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PASS SANITAIRE : l’état doit-il pouvoir l’activer jusqu’à l’été 2022 ?

📋  Le contexte  📋

La loi actuelle prévoit la fin du pass sanitaire le 15 novembre prochain. L’exécutif souhaite se garder la possibilité de pouvoir le prolonger, dans le cas où la situation sanitaire à travers le pays se dégraderait de nouveau. C’est un des objets du projet de loi de vigilance sanitaire . Dans le texte voté en première lecture à l’Assemblée Nationale, la date retenue était le 31 juillet 2022, soit après l’élection présidentielle et les législatives. Cette date a fait l’objet de nombreuses critique de la part de l’opposition et du Sénat qui a profondément remanié le texte de loi.

L’Assemblée nationale a voté à nouveau dans la nuit du mercredi 3 au jeudi 4 novembre le projet de loi de « vigilance sanitaire », rétablissant notamment la possibilité de recourir au pass sanitaire jusqu’au 31 juillet 2022, une date que le Sénat avait ramenée au 28 février. Le texte a été approuvé par 147 voix contre 125 et deux abstentions, au terme d’une nouvelle lecture qui rétablit le texte, profondément modifié la semaine dernière par la chambre haute, dans le sens souhaité par le gouvernement.

Après cette séance au parlement, les sénateurs doivent à nouveau plancher sur le texte plus tard dans la journée d’aujourd’hui (04/11/2021). L’Assemblée nationale doit avoir le dernier mot demain lors d’une lecture définitive.

Les sénateurs, comme les oppositions de droite et de gauche au parlement, dénoncent un abus de pouvoir du gouvernement qui chercherait à maintenir un régime d’exception sur une période qui « enjambe » les élections présidentielle et législatives. Plusieurs parlementaires ont tenté en vain d’obtenir une abrogation sans délai du passe sanitaire, comme l’élu LFI Michel Larive qui l’a qualifié d’« aberration démocratique et sanitaire ».

De son côté, le gouvernement , a assuré que cette date permettait d’avoir de la « lisibilité et de la visibilité » sur la progression du virus « qui continue de circuler » et les moyens de lutter contre. Le gouvernement a aussi rappelé qu’un débat parlementaire sur le sujet était prévu le 15 février, sans parvenir à convaincre les oppositions qui réclament un examen en bonne et due forme de la politique gouvernementale avec vote. Le rapporteur Jean-Pierre Pont (LREM) a pour sa part salué un dispositif « souple et adaptable, qui a fait ses preuves ».

Et vous, qu’en pensez-vous : aberration démocratique ou dispositif indispensable ? On en débat !

🕵  Le débat des experts  🕵

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Le « Pour »
Roland Lescure
Président de la Commission des affaires économiques à l’Assemblée Nationale et Député des Français de l’étranger – Amérique Nord
Oui, la prolongation du Pass sanitaire est une bonne chose. C’est l’instrument de notre liberté retrouvée.

La crise sanitaire que nous traversons, depuis pratiquement deux ans, nous a fait prendre conscience collectivement que notre liberté est notre bien le plus précieux. La liberté de se déplacer, de voir des proches, de se rendre dans des commerces ou de se divertir. Les dogmatiques opposeront Pass sanitaire et liberté, les réalistes en feront l’allié d’une liberté retrouvée. Je suis de ceux-là.

La prolongation du Pass sanitaire, jusqu’au 31 juillet 2022, permet avant tout de garder un outil à portée de main dans les mois qui viennent. Il s’agit de protéger les Français sans être obligé de fermer des lieux qui ont déjà trop souffert et qui commencent à peine à se relever pour la majorité d’entre eux. Le parlement ne siègera plus à compter de fin février, en raison de la période électorale, la prolongation permet d’assurer la continuité de cette vigilance et protection des Français, sans remobiliser en urgence alors que l’anticipation était possible.

Le Pass sanitaire est également utile pour reporter, si nécessaire, plusieurs mesures d’accompagnement en matière d’activité partielle notamment. Si la situation économique l’exigeait, le Gouvernement serait ainsi autorisé à prendre ou à prolonger certaines mesures économiques et sociales. Le Gouvernement n’est ni alarmiste, ni pessimiste, il est réaliste. Il s’agit d’un principe de précaution, car bien malin celui qui pourrait dire que la crise sanitaire est terminée.

Ce n’est pas parce que cette arme contre le Covid-19 devient moins utile qu’il ne faut pas la garder à la ceinture

L’imprévisibilité et la soudaineté sont l’ADN du Covid-19. Nous en avons fait tous le constat depuis ces derniers mois. Nos voisins également… Certains ont fait le choix d’une pleine ouverture sans restriction, avant l’été, et luttent aujourd’hui pour endiguer l’épidémie. C’est le cas en Angleterre avec près de 42 000 cas/jour et l’arrivée d’un sous-variant. Le risque de rebond demeure réel. Et personne n’aimerait le revoir. Il est vrai que de nombreux scientifiques restent prudents sur la résistance aux vaccins face à de nouveaux variants, ainsi que sur l’arrivée de la période hivernale, propice à une accélération de la circulation.

