Transports en commun

Faut-il rendre les transports en commun gratuits ?

📋  Le contexte  📋

Les transports en commun sont financé par trois types de recettes : la vente des titres de transport aux usagers (la billeterie), le versement transport (un impôt payés par toutes les entreprises publiques ou privées de plus de 9 salariés) et la contribution des collectivités, issue des impôts locaux.

En moyenne la billetterie représente 30% du coût final des transports mais avec de fortes disparités allant de 10% pour les intercommunalités de taille moyenne à près de 40% pour les réseaux de plus de 400 000 habitants. 

L’Observatoire des villes du transport gratuit définit ainsi la gratuité pour la majorité des usagers : « un réseau au sein duquel la grande majorité des usagers, c’est-à-dire a minima les habitants et dans de nombreux cas les visiteurs, bénéficient sans payer des services réguliers de transport public tous les jours, sur le périmètre d’une commune, d’une intercommunalité ou le territoire couvert par l’autorité organisatrice de la mobilité (AOM) ».

 

Au total, il y a 376 communes desservies par des transports en commun gratuits.

Parmi elles, quatre agglomérations comptent plus de 100 000 habitants : Dunkerque, Niort, Aubagne, Calais. Et neuf font partie de collectivités moyennes (entre 50 000 et 100 000 habitants) : Libourne, Compiègne, Vitré, Castres, Châteauroux, Gaillac, Levallois, Gap et Villeneuve-sur-Lot. 

Et d’autres grandes villes prennent le même chemin : Après avoir expérimenté l’accès libre aux transports en commun les samedis et dimanches, puis l’avoir étendu aux moins de 18 ans et aux plus de 65 ans en semaine, la métropole de Montpellier (450 000 habitants) opte pour une gratuité totale des transports pour tous les Montpelliérains dès 2023.

Les arguments mis en avant par les villes qui ont fait le choix de la gratuité pour leur réseau de transports en commun sont multiples : 

  • optimiser le service dans des réseaux de bus parfois peu fréquentés ;
  • assurer le libre accès de tous aux transports sans discrimination de moyens ;
  • limiter l’usage de la voiture et fluidifier la circulation ; 
  • renforcer la mobilité en général et en particulier l’attractivité des centres villes.

 

Mais cette mesure fait débat au sein des autorités organisatrices de la mobilité : elles ont exprimé leur réticence à l’option de la gratuité totale. Elles évoquent le risque d’un affaiblissement des investissements dans les transports sans la ressource de la billetterie et l’impossibilité pour les grandes agglomérations d’adopter ce système compte tenu de leur plus forte dépendance à ces ressources. Ils préconisent davantage une amélioration en qualité et en quantité des transports et une gratuité solidaire et sociale ciblée sur les revenus les plus faibles. 

Et vous qu’en pensez-vous ? Faut-il rendre les transports en commun gratuits ? On en débat ! 

 

🕵  Le débat des experts  🕵

Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
Quelle est votre opinion avant de lire l'article ?
Le « Pour »
Michaël Delafosse
Maire de Montpellier
Par la gratuité des transports, nous agissons pour la transition écologique, la santé publique et le pouvoir d’achat de tous.

La gratuité des transports publics est une idée d’avenir. La crise de l’énergie et l’augmentation du prix de l’essence montrent que nous ne pouvons pas rester dépendant de la voiture et plus largement aux énergies carbonées. A Montpellier, nous faisons preuve de courage et d’audace par une puissante mesure de justice sociale et de transition écologique : la gratuité des transports.

La décarbonation de nos villes est un enjeu de santé publique

Libérer la ville de la voiture, diminuer la pollution de l’air et redonner du pouvoir d’achat aux ménages, voilà les grands enjeux de la gratuité. En France, ce sont plus de 40 000 décès qui sont dus à la pollution de l’air, c’est intenable : aller vers la décarbonation de nos villes est un enjeu de santé publique. La gratuité incitera les automobilistes à franchir le pas des transports en commun, en déposant leur voiture dans un parking relais par exemple. Nous ne pouvons demander aux citoyens d’agir pour la transition écologique, qui le souhaitent très majoritairement, sans nous-mêmes leur en donner les moyens.

La Métropole de Montpellier fait ce choix courageux et nécessaire de la gratuité des transports. C’est une réelle victoire pour le pouvoir d’achat : dans notre Métropole, le taux de pauvreté est élevé, 27% de nos habitants ont un revenu de moins de 1045€/mois (80% des plus de 65 ans) et 40% des ayants droits ne recouraient pas à la tarification sociale. Lorsque les transports en commun sont payants, un habitant – usager des transports – finance trois fois les mobilités : une 1ère fois à travers les tickets ou l’abonnement, une 2ème fois à travers ses impôts locaux (taxe d’habitation et foncière), une 3ème fois à travers le versement mobilité payé par son entreprise. La gratuité des transports permet ainsi une juste redistribution de ses impôts.

Les générations futures attendent des choix courageux

Déjà en place tous les week-ends, 6 semaines après notre élection en 2020, elle a été étendue en septembre 2021 à toute la semaine pour les habitants de la Métropole de moins de 18 ans et de plus de 65 ans. Cette première étape a permis de soutenir les commerces du centre-ville, durement touchés par la crise sanitaire. En à peine deux mois, nous avons constaté un triplement du nombre de pass édités chez ces classes d’âge. Pour les moins de 18 ans, l’usage des transports en communs a augmenté de 60% sur le mois de septembre par rapport à 2019 : c’est une manière de répondre à la jeunesse qui marche pour le climat.

