Koko, une gorille qui dénonce le capitalisme en BD

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Selon Oxfam, la fortune des milliardaires a plus augmenté ces 19 derniers mois qu’au cours de la dernière décennie. Désormais, le monde compte un nouveau milliardaire toutes les 26 heures alors que plus de 9 millions de français et françaises sont tombés sous le seuil de la pauvreté en 2019. En un an en France, la fortune des milliardaires français a augmenté de 86%. Leur leader ? Bernard Arnault : notre champion fortuné a désormais un capital qui dépasse les 140 milliards d’euros. Et s’il y en a un qui apprécie de le caricaturer régulièrement, c’est bien Tienstiens bd.

LE CONSEIL DE DÉGUSTATION

Tienstiens vous conseille sa gamme de thé gochitea et particulièrement le thé “Darmanin démission”. Et si cela n’est pas à votre goût, vous pouvez alors boire un bon thé fumé Lapsang Souchong !

« Bernard Arnault, un représentant du capitalisme»

Tienstiens, auteur et dessinateur de la bande dessinée Koko n’aime pas le capitalisme,  a publié sa BD avec la maison d’édition Bandes détournées. Tienstiens aime particulièrement dessiner Bernard Arnault, surtout parce qu’il “n’aime pas qu’on lui tape dessus”. Ce milliardaire désire garder une bonne image de sa personne et de son entreprise LVMH. “Il veut qu’on pense que c’est un bienfaiteur, ça en fait une bonne cible”. Ses amis, “Les CAC fantastiques” et leurs avantages, sont régulièrement dépeints, notamment par la figure du Surfeur de l’argent. 

Mais dans cette bande dessinée tout n’est pas tourné vers une seule personne, non, c’est tout un système qui est dépeint à travers des strips (une BD de quelques cases). Il s’agit du capitalisme, ce système tourné vers la recherche du profit. Tienstiens a hésité sur le titre de sa bd, il a imaginé dans un premier temps remplacer capitalisme par libéralisme. Mais “le capitalisme c’est assez structurant, il est relié à plusieurs problématiques et dominations”. À travers ses strips, on parle alors d’environnement, de racisme, de sexisme, du système dans son ensemble. Mêlant humour absurde et personnages de pop culture, Koko n’aime pas le capitalisme tape sur tout le monde, des vapoteurs à ceux travaillant dans le marketing digital (c’est un peu les mêmes mais vous voyez l’idée). 

« Un bon personnage vénère et anarchiste»

Koko structure l’histoire. Inspirée de la gorille ayant appris le langage des signes, elle devient la ligne rouge de cette bande dessinée. Tienstiens tombe un jour sur une vidéo où Koko parle d’écologie devant la caméra. “Je pense qu’on lui faisait dire des choses, limite elle récitait le rapport du GIEC en langue des signes”. Il décide alors de dessiner son premier strip, où Koko, après s’être rendue compte qu’elle était assez déprimée, prend un virage très intello. Pour l’auteur c’était aussi une figure assez intéressante, du fait qu’elle incarne le combat antispéciste, qu’elle est une femelle gorille et que le caractère potentiellement violent de l’animal donne un “personnage vénère et anarchiste”.

« Ce qui m’intéresse c’est le livre »

Tienstiens, (non ce n’est pas son vrai nom vous vous en doutez, mais notre dessinateur préfère rester le plus anonyme possible), a toujours dessiné. Après son diplôme aux Beaux-Arts, il évolue quelque temps dans le milieu de l’art contemporain. Très vite, il se rend compte que cela ne lui correspond pas. Le public à qui il s’adresse, les ressorts financiers du monde de l’art et cet entre-soi permanent n’a pas de sens pour lui et ne lui ressemble pas politiquement. Il décide donc de partir de son côté et commence à mettre ses strips sur instagram. Il utilise alors cette plateforme comme vitrine, et joue avec les contraintes du réseau social.

En effet, les artistes sont obligés de faire correspondre leur art à un format spécial et ne peuvent mettre plus de dix illustrations par posts. Tienstiens comprend vite, par sa propre utilisation d’instagram, qu’il ne peut pas faire de bd avec un texte trop long. “Je sais que les lecteurs et lectrices vont passer dessus très rapidement, quand je consomme de la bd sur insta si c’est trop long je zappe”. Il arrive tout de même à adapter son humour au carrousel d’instagram. Cette fonctionnalité permet de faire défiler plusieurs images sur un seul post, ce qui préserve le suspens de sa chute. Alors depuis 2020, il publie régulièrement ses dessins, et  l’envie de faire une bd s’est faite de plus en plus présente.

