Présentation du traité de versailles à la chambre des députés

[Histoire] Le traité de Versailles est-il le garant d’une bonne paix ?

Cet été 2020, Le Drenche a consacré une série-débat sur les traités qui ont marqué l’Histoire ! L’occasion de revenir sur des sujets historiques qui ont fait l’objet de nombreux débats à l’époque.

Avertissement !

Ce débat, surtout formulé comme ceci, peut sembler trompeur. Il place sur le même plan deux opinions dont l’Histoire a montré qu’elles n’étaient pas forcément sur le même plan. Néanmoins, à l’époque, elles l’étaient. Nous ressuscitons ces débats historiques dans leur contexte pour montrer que les débats d’hier ont contribué à façonner le monde que nous connaissons, et par extension que les débats d’aujourd’hui contribuent à façonner le monde de demain. Et, qui sait ? Peut-être que dans quelques générations, certains de nos débats actuels ne mériteront plus le pied d’égalité dont ils ont bénéficié aujourd’hui ?

 

📋  Le contexte  📋

Le traité de Versailles est un traité de paix entre l’Allemagne et l’Entente suivant l’armistice du 11 novembre 1918, qui avait mis les hostilités en pause. C’est l’un des traités dit de ‘la banlieu parisienne’. Avec les traités de Sèvres, Trianon, Saint-Germain et autres, il met fin à la première guerre mondiale. Son objectif est d’instaurer un nouvel équilibre européen garantissant la paix, et que la guerre qui s’achève soit vraiment la Der des Ders.

Le traité de Versailles est perçu par l’Allemagne comme un Diktat, et pour cause : l’Allemagne n’est invitée à la table des négociations que pour signer le traité. Cependant, les divers membres de l’Entente, et notamment le Royaume-Uni, les Etats-Unis, l’Italie et la France ne sont pas d’accord sur les conditions à imposer. La France veut réduire à néant l’industrie allemande, le Royaume-Uni veut maintenir la ‘balance of power’, tandis que le président Wilson insiste sur l’application de ses 14 points, notamment du droit des peuples à disposer d’eux-même.

Le traité de Versailles contient de nombreuses clauses, aux conséquences variées. Il prévoit de nombreuses pertes territoriales pour l’Allemagne (Alsace-Moselle, Danzig, …), dont certaines sont laissées à des référendums locaux (Memel, Epen-Malemy,…), et fait porter la responsabilité morale de la guerre sur l’Allemagne. Il prévoit également de lourdes réparations de guerre, ainsi qu’une limitation de l’armée allemande. C’est donc d’avantage une paix de revanche, qui ne vise pas à inclure l’Allemagne dans le concert des nations de l’après-guerre, qu’un véritable traité visant à stabiliser l’Europe.

🕵  Le débat des experts  🕵

Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
Le « Pour »
Georges Clémenceau
Président du Conseil
Discours à la Chambre des Députés

Quelle joie sans limite quand, du haut de cette tribune, peut enfin tomber cette parole définitive : par la France et par ses alliés, l’œuvre de salut qui mit le monde en péril de mort est désormais accomplie.

À la seule condition que nous demeurions présents au devoir, le vieil esprit de domination guerrière peut être à jamais terrassé, le jour est venu où la force et le droit, redoutablement séparés, doivent se rejoindre pour la paix des peuples au labeur. Que l’humanité se lève pour vivre toute sa vie. Cette paix nous voulons l’achever, comme nous avons voulu poursuivre la guerre, d’une volonté que rien ne doit faire fléchir. Cette paix, nous la ferons comme nous avons fait la guerre, sans faiblesse comme sans orgueil théâtral, avec la résolution infrangible de rester dignes des grands morts qui ont voulu le prolongement de la France en ses vertus historiques toujours plus loin, toujours plus haut.

Il le faut, puisque c’est bien contre la France d’abord, frontière même de la liberté, que fut dirigé l’effort abominable d’oppression universelle qui vient d’être anéanti. Pour écraser le droit des peuples libres à la plénitude de la vie, la France de la Révolution, avant tout, devait être abattue. Tout nous fut demandé de nous-mêmes. Nous avons tout donné. Et voici que le droit triomphant est debout, intangible. Et voici que la paix du droit, avec tous les espoirs que ce grand mot suggère, va commencer son cours.

