📋 Le contexte 📋
Étymologiquement, le mot baccalauréat vient du latin bacca laurea qui signifie « la couronne de laurier ». Plus tard, le baccalauréat devient baccalaureatus et prend pour signification « degré de bachelier donné dans les universités ».
S’il existe depuis le Moyen Âge, ce n’est qu’après la Révolution française que le baccalauréat devient ce que nous connaissons aujourd’hui : un diplôme d’entrée à l’université. Instauré en 1808 par décret sous Napoléon 1er, il avait pour objectif de certifier l’élite. D’ailleurs, la première session du baccalauréat, qui s’est tenue en juillet 1909, ne comptait que 39 candidats, tous issus de la haute bourgeoisie.
D’abord un entretien oral, il s’enrichit en 1840 d’épreuves écrites obligatoires. Ce n’est qu’en 1927 que les femmes sont autorisées à passer les épreuves du baccalauréat.
Source : France Culture
Le baby-boom et la modernisation des outils de production ont augmenté le nombre d’enfants scolarisés. De fait, le nombre de bacheliers est passé de 32 000 en 1960 à 237 000 en 1970. Face à cette situation, l’État réforme le baccalauréat avec la création des IUT, l’instauration des filières professionnelles et technologiques et l’introduction des séries A (philosophie et lettres), B (économique et social), C (mathématiques et science physique) et D (mathématiques et science de la nature).
C’est en 1993 que les filières générales sont réduites au nombre de trois (ES, L, S) et que les filières technologiques deviennent les séries STI, STL, SMS et STT. Ces réformes successives ont permis d’augmenter le taux de réussite au baccalauréat et ainsi démocratisé l’accès à l’enseignement supérieur. En 2020, le taux de réussite après rattrapage s’élève à 95,7 %, soit 7,6 points de plus qu’en 2019.
Source : France Culture
La dernière fois que les épreuves écrites du baccalauréat avaient été annulées, c’était en Mai 68. Même la Première et la Seconde Guerre mondiale n’y étaient pas parvenues. Pourtant cette année, les épreuves du baccalauréat ont été annulées au profit du contrôle continu en raison de la pandémie. Son annulation a ravivé de nombreux débats : que penser des nouvelles filières ? Faut-il remplacer les épreuves traditionnelles par des épreuves communes de contrôle continu (E3C) ? Faut-il instaurer un grand oral ? Quelle valeur a le bac 2020 ? Toutes ces questions nous ont amené à nous demander s’il fallait ou non supprimer le baccalauréat.
🕵 Le débat des experts 🕵
La session 2020 du baccalauréat restera gravée dans les mémoires. 98% de réussite dans les filières générales, suppression des épreuves écrites au profit du contrôle continu. Ces conditions liées à la crise sanitaire que nous vivons ne doivent-elles pas nous convaincre de supprimer les épreuves terminales du bac au profit des notes obtenues par les élèves tout au long de l’année ? Telle est la question.
La fonction du baccalauréat est plurielle. S’il ouvre l’accès à l’enseignement supérieur, il symbolise l’esprit démocratique des politiques éducatives menées depuis la fin des années soixante. Considérant injuste l’échec des élèves socialement défavorisés, nous n’avons cessé de mettre en oeuvre des réformes qui ont sacrifié le niveau des exigences requises pour accéder à l’enseignement supérieur. Soyons, dès lors, cohérents ! Pourquoi maintenir un examen censé opérer une sélection si l’on considère a priori que l’échec des élèves les moins favorisés constitue une injustice insupportable ? Il y a là une contradiction qu’il serait temps d’assumer quand depuis quinze ans le taux de réussite au baccalauréat oscille autour de 92%.
