Minute Débattons est de retour ! Pour ce 4ème épisode, vous aurez la chance d’entendre une nouvelle voix, celle de Sarah, rédactrice au Drenche, qui vient discuter avec Mathilde. Pendant 20 minutes, elles réfléchissent sur un thème accompagnées de l’expertise de deux spécialistes du sujet. Vous le savez maintenant : vous trouverez le podcast sur notre site, mais aussi sur Le mur des podcasts de Ouest-France et sur toutes les plateformes audio (Deezer, Spotify, Apple Podcast, Google Podcast, etc.).
Cette semaine c’est une question liée à l’environnement qui nous a intéressées : la proposition de mettre sous protection 30% des terres et 30% des mers d’ici à 2050 pour participer à la protection de la biodiversité. Cette mesure est-elle souhaitable ? Minute, Débattons !
L’ambition de protéger 30% des espaces terrestres et maritimes n’est pas sortie de nulle part : elle est évoquée dans une ébauche de texte publiée le 13 janvier par le secrétariat de la Convention sur la diversité biologique (CDB) en vue de la prochaine réunion en octobre à Kunming en Chine. Cette réunion des parties signataires de la CDB est appelée COP15.
Le tout n’est pas joué : si l’idée est de trouver des solutions pour protéger la biodiversité à échelle mondiale, il faut encore parvenir à un accord entre les pays en fin d’année. Il y a en tout 17 propositions. Celle-ci part du principe que les territoires les plus riches en biodiversité dans le monde doivent être protégés puisque la nature est certes importante en elle-même, mais elle rend aussi aux être humains de nombreux services écosystémiques qui nous permettent de vivre (eau potable, nourriture…). L’idée serait donc de mettre sous protection une partie plus grande de la planète puisqu’aujourd’hui il y a un peu plus de 15% des terres et 7% des mers qui sont protégés selon Protected Planet. Dans ces 30%, 10% pourraient donc être sous “protection stricte”, c’est-à-dire sans activité humaine.
En effet, les aires protégées sont des zones très diverses selon leur statut et les règles qui y sont appliquées. Elles font aussi l’objet de nombreuses critiques notamment en ce qui concerne les activités qui y sont autorisées : tourisme, agriculture, extraction… Elles ont par ailleurs été dénoncées et le sont toujours pour les violations des droits des peuples autochtones vivant sur ces zones. Cette mesure est-elle bien souhaitable ?
Pour en discuter, nous avons pu rencontrer Arnaud Greth, président de l’ONG Noé, qui expliquait que la création de zones protégées étaient cruciales à la survie de nombreuses espèces, dont les grands mammifères, ainsi qu’à la préservation des services écosystémiques que nous offre la biodiversité. L’objectif de la CDB protéger 30% des surfaces terrestres et 30% des surfaces maritimes d’ici à 2050 est très ambitieux. Selon Arnaud Greth, l’enjeu est déjà de réellement protéger les zones qui le sont déjà sur le papier. En effet, environ la moitié des zones protégées ne le sont pas complètement par manque de moyens, de formation, d’expertise ou à cause de lacunes en matière de gouvernance. Pour lui, l’objectif premier est d’aller au bout de la protection de ces zones : la qualité (de la protection) avant la quantité.
Marie Ndenga Hagbe de chez Survival International n’était pas de cet avis : selon elle, le modèle de conservation promu par cette mesure relève de ce qu’elle appelle la “conservation-forteresse” : c’est un modèle qui a débuté avec la première instauration des parcs nationaux aux Etats-Unis et l’expulsion des communautés amérindiennes. Cette vision considère que la nature est belle et intacte si elle est vidée de ses habitants, alors que les grandes aires sauvages sur terres sont des créations humaines façonnées sur des milliers d’années. Cette critique fait partie de l’écologie décoloniale, qui met en lumière les dynamiques racistes et colonialistes qui sont parfois au cœur des programmes de protection de la nature. Survival est contre cette mesure, qui selon eux met en danger la vie de nombreuses personnes. Il faut alors se tourner vers les vraies raisons de la crise environnementale : la surconsommation croissante des pays du Nord et l’exploitation des ressources.
Pour en savoir plus, on vous laisse écouter ce troisième épisode de Minute Débattons, et on vous attend pour les prochains ! N’oubliez pas d’aller explorer aussi nos autres formats, tous aussi passionnants les uns que les autres.
Sources :
“L’ONU propose de protéger 30% de la planète d’ici à 2030” par Clémentine Thiberge, Le Monde, 14 janvier 2020.
“Les différents espaces protégés” sur l’Observatoire régional de la biodiversité Centre-Val de Loire (http://www.observatoire-biodiversite-centre.fr/la-biodiversit%C3%A9-quest-ce-que-cest/les-diff%C3%A9rents-espaces-prot%C3%A9g%C3%A9s)
Le site de Survival International (https://www.survivalinternational.fr/actu)
Le site de Noé (https://noe.org/)
Le site de Protected Planet (https://www.protectedplanet.net/en)
“Global Assessment Report on Biodiversity and Ecosystem Services” sur le site de l’IPBES (https://ipbes.net/global-assessment)
Le podcast “Pour que nature vive”, épisode “Biodiversité, le saut dans l’inconnu” du Muséum national d’histoire naturelle (https://www.mnhn.fr/fr/explorez/podcasts/pour-que-nature-vive)
“La sixième extinction de masse s’accélère à un rythme vertigineux” sur Reporterre, 3 juin 2020 (https://reporterre.net/La-sixieme-extinction-de-masse-s-accelere-a-un-rythme-vertigineux)
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