Personne utilisant son téléphone pour détecter les personnes contaminés au virus

Données de santé, géolocalisation, etc. : faut-il utiliser les données personnelles pour combattre une épidémie ?

📋  Le contexte  📋

Une donnée personnelle correspond à tout ce qui se rapporte à un individu : un nom, une photo, une empreinte, une adresse postale, une adresse mail, un numéro de téléphone, un numéro de sécurité sociale, un enregistrement vocal…

Les données de santé permettent de déduire l’état physique ou mental d’une personne. Elles comprennent des informations relatives à la santé de l’individu : tests, examens de santé, maladies, handicaps, traitements passés, en cours ou futurs.

Sources : CNIL et CNIL

Partout dans le monde, des experts du numérique réfléchissent à utiliser les données personnelles pour suivre l’état de santé et les déplacements globaux/individuels de la population en temps réel.

De cette façon, les risques de contamination pourraient être évités en établissant des zones ou des personnes à risque à ne pas approcher. Taïwan, la Chine, la Corée du Sud et même Israël ont déjà adopté des mesures de traçage.

Source : LePoint

L’opinion française a tendance à s’inquiéter du fait que le tracing et la collecte des données personnelles pourraient à la fois menacer leur liberté de circuler et porter atteinte à leur vie privée.

En témoignent les débats engendrés par le projet de l’application StopCovid.

🕵  Le débat des experts  🕵

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Le « Pour »
Christophe Mollet
Directeur fondateur d’ITSS, agence web à l’origine de l’application CoronApp
Le numérique pour lutter contre le virus

Étant donné la crise sanitaire que nous traversons depuis maintenant plusieurs semaines, nous pensons que la géolocalisation peut être une solution efficace afin de lutter et de limiter la prolifération du virus.

Le Gouvernement français a d’ailleurs fait appel au numérique dans cette crise pensant que la solution peut se trouver dans ce domaine, ou du moins, aider le gouvernement à gérer cette pandémie qui menace l’ensemble de la population française.

En effet, plusieurs pays comme Taïwan ou la Pologne ont déjà sauté le pas. Ces pays ont mis en place une application permettant d’utiliser les données de géolocalisation des malades ou des personnes susceptibles de l’être grâce à leur smartphone et cela, dans le but de limiter de la contamination entre les individus.

Nous pensons qu’une application utilisant les données de géolocalisation pour protéger la santé de chacun ne doit pas poser problème.

Par exemple l’application française CoronApp développée par l’agence web ITSS ne collecte pas les informations personnelles ou les données de géolocalisation dans le but de les vendre à des tiers à des fins commerciales.

De plus les données de géolocalisation sont automatiquement effacées au bout de 14 jours, ce qui correspond à la période d’incubation du virus.

Les données des utilisateurs ne sont pas communiquées aux autres utilisateurs afin de préserver l’anonymat de chacun d’entre eux, atteint ou non du Covid-19.

Avec cette solution il ne s’agit pas de traquer les citoyens mais de traquer le virus pour protéger l’ensemble de la population.

La France craint une deuxième vague de contamination, notamment après le déconfinement. Ces données de géolocalisation pourraient donc aider à mieux gérer ce problème.

Les utilisateurs sont libres d’accepter ou pas les conditions générales d’utilisation des applications demandant l’autorisation pour leurs données de géolocalisation. Le principe est le même pour toutes les applications, notamment celles qui luttent contre la propagation du coronavirus.

Pour finir, nos données de géolocalisation sont utilisées par de nombreuses applications telles que Facebook ou Google et pourtant nous les acceptons tous principalement pour faire du ciblage publicitaire, alors pourquoi ne pas les accepter pour nous protéger et protéger notre entourage ?

Le « Contre »
Zoé Vilain
Avocate Associée 1862 Legal
Sans engagement clair du gouvernement, le tracing est dangereux pour notre état de droit
Face à la crise sanitaire et économique que nous traversons, avec les outils technologiques à notre disposition, la tentation d’exploiter les données est grande.
Les technologies envisagées pour mettre en place ce pistage prévoit de prendre en compte les données de géolocalisation et les données de santé de leurs utilisateurs. Elles partagent des cadres similaires de fonctionnement : la participation des citoyens serait facultative, les données seraient collectées et transférées via le Bluetooth du téléphone, permettant ainsi le non-partage à des tiers, et l’anonymat ainsi conservé auprès des autres utilisateurs.
Au demeurant ces critères semblent protecteurs de la vie privée, mais certaines interrogations subsistent tant sur le plan légal que sur le plan de l’efficacité même d’applications de ce type.
Sur le plan juridique, le cadre reste très flou tant sur le plan de la conservation des données des utilisateurs ayant été testés positifs, l’autorité en charge de prévenir les utilisateurs qu’ils auraient été en contact avec ces derniers, que sur la désactivation de l’application et la suppression d’un tel fichier par le gouvernement une fois l’épidémie terminée.
Sur le plan pratique, les exemples de la Chine et Singapour, montrent que pour qu’une telle application soit efficace, il faudrait en premier lieu une participation massive des citoyens (au moins plus de 80%). Or en France, seulement 3 personnes sur 4 auraient un mobile, ce qui rendrait déjà l’application obsolète d’un point de vue matériel. Mais plus inconséquent encore, pour que l’application fonctionne, il faudrait des dépistages massifs de la population au jour le jour, pour que chaque personne testée positive soit indiquée aux autres. Or, aucune des annonces du gouvernement ne semble tendre vers un dépistage massif de la population, ce qui rendrait absolument non fiable les informations selon lesquelles un utilisateur ne serait rentré en contact
avec aucune personne porteuse du virus.
Pour assurer le fonctionnement du tracing, il est à craindre qu’une fois le dispositif en place qu’il soit rendu obligatoire, entraînant une classification systématique de la population au regard de leurs données de santé. Ouvrant la porte à de graves discriminations basées sur des données de santé, l’application pourrait également servir d’outil de surveillance massif pour contrôler des déplacements de la population. Or, comment limitera-t-on la tentation de son utilisation en période d’état d’urgence sanitaire similaire, ou pire, dans d’autres périodes que le gouvernement jugerait comme nécessitant un contrôle systématique, telles que nous avons pu connaitre, et qui sont de plus fréquentes depuis ces cinq dernières années ?
Sans engagement du gouvernement que cette application et toute base de donnée associée n’existeront que sur une base facultative et détruites dans un délai fixé au moment de sa création, l’application ne devrait pas voir le jour dans un état de droit comme le nôtre.
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