Plan de relance européen : des milliards pour sortir de la crise

Façade du bâtiment de la Comission européenne à Bruxelles

LE DÉCRYPTAGE DE L’ACTU

Chaque semaine, on essaye de comprendre pour vous un sujet qui fait l’actu, mais qui peut paraître un peu ardu…

Proposé par la Commission européenne le 27 mai et adopté par le Conseil européen le 21 juillet, le plan de relance européen pour pallier aux conséquences économiques de la crise sanitaire fait des remous : mesuré au plan de relance américain, largement critiqué, il soulève des questions sur l’efficacité de l’Union Européenne et le rôle de la Banque Centrale Européenne.

Ce qu’il prévoit

Pour la toute première fois, la Commission Européenne, bénéficiant de taux d’intérêts plus avantageux sur les marchés financiers que chaque Etat individuellement, va emprunter au nom des 27 Etats de l’Union Européenne, créant une dette commune aux pays européens. Baptisé “Next Generation UE”, ce plan de relance s’élève à un montant de 750 milliards d’euros qui s’ajoutent à un budget pluriannuel de 1 074,3 milliards d’euros pour la période 2021-2027. La somme du plan de relance est divisée en deux : 390 milliards seront des dons faits aux Etats sous forme de subventions et 360 milliards seront proposés aux Etats sous forme de prêts facultatifs.

Qui en bénéficiera ?

Ce fonds dédié à la relance de l’économie européenne bénéficiera en priorité aux économies ayant le plus pâti de la pandémie, notamment l’Italie et l’Espagne. La première devrait ainsi recevoir 209 milliards d’euros dont 80 milliards de subventions tandis que la seconde doit percevoir au total 140 milliards d’euros. Rapporté en pourcentage de leur PIB, la Croatie, la Bulgarie et la Grèce seront les Etats qui en profiteront le plus. La Croatie recevra ainsi 11,6% de son PIB, la Bulgarie 10,2% et la Grèce 9,7%. La France, qui devrait recevoir au total près de 40 milliards d’euros entièrement constitués de dons, reçoit quant à elle l’équivalent d’1,6% de son PIB, malgré le fait qu’elle soit, a priori, la troisième bénéficiaire du plan de relance européen. Cette somme sera utilisée pour financer en partie les 100 milliards d’euros du plan de relance français mis en place par le gouvernement en septembre dernier. Parallèlement aux sommes accordées aux Etats européens, une partie de l’enveloppe du plan “Next Generation UE” ira à REACT-EU, une initiative agissant pour la cohésion européenne ainsi qu’à d’autres programmes ou fonds tels qu’Horizon 2020 (recherche et innovation), InvestEU (soutien aux entreprises et à l’investissement), le fonds de développement rural ou encore le Fonds pour une transition juste (FTJ).

Sous quelles conditions ?

Le plan de relance européen ne vient pas sans condition : les dépenses effectuées par chaque État grâce aux subventions et aux prêts qui leur sont alloués devront répondre à des objectifs. Chaque Etat doit ainsi présenter un plan d’investissement et de réformes suivant les modalités sociales, économiques, territoriales et environnementales de l’accord passé. Les priorités soulevées sont le numérique, la transition écologique et la résilience économique. Les mesures de relance prises devront donc aller dans ce sens, chaque Etat devant justifier ses dépenses prévues.

Comment le plan de relance européen sera-t-il financé ?

Pour financer Next Generation EU, la Commission Européenne va emprunter sur les marchés financiers en émettant des obligations. Son échéance de remboursement est pour l’instant fixée à 2058. La partie du plan de relance consacrée aux prêts aux Etats européens sera remboursée par ces mêmes Etats. Le remboursement des donations est, quant à lui, toujours en discussion. L’accent est cependant mis sur la création de nouvelles ressources propres de l’UE, notamment des taxes, afin d’éviter une augmentation de la contribution des Etats membres, tout en palliant aux pertes générées par le Brexit.

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Les ressources propres, c’est 99% du budget de l’Union Européenne. Il s’agit des ressources dont elle dispose pour le financement de ses dépenses et comprennent les ressources propres traditionnelles (essentiellement les droits de douane perçus par l’UE lorsque des marchandises en provenance de pays tiers entrent dans le marché unique), les “ressources TVA” (prélèvement de 0,3% de la TVA nationale des Etats-membres) et les “ressources RNB” (prélèvement d’un pourcentage du Revenu National Brut de chaque Etat-membre). L’Union Européenne dispose d’un plafond de ressources propres, qui doit désormais être augmenté pour mettre en place le plan de relance. Afin que ce plafond soit augmenté, chaque Etat doit approuver cette décision, ce qui rend le processus long et laborieux.

Ainsi, pour rembourser l’emprunt lié au plan Next Generation EU, l’Union Européenne envisage de mettre en place une contribution sur les déchets plastiques non recyclés, une taxe carbone aux frontières de l’UE ou encore une taxe sur les géants numériques.

Quand les fonds seront-ils versés ?

