pour gagner de l’argent, les SCA s’efforcent de rentabiliser les travaux qu’elles font pour l’Etat avant la fin de leurs concessions dans une dizaine d’années.
Pourtant les faits sont là : une politique publique volontariste de remise à niveau de notre réseau routier national, en très mauvais état selon l’audit de deux bureaux d’études suisses, coûterait moins chers aux usagers de la route que sa privatisation.
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