A court terme, la situation sanitaire s’améliore. Les dispositifs ont déjà été allégés et c’est une bonne nouvelle. L’approche territoriale est la bonne : elle permet de revoir le port du masque dans les écoles ou les jauges de certains lieux, là où le pourcentage de la population vaccinée est élevé et où les taux se stabilisent. Ce n’est pas parce que cette arme contre le Covid-19 devient moins utile qu’il ne faut pas la garder à la ceinture. Cet été nous avons déjà constaté son efficacité. Avec une très forte incidence sanitaire, là où les variants auraient pu nous faire reculer, le Pass sanitaire nous a permis de laisser de nombreux lieux publics ouverts comme les restaurants, les cinémas… Nous avons retrouvé notre liberté.

Le Pass sanitaire nous permet d’être réactif et doit se voir comme une « possibilité » si la situation sanitaire le justifie et s’aggrave, même si nous aimerions tous le voir disparaitre. Qui peut imaginer avec discernement qu’une démocratie comme la France, où la liberté est le premier mot de sa devise, choisisse de prolonger « la possibilité » d’activer le Pass sanitaire par simple plaisir ?

Le « Contre »
Pierre Dharréville
Député des Bouches du Rhône - 13ème circonscription et Membre de la Commission des Affaires sociales
Pourquoi ça ne passe pas

Jamais le pass sanitaire ne devait s’appliquer aux actes de la vie quotidienne. C’était promis, juré craché. Déjà, j’avais voté contre. En disant que cela créait un précédent, et que la brèche ne manquerait pas d’être élargie. Cela n’a pas tardé.

Le pass sanitaire est une mesure qui consiste à pratiquer le chantage à la vaccination. Certains défendent le pass par les résultats : n’aurait-on pas pu – dû – les obtenir autrement ? Si je suis convaincu que la vaccination est un outil important de lutte face à cette pandémie, je conteste depuis le début de la crise la démarche d’autorité, verticale et infantilisante, qu’emploie le gouvernement. Il y avait d’autres voies. Le gouvernement aurait dû se mobiliser pour placer la société en position de réagir, ce pour quoi il n’a pas toujours fait sa part, il n’est qu’à voir les pénuries. En l’occurrence, il était d’abord indispensable de rendre le vaccin disponible, et d’assurer l’approvisionnement et la répartition ; pour cela, il ne fallait pas s’en remettre au marché, mais s’en mêler en commençant par lever les brevets. Ce d’autant qu’il n’aurait pas dû y avoir de profits à se faire sur la pandémie – niveau minimum de décence – et que le comportement des « big pharma » alimente la défiance. Il aurait fallu mettre le paquet pour le vaccin dans les lieux publics, avec des moyens humains, auprès des populations les plus vulnérables et les plus éloignées du soin. On sait combien certaines personnes sont isolées, combien les inégalités sociales recoupent les inégalités sanitaires. Il aurait aussi dû s’efforcer de convaincre, s’attacher à favoriser des dynamiques sociales qui créent de la confiance, de la cohésion et de la mobilisation face à cette pandémie. Et plutôt que de s’en remettre systématiquement à des mesures d’ordre public, choisir d’agir pour la santé publique et la culture de santé publique.

Cela dessine une société de la surveillance permanente et généralisée, du contrôle de tous par tous

On voit les clivages et les tensions que cette démarche politique a provoqués dans une période de grande fragilité et de grande confusion. Or cela dessine une société de la surveillance permanente et généralisée, du contrôle de tous par tous. Il y a bien une atteinte aux libertés publiques, à quoi s’ajoute une conception discutable concernant l’usage des données de santé et du rôle qu’on peut faire jouer à telle ou telle profession dans le dispositif. Sans compter un sérieux élargissement du droit du travail de la fonction publique en défaveur des salariés et agents, le summum étant atteint avec les suspensions.

Ces mesures prennent place dans un état d’urgence banalisé qui affaiblit profondément la vie démocratique, où les libertés publiques peuvent être limitées par décret. Il s’agit d’un régime exorbitant du droit commun, dans lequel le Parlement est ainsi congédié. Sa prolongation jusqu’au 31 juillet 2022 est une décision indéfendable à mes yeux.

En effet, on se demande jusqu’à quand nous vivrons sous l’empire de ces dispositions ? Et pour quels objectifs désormais ? Le conseil scientifique, dans un premier avis, avait pointé le risque de banalisation de ces mesures. La défenseure des droits Claire Hédon alertait elle aussi sur « le risque que des mesures d’exception s’inscrivent dans la durée ».

Le gouvernement doit se désintoxiquer de ces mesures d’ordre public. Nous devons emprunter rapidement d’autres voies pour continuer de nous mobiliser ensemble contre le virus.

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