Ce débat est publié en partenariat avec l‘Observatoire du Foot-Business
📋 Le contexte 📋
Le terme mercato (ou marché des transferts), traduction littérale de l’italien « marché », désigne les périodes d’été et de janvier pendant lesquelles les clubs de football peuvent acheter et vendre leurs joueurs. Différentes formes de contrat existent : les ventes définitives et les prêts (généralement d’une saison). Le mercato est un moment propice à l’effervescence pour des clubs désireux d’améliorer leurs effectifs.
Avant l’arrêt Bosman de 1995, le nombre de joueurs étrangers au sein d’un club était limité. Sauf que la dérégulation du football qui s’en est suivi a profondément modifié la donne, avec une inflation progressive des montants. Quand le premier joueur transféré coûtait à peine 100£ aux prémices du ballon rond, les chiffres grimpent désormais à la centaine de millions d’euros (Neymar pour 222 millions d’euros de Barcelone au PSG étant le record).
Forcément, cette inflation ne plaît pas toujours aux acteurs du monde politique, et l’argent dans le football suscite toujours plus de controverses. Face à la crise économique que connaît actuellement le football, certains proposent de mettre un terme à l’envolée des prix. Faut-il profiter de la crise du coronavirus pour supprimer le mercato ? Venez en débattre avec nous.
🕵 Le débat des experts 🕵
La crise actuelle doit permettre de réguler davantage le football. L’économie du ballon rond et des clubs va évidemment maigrir, et le mercato est une véritable source de pertes d’argent. Ceux qui font du trading et voient en lui la panacée pour leurs clubs me traiteront de fou et me rétorqueront qu’il est un moyen idéal de faire du profit. Qu’importe.
Si on regarde l’ensemble du système, les déperditions à l’arrivée sont considérables. Les prix de transferts obèses dans tous les coins font sortir l’argent du circuit et sont donc néfastes à l’économie du football, mais aussi à sa morale.
Car il y a un autre aspect sous-jacent : l’image du monde du football. Certains ministres ont d’ores et déjà profité de la crise pour le décrédibiliser encore un peu plus. Si le football montrait l’exemple dans ce domaine, il gagnerait davantage en reconnaissance. Ce serait l’un des aspects positifs d’une fin pas à effet immédiat bien sûr, mais à terme, du mercato.
Je comprends l’urgence économique et on ne peut évidemment arrêter le mercato du jour au lendemain. Sauf que la crise fera baisser les montants de transferts dès 2020 et nous ramener à une brusque réalité : celle que le modèle de trading est une dérive folle. Le meilleur symbole en est notre Ligue 1 et ses 280 millions d’euros de balance positive : quel triste constat pour le cinquième championnat européen ! Autant se sevrer, s’habituer, et reconfigurer un mode de transferts qui nous rend, de toute façon, dépendants.
La période que nous traversons n’est en aucun cas le moment pour remettre en cause l’existence des mercatos. Alors que nous sommes en pleine crise économique et que le coronavirus n’est pas encore derrière nous, on parle d’1,5 milliards d’euros de pertes pour le football européen ! Les clubs doivent déjà faire l’impasse sur leurs droits TV et la billetterie, et cela risque de se poursuivre jusqu’à l’année prochaine avec les probables reprises à huis clos.
Ce constat fait, ceux qui peuvent vendre à l’occasion du mercato en ont un grand besoin. Pourquoi le remettre en cause ? L’économie du football comporte certes des travers qu’il est nécessaire d’encadrer. L’Union Européenne s’est déjà penchée sur le sujet ; la formation des agents fait elle l’objet de régulations. Avec ses travers, elle reste une source de revenus indispensable.
Rappelons juste que le mercato 2019 a rapporté 280 millions d’euros à la France. Malgré ces gains, l’ensemble des clubs professionnels de Ligue 1 a perdu 160 millions d’euros sur la même période. Les manques de recettes sont bien trop forts pour se passer d’une telle entrée d’argent.
Je ne suis pas de ceux qui croient à la décroissance de l’économie du football. L’exercice 2019-2020 sera bien sûr douloureux ; mais à sa sortie, l’intérêt des grands clubs sera encore au rendez-vous, et les montants continueront à être importants. D’autant qu’il ne faut pas négliger, d’un point de vue moral, l’aspect de redistribution : l’argent généré en Europe irrigue l’Afrique ou l’Amérique du Sud. Le mercato est ancré dans l’économie du sport, et on ne peut désormais plus s’en passer.