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Football : le fair-play financier est-il mort ?

Ce débat est publié en partenariat avec l’Observatoire du Sport Business

📋  Le contexte  📋

Impulsé par Michel Platini, le fair-play financier est une règle mise en place par l’UEFA depuis 2011. Ce FPF a pour objectif de contrôler la santé financière du football européen et notamment de réguler les finances des clubs – loin d’être toujours irréprochables.

Désormais, les clubs qualifiés pour les compétitions européennes doivent présenter ou prouver à l’UEFA qu’ils ne dépensent pas plus d’argent qu’ils n’en gagnent, afin de maintenir un bon équilibre financier global. Ce fair-play vise à encourager les clubs à bâtir des logiques solides et durables de rendement, et non des solutions prises pour un temps court.

Pour s’assurer de la bonne mise en œuvre du FPF, l’Instance de contrôle financier des clubs de l’UEFA surveille et décide des éventuelles mesures et sanctions à prendre. Elles peuvent aller de la simple mise en garde au retrait d’un titre.

Source : UEFA

Ce fair-play financier ne plaît pas à tout le monde. Pour certains, cette règle sanctionnerait les nouveaux investisseurs. Ces derniers dépensent beaucoup les premières années pour propulser leur club. Or, l’étude de l’équilibre financier des clubs se fait sur les dettes des années précédentes, et donc pendant ces années où les propriétaires dépensent sans compter. Ce fair-play freinerait ainsi les investisseurs et renforcerait la place des plus grands clubs (étant déjà installés, leurs investissements seraient moindres).

Source : Slate

Le coronavirus n’a pas épargné le monde du football. L’UEFA a ainsi décidé d’assouplir les règles du fair-play financier pour « tenir compte des répercussions négatives du Covid-19 sur les finances des clubs », donnant donc aux clubs plus de flexibilité et temps pour équilibrer leurs finances.

Pourtant, tout le monde n’est pas concerné par les règles d’assouplissement, c’est le cas de l’OM. Le club a en effet été condamné à 3 millions d’euros d’amende pour avoir enfreint les règles du fair-play financier – il n’a pas respecté les accords conclus en 2016 sur la saison 2019-2020. Or, bien que condamné, le club pourra disputer la Ligue des champions la saison prochaine.

En outre, Manchester City qui avait été suspendu par l’UEFA pendant deux ans des compétitions européennes à cause d’infractions financières (on l’accusait de surévaluer ses revenus publicitaires pour la période 2012-2016) vient d’être innocentée par le Tribunal Arbitral du Sport, remettant en question de facto le fair-play financier. Manchester doit toutefois payer 10 millions d’amende. Cette décision fut accueillie avec bonheur par l’entraîneur de Manchester City, Pep Guardolia, mais elle fait débat pour d’autres. José Mourinho de Tottenham, voit en cette décision une honte, un « désastre » ; l’entraineur de Liverpool lui regrette cette décision jugeant que « le fair-play financier est une bonne idée et il était là pour protéger les équipes et la compétition ».

Ces divers événements font poser la question du futur du fair-play financier : n’est-ce pas sa fin ?

Sources : 20 minutes, le parisien sport, le Sud-Ouest, l’Est Républicain.

🕵  Le débat des experts  🕵

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Le « Pour »
Vincent Chaudel
Fondateur de l’Observatoire du Sport Business
Oui, le City Act redonne une marge pour de nouveaux entrants

« Le TAS (Tribunal Arbitral du Sport) qui donne vainqueur Manchester City face à l’UEFA, ça ne sera pas la mort du fair-play financier ? Le football avait connu l’Arrêt Bosman qui avait profondément transformé son organisation. Ce lundi, le TAS a donné raison à Manchester City dans le litige qui l’opposait à l’UEFA.

Il faut revenir sur la genèse de ce dossier, révélée par les football leaks. Ces derniers pointaient du doigt les montages financiers de Manchester City pour gonfler son chiffre d’affaires et ainsi répondre aux contraintes du fair-play financier, qui imposent un équilibre entre dépenses et recettes. […] Le risque était de plus de 30 millions d’euros de sanction financière, plus de 2 ans d’absence dans toutes les compétitions européennes, au total le risque financier était de 230 millions d’euros, ce risque a été réduit à 10 millions d’euros d’amende. Certes, c’est important mais largement gérable pour le club, c’est surtout une garantie pour le club de conserver son coach iconique (Pep Guardiola) et la valeur de son effectif. Le grand perdant c’est probablement déjà l’UEFA qui sort affaibli, Manchester City qui sort vainqueur et puis tous les clubs qui ont une ambition forte, qui peuvent sabrer le champagne et se dire : on peut revenir, on peut devenir conquérant, ambitieux et faire sauter ce verrou qui consolidait les positions fortes. […]