[…]

Il y faut l’héroïsme obscur d’une contrainte volontaire, souvent douloureuse, pour l’obstinée conservation d’un ordre rationnel qui, s’il ne satisfait pas immédiatement à toutes les espérances, n’en doit pas moins permettre à ces espérances mêmes de se réaliser progressivement à mesure que nous nous montrons capables de faire passer dans l’acte les parties d’idéalisme si promptes à s’offrir, si lentes à s’installer dans la réalité vécue.

[…]

À Bordeaux, à Versailles, en 1871, j’eus la douleur d’apporter le témoignage de mes yeux et de mon cœur brisé à l’atroce déchirement dont la cicatrice ne fut jamais fermée.  Revanche militaire et revanche morale devaient alors se conjuguer. La première est venue. Dans la défaite même, nous avons commencé l’autre. Dans la victoire nous voulons l’achever.

[…] L’aboutissement, c’est la victoire au sens le plus noble du mot, la victoire du fait en même temps que de l’idée, la victoire non des personnes, mais de la France, de la République elle-même, la victoire de tous nos Parlements qui se sont succédés dans la commune volonté de refaire la France pour la mettre à sa juste place dans le monde, la victoire de tous nos gouvernements qui, depuis le démembrement de la patrie, se sont transmis le périlleux honneur d’affronter le dilemme du sphinx allemand : la victoire ou la mort. Nous avons choisi. L’énigme est résolue.

L’homme qui avait organisé, dès le lendemain de 1871, la grande ruée finale de la sauvagerie pour l’universelle servitude avait cru pouvoir stupidement se vanter de tolérer, que dis-je ? d’encourager notre République renaissante comme une organisation de faiblesse, de discorde, de dissolution nationale. C’est tout ce qu’il avait compris de la liberté.

Eh bien ! L’expérience qu’il a voulue a pu se développer librement pendant un demi-siècle. Son peuple, enchaîné au char du seigneur de la guerre et qui s’installait sous le joug par une conquête d’abaissement humain, peut maintenant constater le plein résultat de l’épreuve. L’histoire a clairement parlé.

Il est vrai, nos champs sont ravagés, nos villes sont rasées, l’élite de notre jeunesse repose au sol sacré dans un linceul de gloire, notre plus précieux trésor. Tous les biens ont été prodigués sans mesure, le plus beau sang a coulé par tous les pores, les larmes ont sillonné tous les visages, tous les cœurs ont frémi d’une indicible horreur, mais les larmes des suppliciés et le sang des blessures nous ont laissés meilleurs, plus hauts, plus grands, plus complètement Français. La France est debout, vivante et forte, forte de ses volontés de justice comme des vertus militaires de ses grands soldats dont la plupart vont bientôt civiquement revenir, sans que sommeille notre vigilance, aux travaux de la paix.

Et maintenant, tous à l’œuvre pour l’accomplissement des devoirs de main succédant aux devoirs d’hier et d’aujourd’hui, pour l’accomplissement, avant tout, des réparations nécessaires. Non moins indispensable dans la paix que dans la guerre, l’union sociale demeure le fondement même de la patrie que nous n’aurons pas sauvée des barbares pour la déchirer de nos propres mains parricides.

À l’un de se plier, dans l’organisation du labeur moderne, aux méthodes légitimes de juste coopération, nées des généralisations du droit ; à l’autre d’apprendre à se modérer, à se gouverner lui-même, à se défaire de flatteurs détestables qui lui disent, comme ils faisaient jadis à l’ancien maître, que sa puissance est absolue, qu’il peut tout faire impunément, sans s’exposer aux responsabilités où aboutit fatalement l’inévitable solidarité des intérêts de tous. Sacrifices mutuels issus d’une compréhension meilleure. Commençons. Tous, il faut nous hâter.