À la fin 2023, Montpellier sera la première grande métropole française à mettre en œuvre cette gratuité tous les jours de la semaine pour tous les habitants de la Métropole. Plusieurs territoires l’ont déjà expérimenté ou adopté, comme à Aubagne, Dunkerque ou ailleurs dans le monde comme à Talinn. Ainsi, à Dunkerque, près d’un an après la mise en place de la gratuité, 48 % des nouveaux usagers du bus viennent de la voiture.

Les générations futures attendent des choix courageux, c’est aussi aux villes d’inventer des solutions pour répondre aux défis sociaux et écologiques du siècle. Par la gratuité des transports, les territoires font le choix de la modernité et du progrès, d’une idée inspirante, d’une réponse nécessaire aux crises que nous traversons.

Le « Contre »
Marie-Ange Debon
Présidente de l’Union des Transports Publics et Ferroviaires
La gratuité totale a un coût !
Le sujet du tarif des transports en commun est un élément de politique publique qui est de la compétence des élus locaux sur leur territoire. L’UTP, fédération professionnelle représentative des entreprises de transport, apporte sa contribution à ce débat en tant qu’expert et observateur du secteur.
 

Parler de « gratuité totale » est trompeur – elle a un coût

 
Pour financer les transports publics, les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) disposent de trois ressources à hauteur à peu près équivalentes :
– Les impôts locaux prélevés par les diverses communes qui la constituent ;
– Le versement mobilité, prélevé auprès des employeurs publics et privés de plus de 11
salariés et basé sur leur masse salariale ;
– Les revenus des titres de transport.
 
Parler de « gratuité totale » est trompeur – elle a un coût – et une telle décision place l’AOM devant un choix pour la compenser : soit renoncer à d’autres dépenses (dépenses sociales, culture, sport ou autre), soit augmenter les impôts, soit réduire l’offre de transport. Cette décision politique mérite d’être regardée à l’aune de son impact réellement constaté et des alternatives qui existent. 
 

Cette décision politique mérite d’être regardée à l’aune de son impact réellement constaté

 
La gratuité inciterait les automobilistes à lâcher la voiture : qu’en est-il ? 
Les automobilistes dépensent 5 à 10 fois plus pour leurs trajets quotidiens en voiture que s’ils utilisaient les transports publics (5 000€/an pour une voiture contre 282€ pour un abonnement en régions et 827 euros en Ile-de-France pour voyager en illimité). Le prix n’est donc pas le facteur déterminant du choix du mode de transport et n’est par conséquent pas le levier le plus efficace pour réduire la voiture.  Selon l’UTP, l’attractivité des transports publics passe par des bus, tramways, métros plus fréquents et réguliers, par des plages horaires plus étendues et plus de services (information voyageur, wifi, climatisation, etc.)*. 
 
La gratuité donnerait accès à la mobilité aux plus fragiles : qu’en est-il ?
De nombreux citoyens sont en situation de précarité financière. Rendre les transports publics gratuits parait certes le meilleur moyen d’en donner accès à tous. Cependant, lorsque la gratuité fait courir le risque d’une réduction de l’offre, faute de moyens pour la financer, ce sont les plus fragiles qui sont les plus impactés car ils n’ont pas d’autres moyens de se déplacer, creusant ainsi les inégalités sociales sur un territoire. La solution existe et passe par la tarification solidaire, ciblée, qui permet de proposer des tarifs très réduits à ceux qui en ont vraiment besoin selon les revenus de leur foyer. 
 
Enfin, la gratuité faciliterait l’utilisation des transports publics : qu’en est-il ?
Mettre en place la gratuité revient à dispenser de l’achat et la validation du titre en amont, qui sont des étapes limitant la fluidité du déplacement. Or, pour limiter, voire annuler cet inconvénient, le développement des assistants personnels au déplacement, dotés de calculateur d’itinéraire, permet dans un nombre croissant de réseaux de transports d’acheter son ticket sur son téléphone ou directement avec sa carte bancaire dans les bus.
 

Seul un « choc d’offre » convaincra les automobilistes de renoncer à leur véhicule 

 
L’actualité le démontre tous les jours. Les usagers rallent légitimement contre les suppressions de lignes, les temps d’attente qui s’allongent, les bus, métros, trams, trains bondés. C’est la raison pour laquelle l’UTP plaide pour un développement massif des transports en commun qui nécessite des financements sécurisés et à la hauteur des attentes des citoyens. Seul un « choc d’offre », à savoir des transports publics plus fréquents, sur de larges amplitudes horaires et sur des territoires plus étendus, convaincra les automobilistes de renoncer à leur véhicule, et ainsi de limiter leur impact sur l’environnement et de préserver leur pouvoir d’achat.

(*) Autre effet négatif, dans les centres des villes, la gratuité peut conduire certains à renoncer à la marche, induisant une saturation sur certains tronçons et horaires.
Poll not found

🗣  Le débat des lecteurs  🗣

 

💪  Pour aller plus loin...  💪

Vous avez aimé ? Soutenez notre activité !
 

Vous avez remarqué ?

Ce site est gratuit. En effet, nous pensons que tout le monde devrait pouvoir se forger une opinion gratuitement pour devenir un citoyen éclairé et indépendant.

Si cette mission vous touche, vous pouvez nous soutenir en vous abonnant, sans engagement et dès 1€ par mois.

A propos La Rédaction 1034 Articles
Compte de la Rédaction du Drenche. Ce compte est utilisé pour l'ensemble des articles rédigés collectivement, ou les débats, où seul le contexte est rédigé par la Rédaction. Pour plus d'informations sur la rédaction, on vous invite à lire l'article sobrement intitulé "L'équipe", ou "Contactez-nous".