Faut-il supprimer les notes à l’école ?

Dessin de Martin Vidberg (http://vidberg.blog.lemonde.fr/)
Dessin de Martin Vidberg (http://vidberg.blog.lemonde.fr/)

Numéro 1

S’informer

Pourquoi y a-t-il des notes à l'école en France ?

Les notes dans les écoles françaises proviennent d’un arrêté du 15 juillet 1890, signé par le ministre Léon Bourgeois. Conformément à l’article 21 « chaque copie aura sa note chiffrée de 0 à 20 ». Ce texte précise également, dans l’article 17 que les notes seront « pour chaque élève la punition de ses défaillances ou la récompense de ses efforts ».

Suite aux événements de mai 68, la circulaire du 6 janvier 1969 préconise d’abandonner les notes à l’école, pour les remplacer par des lettres de A à F, ou par une appréciation plus globale. Assez peu adoptée, elle sera finalement abrogée par la circulaire du 9 juillet 1971, qui revient donc à la notation de 0 à 20.

Pourquoi parle-t-on de les supprimer ?

En juillet 2013, la haute inspection de l’Education nationale publie un rapport sur « La notation et l’évaluation des élèves éclairées par des comparaisons internationales ». Ce rapport recommande notamment de repenser un véritable cadrage national de l’évaluation et de bien distinguer une évaluation pour apprendre et une évaluation de ce qui est acquis. 

Ces recommandations seront reprises dans la conférence nationale sur l’évaluation des élèves, lancée le 24 juin 2014 par Benoît Hamon, alors ministre de l’Éducation nationale. Ce dernier s’y prononce en faveur d’une réflexion concrète en faveur d’une évolution du système de notes.

Dans un rapport du 24 novembre 2014, mais publié le 1er décembre, le Conseil supérieur des programmes préconise également de revoir la présence des notes à l’école, faisant resurgir ce débat dans l’actualité.

Ce rapport a été présenté à la ministre de l’Education nationale, Najat Vallaud-Belkacem, dans le but d’une décision qui pourrait être applicable à la rentrée 2016. Cette dernière n’a cependant pas pris publiquement position sur le sujet.

Que font les autres pays ?

Dans la majeure partie des pays du monde, la norme est l’évaluation des élèves par un système de note, la plupart du temps sur 10 (parfois sur 5, 6 ou 100, rarement sur 20), ou à l’aide de lettres, souvent de A à F.

Cependant, plusieurs pays comme la Finlande, la Belgique ou certaines régions comme le Québec, ont retardé l’âge à partir duquel les élèves sont évalués. Cette tendance se retrouve dans de nombreux pays occidentaux, où les notes sont supprimées à l’école primaire uniquement, et remplacées par des appréciations qualitatives.

Numéro 2

Se positionner

Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.

Quelle est votre opinion avant de lire l'article ?
LE « POUR »

La notation : approximative, démagogique et laxiste

Billet rédigé par :

Philippe Meirieu

Professeur émérite en sciences de l’éducation à l’Université Lumière-Lyon 2 et Vice-président de la Région Rhône-Alpes délégué à la formation tout au long de la vie.
http://www.meirieu.com/

La notation traditionnelle est le système d’évaluation le plus approximatif, le plus laxiste et le moins exigeant qu’on puisse imaginer.

 

Toutes les études de docimologie montrent que la note n’a rien d’objectif : elle varie en fonction d’une multitude de facteurs liés au correcteur, à l’ordre dans lequel il corrige les copies, aux informations préalables dont il dispose sur les élèves, etc.

 

Par ailleurs, toute utilisation de la note chiffrée induit une répartition gaussienne des notes : un modèle implicite s’impose qui fait qu’un tiers des élèves se trouve en dessous de 8, un tiers entre 8 et 12 et un tiers entre 12 et 16. Tout se passe comme si cette répartition gaussienne était, en quelque sorte, la répartition idéale des résultats qu’il fallait, à tout prix, reconduire : dans l’imaginaire collectif, c’est l’existence des mauvaises notes qui garantit la fiabilité des bonnes ! Rien n’est plus absurde et cela contribue à pérenniser la fonction de « distillation fractionnée » qui fait plus de l’école un instrument de sélection que de formation.