Certains aujourd’hui redoutent que le bac, du fait de la suppression des épreuves terminales, n’ait plus de valeur. Soyons sérieux ! Plus de neuf candidats sur dix réussissent chaque année cet examen qui n’a donc plus rien de sélectif. Pourquoi, dans ces conditions, ne pas en supprimer les épreuves finales au profit d’un contrôle continu généralisé ? On économiserait chaque année plus d’un milliard et demi d’euros. On scolariserait les élèves jusqu’à la fin du mois de juin. Et ce n’est pas tout. Parce qu’on peut toujours rater ponctuellement une épreuve, les candidats seraient plus raisonnablement évalués sur l’ensemble des résultats obtenus en cours d’année. Enfin, serait considérablement renforcée, par ce dispositif, l’autorité des enseignants dans leurs classes.
D’aucuns feront valoir deux arguments. Le premier consiste à invoquer les vertus de l’anonymat de l’évaluation. Le correcteur ne connaît pas le candidat qu’il ne notera donc pas « à la tête du client ». Soit. Mais suffit-il qu’une évaluation soit anonyme pour qu’elle soit juste ? Qu’il nous soit permis d’en douter. Le deuxième argument est celui du bac « à deux vitesses ». Il y aurait le diplôme obtenu dans le lycée de centre-ville et celui qui serait décroché en banlieue. Mais où est le problème ? Les filières sélectives recrutent sur dossiers, lesquels sont constitués fin mars. La suppression de l’examen terminal n’aurait strictement aucun effet sur ce recrutement. Quant aux filières universitaires, qui ignore qu’elles sont accessibles de plein droit à tout bachelier ? Là encore, la suppression des épreuves terminales ne désavantagerait en aucun cas les élèves scolarisés dans les établissements des quartiers sensibles.
Le bac étant devenu une gigantesque machine quasiment ingérable, presque inutile, et trop souvent trompeuse, ne conviendrait-il pas de le supprimer purement et simplement ? Non, et pour trois raisons.
La première est que la société a le devoir de contrôler l’acquisition effective de ce que le système d’enseignement obligatoire a pour mission essentielle de faire construire. Le législateur a imposé des programmes et des curricula. Un examen est nécessaire pour évaluer, et valider, les acquis visés dans leur cadre.
Il y a un moment où chacun doit « faire ses preuves ». C’est la dimension « certificative » de l’évaluation, qui permet à l’État de valider (ou non) les acquis scolaires. La seule fréquentation des établissements scolaires ne suffit pas. Il faut vérifier que cette fréquentation a bien été fructueuse.
La deuxième raison est que toute société a ses rituels de passage à l’âge adulte. Or le bac constitue un tel rituel, à la fois institutionnel, au sein du lycée dont on va sortir grâce à lui, et politique, en tant que passeport pour une vie de citoyen adulte. L’examen a le mérite d’avoir du sens dans un cadre scolaire, et de proposer des « épreuves » qui exigent des qualités ayant pu être développées dans ce cadre.
Il constitue une sorte de « bizutage » doux, sans volonté de nuire, d’humilier, ou de faire souffrir, mais en restant une épreuve. C’est ce qu’expriment certains bacheliers de 2020, qui regrettent de n’avoir rien « passé ». On doit pouvoir « passer » son bac comme le marin « passe » le Cap Horn.
Enfin, dans sa dimension de couronnement des études de lycée, le bac constitue une cible motivante. Tel un Teddy Riner dont la vie est dynamisée par la préparation des jeux de Tokyo, chaque lycéen peut donner du sens à son parcours scolaire, grâce à une cible qui rend les échéances concrètes, et permet d’organiser son travail. Et cela d’autant plus que l’examen, et telle est l’ambition du « nouveau bac », lui offre des possibilités de choix, et lui permet de participer à la construction de son parcours scolaire.
Mais précisément : si un examen de contrôle des acquisitions en fin d’études secondaires nous parait indispensable, cela ne nous conduit nullement à considérer que le modèle de baccalauréat dominant jusqu’en 2019 doive être pérennisé. Il faut conserver un bac, mais non pas s’accrocher au bac traditionnel, terminal et national. Pour corriger les défauts que nous avons pointés en commençant, une réforme est indispensable.