« La volonté de faire un objet qui ne soit pas un recueil de ses publications Instagram »

Il s’est alors rapproché de la maison d’édition Bandes détournées. Fonctionnant par crowdfunding, c’est-à-dire par un appel aux dons, cette maison d’édition permet à Tienstiens d’être mieux rémunéré. Cela lui permet aussi de s’impliquer davantage dans toutes les étapes du projet et d’avoir des interlocuteurs réactifs et compréhensifs. Ses éditeurs “bien de gauche”, sont devenus au fil du temps des amis avec qui il collabore régulièrement pour mêler humour et politique. Tienstiens est d’ailleurs bien accompagné dans ce projet.

Avec sa graphiste Laure Guilloux, ils ont réfléchi pendant longtemps à la manière d’adapter ses strips d’instagram. “On est assez content, c’était une contrainte mais ça fait un objet assez différent, on est pas dans le gaufrier de six cases”. En effet, dans Koko n’aime pas le capitalisme les pages s’assemblent mais ne se ressemblent pas. Parfois son dessin prend la page entière quand dans d’autres cas 5 ou 4 cases se côtoient. ”Je ne réinvente pas le truc mais instagram m’a permis au final de faire un livre pas super classique”.  Laure Guilloux va également lire tous ses strips, et lui permet de faire le premier filtre.

Elle est rejointe dans cette première lecture par ses éditeurs, mais aussi par ses amis Maxime Morin et Lorrain oiseau, tenant respectivement les pages Instagram Wikiwow museum et Lorrain_oiseau.

« La réponse intelligente c’est citer les situationnistes»

Ces premières lectures lui permettent notamment de voir si les références pop qu’il utilise sont comprises ou si elles bloquent le rire. Si une partie du lectorat ne comprend pas la chute, “c’est souvent lié à la référence”, c’est ça “le problème avec la culture pop, ça parle beaucoup mais ça peut très vite exclure”. Tienstiens travaille en effet beaucoup à partir de photographies et de films. Cela lui permet d’avoir près de 24 images par secondes pour dessiner les différents mouvements d’un personnage. 

Élevé dans cette culture garnie de blockbuster américains, on retrouve dans Koko n’aime pas le capitalisme des films comme Batman, Fast and Furious, James Bond ou encore Star Wars. Reprendre des scènes de film et les détourner pour parler de sujets plus profonds, est pour lui un bon vecteur d’humour et permet aussi de retourner “la force de l’ennemi contre lui en utilisant ses codes et ses armes”. Quoi de mieux pour parler de capitalisme que de citer des grosses productions américaines? “C’est dans l’esprit du détournement situationniste, ils reprennent l’imagerie des comics, je reprends celle des blockbusters.”

Pour réaliser ses strips, notre dessinateur s’est tourné vers les crayons de couleurs. Ce médium n’a pas toujours été au cœur de sa pratique artistique mais pour lui dans ce cas précis, ces crayons permettent d’offrir “une esthétique un peu désuète » . Ce qui produit un beau contraste avec son humour parfois absurde.

« Mon premier réservoir à blague »

Ça c’était pour la forme. Pour le fond, Tienstiens puisent généralement ses idées dans le discours dominant. « L’idéologie dominante de droite est tellement absurde et basée sur pas grand chose que souvent la blague est déjà là”. Pour lui, ce discours où  règne le capitalisme est un “réservoir à blague”.

Comme vous l’avez deviné, notre dessinateur est engagé politiquement. Pour lui, le fait d’être auteur confère un sentiment de honte à ne pas agir directement. Le fait d’écrire sur le monde permet d’extraire son auteur du réel. Pour contrebalancer cela, il ne voit pas d’autre façon que de s’engager par ses dessins. “On sait qu’il y a des gens, des corps qui souffrent, qui subissent le réel plus que d’autres. En tant qu’auteur tu as un devoir à t’engager. Tu ne peux pas faire un art qui n’est ni de droite ni de gauche.” 

« Koko et Tienstiens»

Koko a encore un bel avenir devant elle, un deuxième tome verra sans doute le jour. “Vu que je continue à faire des strips, j’ai ça en fond”. À côté de cela, Tienstiens prévoit de prochaines sorties littéraires en collaboration avec ses amis. En attendant, rendez-vous sur instagram pour rire des personnalités et des problématiques qui parcourent notre société actuelle. Après la lecture de Koko n’aime pas le capitalisme, Tienstiens vous conseille de lire Liv Stromquist (un conseil que je ne peux qu’approuver, surtout Les sentiments du Prince Charles), Révolution de Grouazel et Locard mais aussi les BDs de Salomé Lahoche. Accompagnez alors votre reprise du travail avec cette bd drôle et critique de notre système. 

Alors, t’as capthé

Instagram : tienstiens.bd

 

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