C’est la grande question. Début avril, seuls 16 pays sur 27 avaient ratifié le plan de relance, dont l’Italie, la France et l’Espagne. Or celui-ci ne peut entrer en vigueur tant qu’il n’a pas ratifié par tous les Etats-membres. En Pologne et en Hongrie, le conditionnement de l’accès aux fonds au respect de l’Etat de droit passe mal. L’affaire, à suivre, a ainsi été portée devant la Cour de Justice de l’Union Européenne après que les deux pays aient posé leur veto au plan de relance durant tout le mois de décembre 2020. En Allemagne, la Cour constitutionnelle a suspendu le 25 mars le processus de ratification du plan Next Generation EU à l’échelle nationale après un recours en référé déposé par l’extrême-droite au motif notamment que le partage de la dette entre les différents Etats européens serait inconstitutionnel : “le plan de relance est perçu par les plaignants comme une violation de la souveraineté absolue du pays en matière budgétaire”, résume Shahin Vallée, chercheur au Conseil Allemand pour les Affaires étrangères (DGAP). Afin de ratifier le plan de relance, l’Allemagne doit donc attendre la décision de la Cour Constitutionnelle.

Pourquoi ce plan de relance est-il si critiqué ?

En septembre dernier, Clément Beaune, Secrétaire d’Etat aux affaires européennes estimait pour Ouest France que “Le plan de relance européen est une victoire massive pour la France et pour les Français”. Le 11 avril dernier, il juge pourtant pour La Tribune que la réponse économique de l’UE à la crise actuelle devrait être « plus ambitieuse ». Selon lui, “Au-delà des 750 milliards d’euros de ce plan de relance, (…) il faut qu’on amplifie cette réponse d’investissement »,“Il faudra sans doute effectivement quelque chose comme un doublement”. Effectivement, passée l’euphorie du moment suite à l’annonce de la mise en place de Next Generation EU, les critiques se sont multipliées. La lenteur de son entrée en vigueur est massivement pointée du doigt. Ralentis par de longues négociations, la nécessaire ratification de chaque Parlement national et les lourdes procédures administratives et juridiques, les premiers fonds pourraient mettre longtemps à être versés, alors que 70% du montant du plan est censé être déboursé d’ici à 2022.

Le montant du plan de relance est également décrié : pour Isabel Schnabel, économiste à la BCE “Il se peut que le plan de soutien européen se révèle insuffisant”. Une opinion partagée par Matthieu Llorca, maître de conférences en économie à l’université de Bourgogne : “cette solidarité budgétaire reste (…) largement insuffisante et bien en deçà des ambitions initiales de la France et de l’Allemagne, pour lutter contre la pire crise économique de l’histoire, sans compter qu’il comprend des concessions”. Laurent Herblay, animateur du blog gaulliste libre pour le Figaro dénonce quant à lui “le minuscule plan de relance de la plus grave crise économique”.

Next Generation EU ne représente, en effet, « que » 5,6 % du PIB (Produit Intérieur Brut) de l’ensemble de l’UE. Par comparaison, le plan de relance des Etats-Unis atteint 9% du PIB américain.

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Le plan de relance américain adopté en mars dernier d’un montant de 1900 milliards de dollars constitue la 3ème vague de soutien à l’économie face à la crise sanitaire, les deux premières ayant été mises en place par l’administration Trump. Ainsi, en mars 2020, un premier plan de 2200 milliards était entré en vigueur, puis, en décembre, un complément de 900 milliards avait été ajouté pour conclure le mandat de Donald Trump. Le plan Biden, qui vise surtout à relancer l’économie en incitant les ménages à consommer, prend la forme de dons. Toute personne touchant moins de 75 000 dollars par an (le plafond est de 150 000 dollars pour un couple marié) recevra, sans autre condition, un chèque de 1 400 dollars qu’il pourra utiliser comme bon lui semblera. Ces fonds sont complétés par des indemnisations chômage, un crédit d’impôt pour faciliter la garde d’enfants ou encore des aides aux établissements scolaires. Ces mesures sont toutefois à nuancer, les pays européens disposant de base d’un système de prestations sociales bien plus développé que le système américain.

Les alternatives proposées

Face à l’ampleur du chantier en cours pour reconstruire les économies européennes, de nombreux économistes ont appelé dans une tribune au Monde à annuler la dette Covid, dont 25% est détenue par la Banque Centrale Européenne (BCE). Débattue ardemment, cette option a rapidement été écartée, particulièrement par Christine Lagarde, présidente de la BCE qui a insisté sur le fait que “l’annulation de la dette est inenvisageable”.

En conclusion ?

“Tout le monde a besoin du plan de relance de l’UE, il y a urgence” insiste Johannes Hahn, commissaire européen au budget. Ainsi, alors que toute l’Europe semble attendre Next Generation EU impatiemment, les freins et les obstacles s’accumulent, la lenteur des mécanismes décisionnaires européens nous donnant un étrange écho de la crise de 2008.

Un récap ?

Une très bonne infographie réalisée par Touteleurope.eu

Sources : Toute l’Europe, vie-publique.fr, Le Monde, Les Echos, La Tribune, franceinfo, Le Figaro, BFMTV, Europe 1, Ouest France, Europa.eu, Le Journal du Dimanche, Alternatives Economiques, Le Parisien, La Croix.

 

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