 

De plus, la notation induit une relation marchande avec les élèves : un travail bâclé est payé d’une mauvaise note et l’on s’en tient là. A minima, il faudrait noter deux fois : une première fois en assortissant la note de conseils et une deuxième fois en tenant compte des progrès accomplis.

Enfin, la note encourage à faire des moyennes stupides : qui peut sérieusement défendre l’idée qu’un 13 en physique puisse compenser un 7 en français ?

Quelle absurdité !

 

C’est pourquoi je défends la formule des « unités de valeur » : chaque élève, pour valider un niveau donné (et, même, obtenir un examen particulier) devrait réaliser un certain nombre de « chefs d’œuvre » qui attesteraient, ensemble, de son niveau, sans compensation possible entre eux. Il pourrait préparer ces unités de valeur de manière différenciée en fonction de son niveau et de ses besoins ; cela éviterait le redoublement et rendrait à l’éducation une authentique exigence.

 

Et qu’on ne me dise pas que c’est là un ersatz de la pensée soixante-huitarde : cela date des Compagnons du Moyen-Age ! Et Célestin Freinet, qui en a repris le principe, l’a formalisé avec son système des «brevets», emprunté au scoutisme de Baden-Powell qui, comme chacun sait, n’était pas vraiment un dangereux gauchiste…

LE « CONTRE »

Les notes, l'outil indispensable de l'enseignant

Billet rédigé par :

Anne-Sophie Dervaux

Professeur des écoles

Plus de note à l’école ! Et après quoi ? Plus d’examen, plus de concours…..

La note est la mesure d’une compétence. Elle n’a pas pour seule vocation de « juger » un élève ni même de les comparer. Elles nous permettent, à nous enseignants, de savoir ce qui a été compris ou non et de mettre en place des exercices de remédiation qui permettront à chaque élève d’acquérir les compétences nécessaires à leur réussite scolaire.

 

Les classes sont surchargées, j’ai moi-même un CE2 à 30 élèves ! Sans notation il me serait difficile voir impossible de mesurer le degré de compréhension de chacun. Comment pourrais-je garantir un suivi équitable, un enseignement adapté à chacun de mes élèves sans prendre en compte les acquis des uns et les difficultés des autres. La notation me permet d’individualiser au maximum mon enseignement.

 

« La note décourage les élèves faibles » qui « deviennent moins capables d’apprendre parce qu’ils se sentent incompétents » : faux ! Pas si elle est argumentée et que l’enseignant apporte les outils nécessaires à l’élève pour qu’il surmonte ses difficultés.

Il ne faut pas oublier que l’objectif premier de notre métier est la réussite de tous nos élèves. Quelle fierté de voir qu’ils apprennent avec plaisir et qu’ils progressent !!! Il faut donc arrêter de penser que les enseignants «aiment» donner de mauvaises notes pour «casser» les élèves !!!

 

Mais la note est-elle vraiment le problème ? Supprimer la notation n’est-il pas un moyen de «cacher» un problème plus profond sur le fonctionnement de notre système éducatif ?

N’y aurait-il pas moins d’échec scolaire si les enseignants étaient mieux formés et mieux préparés à la réalité du terrain ? N’y aurait-il pas moins d’échec scolaire si les élèves qui n’ont pas acquis la majorité des compétences en fin d’année étaient maintenus au même niveau l’année suivante ?

 

Pour ma 2ème année d’enseignement, j’ai été affectée dans une école en zone difficile et je n’ai eu aucune formation qui m’a préparée à enseigner dans ces conditions, à faire face à des élèves difficiles voir violents. Je me suis retrouvée désœuvrée face à des élèves de CE2 qui pour la plupart n’avaient pas acquis la majorité des compétences de CE1 mais qui n’avaient pas été maintenus car un seul redoublement est autorisé en primaire et que les parents peuvent refuser le maintien.

Dans ce cas précis, le problème est-il la notation ou ce qu’elle reflète ?

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