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Spitzenkandidaten : une success story
Hermann Schmitt
Chercheur au Mannheimer Zentrum für Europäische Sozialforschunghttp://europeanelectionstudies.net/
Le système des têtes de listes était une nouveauté des élections européennes de 2014. Reposant sur les dispositions du Traité de Lisbonne, des fédérations de partis européens désignent ainsi leurs candidats principaux afin de renforcer leurs campagnes et d’améliorer leurs résultats électoraux.
Une incitation supplémentaire concernait les deux plus grands partis politiques européens, le PPE et les Sociaux-démocrates. Jean-Claude Juncker et Martin Schulz, leurs candidats respectifs, ont fait campagne pour améliorer les résultats des partis membres de leurs alliances, mais aussi pour décrocher le poste de nouveau Président de la Commission européenne.
Un lien plus fort entre les résultats des élections et la nouvelle Commission européenne
Ce système devait renforcer le lien entre les élections des membres du Parlement européen et la constitution de la nouvelle Commission – soit le pouvoir exécutif de l’UE. Or, cette « élection test » de 2014 a débouché sur la nomination de Jean-Claude Juncker, le candidat du PPE qui était alors le parti victorieux aux élections.
Un lien plus fort entre les résultats des élections européennes et la constitution de la nouvelle Commission européenne avait ainsi été établie, conformément à ce qui était prévu par le Traité de Lisbonne. L’invention du Spitzenkandidaten a-t-elle également relancé la participation aux élections européennes ?
Les campagnes des têtes de listes ont contribué à la mobilisation de leurs partisans
Selon les résultats de 2014, la réponse est à la fois oui et non. D’un côté, les citoyens qui reconnaissaient un ou plusieurs Spitzenkandidaten étaient plus aptes à aller voter. Les campagnes des têtes de listes ont visiblement contribué à la mobilisation, à échelle nationale, des partisans de leurs alliances respectives.
D’un autre côté, peu de citoyens étaient capables de reconnaître les Spitzenkandidaten. L’effet était donc positif mais de petite ampleur. Cette ampleur pourrait bien sûr croître dans les élections à venir puisque les acteurs impliqués devraient apprendre de leurs expériences passées.
Une petite ampleur chez les citoyens mais un avenir prometteur
Cependant, un dernier avertissement est nécessaire. Lier le résultat d’une élection de parlementaires européens à la nomination du nouveau président de la Commission ne suffit pas à démocratiser les relations entre ces deux institutions. Au contraire, l’autre législateur de l’UE – le Conseil européen – continue d’exercer son droit de nomination des membres de la Commission (un par état-membre). Si bien que, contrairement aux chefs d’états, le prochain Président de la Commission européenne n’aura pas la liberté de nommer ses ministres qui seront désignés par le Conseil européen (quoique d’abord « examinés » par le Parlement européen).
Ce système n'est jamais sorti de la bulle bruxelloise
La procédure de désignation du Président de la Commission européenne a été mise sans dessus-dessous en 2014. Fini les accords secrets entre les leaders européens, les citoyens européens pouvaient déterminer, quoique indirectement, le chef du pouvoir exécutif de l’UE à partir d’une liste de candidats pré-sélectionnés par les groupements politiques du Parlement.
Ce système confirme la déconnexion qui persiste entre l’UE et ses citoyens
Cette réforme portait l’espoir d’un renouvellement de l’intérêt des citoyens pour les élections européennes, et donc d’une réponse à l’abstention grandissante. Mais, en 2014, la participation a atteint son plus bas niveau : 42,61%. Des chercheurs ont démontrés que la plupart des citoyens de l’UE ignorait a) que leur vote impactait directement la nomination du Président de la Commission, et b) l’identité même des candidats individuels prenant part à cette course à l’investiture.
Le principal problème du système des Spitzenkandidaten est cette déconnexion qui persiste entre l’UE et ses citoyens. Les discussions concernant le système électoral n’ont pas lieu à l’échelle visée : ce débat ne concerne principalement que les élites politiques. L’ambition était démocratique mais, dans les faits, la plupart des citoyens n’ont jamais entendu ne serait-ce que le terme de Spitzenkandidaten.
Un débat d’élite politique et anti-démocratique dans les faits
Après les débuts infructueux de ce système en 2014, plusieurs idées de réformes ont été débattues et il a été mis en avant que cette réforme avait été sapée par des problèmes de jeunesse. En 2019, les candidats devraient donc être désignés plus tôt afin de mettre en place une campagne plus longue et de familiariser les votants avec le système électoral et les candidats. Cependant, cela n’a pas été le cas. La plupart des familles politiques ont présenté leurs candidats encore plus tardivement qu’en 2014 et la campagne ne semble pas avoir suscité plus d’intérêt.
Il faut une diffusion efficace auprès des citoyens pour un réel boost démocratique
Les gouvernements et les partis politiques nationaux ont un rôle crucial à jouer en tant que intermédiaires : ils doivent diffuser cette campagne auprès des citoyens. Cela nous renvoie à un autre problème substantiel du système des têtes de listes : les chefs d’états et les gouvernements préfèrent garder pour eux le pouvoir de nomination de la Commission. Ils ne sont pas plus fans de ce système. L’intérêt principal des partis nationaux est de remporter le plus de sièges et d’influence politique possibles. Or, leurs chances sont plus importantes lorsqu’ils mènent campagne à une échelle nationale plutôt que sur des questions européennes.
Cela explique la très timide promotion du système des Spitzenkandidaten par les gouvernements et partis politiques nationaux.
Tout comme toutes les idées de réformes institutionnelles, le système des têtes de listes n’est pas une fin en soi. Il ne génère que peu d’avantages et doit encore démontrer des résultats concrets. Ce n’est que grâce à une diffusion efficace auprès des citoyens que ce système pourra produire le boost démocratique espéré.
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