Au gouvernement, l’exemple. Il essayera, selon ses forces, de faire succéder progressivement un ordre rationnel de paix à l’empirisme subsistant des pratiques du temps de guerre. Qu’on ne nous demande pas des coups de théâtre. Un peuple ne saurait passer subitement sans transitions des bouleversements d’une défense éperdue à la vie ordonnée qui est dans les vœux de tous.

[…]
Le « Contre »
John Maynard Keynes
Economiste
Les conséquences économiques de la paix

Le traité n’inclut aucun plan pour la réintégration économique de l’Europe – rien pour faire des Empires Centraux vaincus de bons voisins, rien pour stabiliser les nouveaux états européens, rien pour récupérer la Russie ; ni ne promeut d’aucune façon un contrat de solidarité économique entre les Alliés ; aucun arrangement n’a été conclu à Paris pour remettre en ordre les finances de la France et de l’Italie, ou pour accorder les systèmes de l’ancien monde et du nouveau.

 

Les Quatre Grands n’ont accordé aucune attention à ces problèmes car ils étaient préoccupés par d’autres – Clémenceau à écraser l’économie de ses adversaires, Lloyd George à obtenir un accord et ramener à la maison quelque chose d’acceptable pour une semaine, le Président à ne faire rien d’autre que ce qui était bon et juste. C’est un fait extraordinaire que le problème économique fondamental d’une Europe affamée qui se désintègre sous leurs yeux, était la seule question qui n’attisait pas la curiosité des Quatre. Les réparations furent leurs principales incursions dans le domaine économique, et ils les réglèrent comme un problème de théologie, de politique, de manoeuvre électorale, de tout point de vue sauf de celui du futur économique des états dont ils présidaient à la destinée…. L’Europe est le plus dense regroupement de peuples de l’histoire du monde…

 

Dans ses échanges avec les autres continents, l’Europe n’est pas autonome ;  elle ne peut se nourrir elle-même… Sa population a sécurisé ses besoins vitaux avant la guerre, sans guère de surplus, au travers d’une organisation délicate et immensément complexe, dont les fondations étaient le charbon, le fer, le transport, et un ravitaillement ininterrompu de nourriture et de matières premières des autres continents. Par la destruction de cette organisation et l’interruption du flot de vivres, une partie de cette population est privée de ses moyens de survie. L’émigration n’est pas ouverte au surplus redondant…

 

Le danger auquel nous sommes confrontés est donc la rapide détérioration des conditions de vie des populations Européennes, à un niveau qui pourrait se traduire par l’inanition de certains (un niveau déjà atteint en Russie et pratiquement atteint en Autriche). L’Homme ne mourra pas toujours en silence. La faim, qui se traduit chez certains par une léthargie et un état de désespoir sans issue, conduit d’autres à l’instabilité nerveuse, de l’hystérie et de la folie du désespoir. Et ceux-là, dans leur détresse, pourraient renverser les institutions restantes, et submerger la civilisation elle-même dans leurs tentatives désespérées de satisfaire leurs accablants besoins individuels.

 

En conséquence, dans peu de temps, l’Allemagne sera incapable de fournir du pain et du travail à ses plusieurs millions d’habitants, qui sont privés de la possibilité de gagner leur vie par la navigation et le commerce… “Nous ne savons pas, et nous doutons,” conclut le Rapport, “si les délégués des pouvoirs alliés et associés réalisent les conséquences qui se produiront invariablement, si l’Allemagne, un état industriel, densément peuplé, fortement imbriqué dans le système économique mondial, et dans l’obligation d’importer des quantités astronomiques de matières premières et de denrées alimentaires, se trouve soudainement ramenée à la phase de développement correspondant à la condition économique et démographique qui était la sienne un demi-siècle plus tôt. Ceux qui signent ce traité signeront la condamnation à mort de millions d’hommes, de femmes et d’enfants allemands.”

 

Je ne connais aucune réponse adéquate à ces mots. Le réquisitoire est vrai au moins en ce qui concerne les situations allemande et autrichienne. C’est le problème principal auquel nous faisons face, et qui rendent les questions territoriales et d’équilibre du pouvoir insignifiantes.

 

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