Le contexte
Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
Oui, il faut remettre en cause le droit du sol !
Gilles Lebreton
Professeur de droit public à l’Université du Havre, député FN au Parlement européen, membre du Conseil stratégique de Marine Le PenLe « droit du sol » permet à certaines catégories d’étrangers qui sont nés en France d’obtenir la nationalité française.
Notre pays l’a largement appliqué pour des raisons culturelles, liées au rayonnement et à l’attractivité de la civilisation française : c’est ainsi que les articles 2 et 3 de la Constitution de 1791 la consacrent avec une certaine générosité.
Mais il l’a aussi et surtout largement appliqué pour des raisons utilitaristes, liées au besoin de main d’œuvre ou de conscrits : si la loi du 7 février 1851 attribue la nationalité française à tout individu né en France d’un parent étranger lui-même né en France, c’est pour satisfaire les besoins de main d’œuvre de la révolution industrielle ; dans le même esprit, la loi du 26 juin 1889 durcit les conditions de rétractation de ce type d’attribution pour grossir l’armée et préparer la revanche contre l’Allemagne.
Aucune de ces raisons ne justifie aujourd’hui le maintien du droit du sol. La France ne manque ni de main d’œuvre, ni de jeunes gens susceptibles de devenir soldats en cas de besoin.
Quant à la générosité, elle n’a que trop duré : greffé sur une submersion migratoire de populations mal assimilées, le droit du sol a favorisé depuis quarante ans le développement du communautarisme. Le maintenir dans ces circonstances serait courir le risque de provoquer une véritable libanisation de la société française.
C’est pourquoi je suis favorable, comme Marine Le Pen, à l’abrogation des articles du Code civil qui consacrent le droit du sol, notamment des articles 19-3 (double droit du sol), 21- 7 (droit du sol simple différé), et 21-13-2 (droit du sol indirect transmis par lien de fratrie, nouveauté de la loi du 7 mars 2016).
À la place, seraient privilégiés deux autres moyens d’acquisition de la nationalité française : le droit du sang, autrement dit l’acquisition par filiation (article 18 du Code civil : « Est français l’enfant dont l’un des parents au moins est français ») ; et la naturalisation, qui serait accordée à tout étranger qui démontrerait qu’il mérite de devenir Français.
Serait ainsi respecté le principe selon lequel « la nationalité française s’hérite ou se mérite ».
Le droit du sol, vecteur d’identité Républicaine
Gabriel Serville
Député-maire de Matoury, 1° circonscription de GuyanePeuples premiers sud-américains et caribéens, peuples du berceau de l’humanité et de la Méditerranée, Orientaux et Occidentaux, tous ont successivement foulé notre terre française d’Amazonie avant de devenir les Guyanais d’aujourd’hui. Quelles que soient nos origines, qui qu’aient été nos ancêtres, nous sommes tous des fils de la Guyane lorsque nous en faisons vivre les valeurs.
Dans cette contrée de la République, il ne saurait y avoir de droit du sang, le nôtre est mêlé depuis longtemps. La tolérance est notre point de confluence ; la pluralité notre point de convergence. Dans cette contrée de la République, tous sont les fruits du métissage.
Le mélange a entrelacé nos intérêts et engendrée une fraternité intergénérationnelle et interculturelle qui nous permet de surmonter les tourments passés comme présents. Instaurer le droit du sang ne participerait qu’à alimenter le racisme, le rejet de l’autre et inévitablement, le repli sur soi.
Le droit du sol, lui, s’érige en mode de pacification territorial puisqu’il permet de rapprocher de la République et de ses principes, ceux qui pénètrent en Guyane, et ainsi, en France.
Et c’est ce droit du sol qui fait qu’aujourd’hui nous avons bien plus à offrir à la nation que nos trésors que sont l’or vert, l’or jaune, l’or noir ou l’or bleu. Oui, nous lui offrons notre multiculturalité, plus colorée encore que le plus beau des arcs-en-ciel.
Dans son adresse à la jeunesse de 1937, Félix Eboué, grand Homme guyanais l’exhortait alors : «Jouer le jeu, c’est piétiner les préjugés, tous les préjugés et apprendre à baser l’échelle des valeurs sur les critères de l’esprit. […] Jouer le jeu, c’est aimer les hommes, tous les hommes et se dire qu’ils sont tous bâtis sur une commune mesure humaine qui est faite de qualités et de défauts.»
Des décennies plus tard, ces mots raisonnent plus que jamais dans nos esprits. Oui, nous jouons le jeu. Et peut-être la République française continuera-t-elle à jouer le jeu si elle apprécie de plus près notre originalité et l’esprit de concorde dont nous faisons preuve au regard de nos singularités. Oui peut-être y trouvera-t-elle alors une inspiration pour résister aux fléaux de l’intolérance qui l’accablent parfois.