« Le FPF est un outil de régulation. Il ne peut pas régler tous les problèmes en soit. […] Son objectif est de protéger les investisseurs pour éviter qu’ils soient obligés de combler les déficits à un rythme trop important, ce qui pourrait remettre en cause tout l’édifice du football. C’est plutôt une bonne chose. Mais par contre, ce fair-play n’a pas du tout agi, bien au contraire, […] sur un équilibre dans les compétitions. Le fair-play financier a pour conséquence de figer les positions, de permettre à ceux qui sont forts de rester forts, voire même encore plus forts parce que les grands clubs, comme le Real Madrid, bénéficient de droits télévisuels très importants, puisqu’ils sont sur des marchés très puissants. C’est pareil pour les clubs allemands, italiens… voire même les français. Certains, comme le Real, le Barça, n’ont pas toujours été irréprochables, et ils ont pu construire des empires financiers, sportifs avec des palmarès incroyables. Ce fair-play financier ferme quasiment la porte à tous les nouveaux entrants ayant une ambition ou même à des clubs ayant été distancés à un moment et ayant du mal à revenir dans la course, c’est cela la difficulté.

Un autre sujet, le fair-play financier se concentre essentiellement sur les recettes mais qu’en est-il des dépenses ? Le vrai problème, c’est que le fair-play financier ne prend pas en considération des distensions au niveau fiscalité et des charges sociales, du moins les différences d’un pays à l’autre. À ce petit jeu-là, c’est clair qu’en France avec notre système social – que l’on ne va pas remettre en cause – nos clubs ont un vrai handicap. […] Aujourd’hui, il faudrait remettre de l’argent de l’OM. Or, le fair-play financier tel qu’il était écrit jusqu’ici, était un vrai problème pour McCourt et les autres investisseurs […] »

Le « Contre »
Philippe Doucet
Journaliste
Non, l’esprit du fair-play financier doit rester et être complété

« Pour moi, ce n’est pas la mort du fair-play financier, tout simplement parce que ce n’est pas sur le fond que Manchester City a été innocenté. C’est une décision de forme, une décision purement juridique qui a permis à Manchester City, comme au PSG il y a quelques années d’ailleurs, d’avoir une sanction très réduite. […] Au moment où l’UEFA installe cette réforme, il y a des déficits record chaque année (plus d’un milliard de déficits pour les plus grands clubs européens). Grâce à cette réforme, il y a eu une réduction drastique de ces déficits. Rien que pour cela, on peut se satisfaire du fair-play financier.

Si on compare à notre DNCG (Direction nationale du contrôle de gestion), elle ne traite pas les déficits. Elle les examine simplement pour voir s’il y a une garantie bancaire en face, pour vérifier qu’un propriétaire assume ce déficit. Ce sont deux logiques complètement différentes : en France, on assure la pérennité des clubs, ce qui est très utile car même les plus grands clubs peuvent mourir. Par extension, du côté de l’UEFA, ce n’est pas la pérennité qui inquiète. Par exemple, le Real Madrid ne mourra jamais. […] Je peux vous le dire sans faire d’études de finance et de concurrence. Par contre, pour l’équilibre des compétitions, il est important que le Real Madrid ne fasse pas n’importe quoi avec ses comptes. C’est la logique du fair-play financier qui a irrigué tout le football européen. […] Ces clubs (PSG, Manchester…) ont été obligés de développer leurs ressources et ne se sont pas contentés de leur richesse pétrolière ou gazière pour simplement financer leur club. […] Bien sûr, le fair-play financier dont je vante ici les mérites, n’est pas parfait, Manchester City l’a montré à cette occasion de façon très agressive. En tous les cas cette régulation que constitue le fair-play financier ne doit pas cesser. […]

Pour moi, cette décision du Tribunal Arbitral du Sport n’est pas une victoire de Manchester City contre l’UEFA […]. Les vrais perdants, ce sont ICFC (Instruction à la Chambre de jugement de la Commission de contrôle financier des clubs) qui n’a pas pu faute, peut-être, de moyens d’investigation suffisants démontrer la véritable fraude de Manchester City. Puis, les tenants d’un foot figé […].

Évidemment pour l’UEFA, elle a créé le fair-play financier, mais paradoxalement elle a aussi besoin de ces nouveaux entrants pour des raisons financières et pour que ses compétitions soient suffisamment équilibrées et intéressantes pour échapper au risque d’une future ligue européenne fermée qui éventuellement se ferait sans UEFA. Cette décision doit l’amener sûrement à modifier très certainement son fair-play financier, car visiblement on a trop demandé à ce fair-play financier. Il ne peut, à lui seul, réguler tous les problèmes du football. La non sanction du Manchester City peut en ce domaine aider l’UEFA à garder la logique du fair-play financier mais à le réformer très certainement. »

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