Des éoliennes dans la campagne

Faut-il favoriser le développement de l’éolien ?

📋  Le contexte  📋

Une éolienne produit de l’énergie électrique à partir de l’énergie mécanique du vent. Il existe les éoliennes posées à terre (dites terrestre ou « onshore »), et les éoliennes en mer (on parle alors d’éolien en mer ou « offshore »). L’éolien terrestre est répandu en France ; allant généralement d’une puissance de 1,8 à 3 MW, les éoliennes terrestres installées ont des rotors (la partie tournante de l’éolienne) qui mesurent entre 80 et 110 m de diamètre pour des hauteurs totales entre 120 et 155 mètres. Le dernier chiffre officiel de 2018 indique que le parc éolien français était composé de 6 500 éoliennes terrestres. En suivant la progression de l’énergie éolienne sur le territoire sur ces dernières années, on estime le nombre d’éoliennes terrestres en France en 2021 à 8000, réparties sur 1380 parcs, en France métropolitaine et d’Outre-Mer. Pour l’éolien en mer, les puissance et les hauteurs sont plus importantes. Alors que le parc de Thorntonbank, installé en 2008 au large d’Ostende, en Belgique, utilisait des turbines de 5 MW, des éoliennes de 15 MW de puissance unitaire sont aujourd’hui annoncées par les constructeurs. Ces éoliennes atteindront des hauteurs de 270 m. La France était au 4e rang européen en 2019 pour la puissance installée, derrière l’Allemagne, l’Espagne et le Royaume-Uni, avec une part dans la capacité totale de 8 %.

La puissance éolienne terrestre raccordée en France était de 18,487 GW à la fin de 3ème trimestre 2021. La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), qui décline les objectifs prévus par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, fixe les objectifs quantitatifs pour chaque filière renouvelable sur une période de 10 ans. La PPE est revue tous les 5 ans et des objectifs pour chaque filière à l’horizon 2023 et 2028 ont ainsi été fixés. Concernant l’éolien terrestre, la PPE fixe un objectif de 24,1 GW en 2023 et une fourchette de 33,2 à 34,7 GW en 2028. D’après les chiffres du Sénat, ces objectifs correspondent à un parc de 14 200 à 15 500 éoliennes (contre environ 8 000 en 2021). Si la France ne dispose aujourd’hui d’aucun parc éolien en mer d’exploitation, elle vise à atteindre une capacité installée de 2,4 GW en 2023 et 6,2 GW en 2028. Mais lors de son discours sur l’avenir énergétique de la France prononcé le 10 février à Belfort, Emmanuel Macron a fixé de nouvelles priorités pour le long terme et semble vouloir désormais privilégier l’éolien en mer, pour qui il a fixé des objectifs plus ambitieux. Il souhaite doter la France d’une cinquantaine de parcs éoliens en mer pour « viser 40 gigawatts en service en 2050 ». Le président de la République a en effet révisé à la baisse les ambitions de l’éolien terrestre, prévoyant un doublement des capacités sur 30 ans plutôt qu’en 10 ans. « Personne ne souhaite voir des paysages remarquables ou des sites classés abîmés par des grandes pales blanches », a-t-il justifié.

Pas simple. Le mécanisme de soutien aux ENR a changé plusieurs fois. D’abord financé au travers d’une taxe appliquée sur nos factures d’électricité (la CSPE ou Contribution au Service Public de l’Electricité), le soutien aux énergies renouvelables a ensuite été basculé vers le budget de l’Etat, dans un compte dédié : le CAS-TE. Ce compte était financé par une partie des recettes des taxes intérieures de consommation sur les produits énergétiques (TICPE – qui taxe notamment l’essence et le gasoil) et le charbon (TICC). Mais ce CAS-TE a été supprimé à compter de l’exercice en 2021. Les soutiens financiers aux ENR sont dorénavant inscrits au budget général dans le programme 345 qui ne bénéficie plus de ressources spécifiques comme les taxes sur les produits carbonés. En 2022, le coût prévisionnel du soutien à l’éolien est évalué par la CRE à 1,36 milliards d’euros. Ce montant est assez stable depuis plusieurs années. Il était de 1,592 milliards en 2019, 1,948 en 2020 et 1,327 en 2021. Durant la campagne présidentielle, les candidats avaient chacun leur avis sur l’éolien. Il y a ceux qui veulent mettre un terme à leur développement, invoquant des dommages causés à l’environnement et aux hommes et, au contraire, ceux qui y voient une énergie d’avenir, à terre ou en mer. Des positions diamétralement opposées qui méritaient bien un débat !


 

 

🕵  Le débat des experts  🕵

Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
Pour ou Contre l'éolien ?
Le « Pour »
Michel Gioria
Délégué général de France Energie Eolienne
Soutenir le développement de l’éolien, c’est choisir entre agir et subir !

L’éolien est devenu un objet hautement politique. Mais plus ces débats se polarisent plus les fantasmes se substituent aux faits. La porte est alors grande ouverte aux fausses informations et plus personne ne sait qui ou quoi croire. Commençons simplement : oui l’éolien se voit. On peut trouver ça beau, moche, mais est-ce vraiment le cœur du débat ? Oui l’éolien, comme n’importe quelle activité humaine, a des impacts, mais elles doivent évidemment s’évaluer par comparaison, c’est la base de toute méthode d’évaluation.

Oui l’éolien produit quand il y a du vent, et le gaz ne produit que quand il y a du gaz, le pétrole uniquement quand il y a du pétrole, etc…

En réalité, la question que pose l’éolien est celle d’avoir sur notre territoire les moyens de production énergétique renouvelables qui réduisent notre dépendance aux énergies fossiles. Nous façonnons les paysages et la France de l’après pétrole ! Aujourd’hui les énergies fossiles représentent plus de 60% de notre mix énergétique. Bien sûr depuis des décennies, nous allons chercher l’essence à la pompe et le gaz arrive par le réseau. Puisque nous importons la totalité de ces énergies, elles sont quasi-invisibles. Alors pourquoi changer ? L’actualité nous le montre cruellement. Les rapports du GIEC et la dramatique guerre russo-ukrainienne, arrachent la réalité aux postures : notre dépendance à ces énergies fossiles est toxique. Toxique pour le climat, toxique pour notre liberté, toxique pour notre pouvoir d’achat, toxique pour notre indépendance. Et l’éolien, comme l’ensemble des ENR, est un moyen puissant pour nous en libérer. L’éolien est renouvelable et installé sur notre territoire. C’est donc un outil de notre indépendance énergétique, mais également de la réindustrialisation de notre pays et des emplois qui vont avec. L’éolien est décarbonée (une production sans CO2), compétitif (60 euros / MWh contre 110€/MWh pour le nouveau nucléaire d’Hinkley point). N’en déplaise au lobby anti éolien, les choses ne sont pas blanches ou noires et il n’y a pas d’énergie magique. Alors, si le triple objectif est d’assurer notre sécurité énergétique, de décarbonner notre économie et de préserver notre liberté, il est évident que diversifier nos sources de production d’énergie, tout en les installant sur notre territoire y répond parfaitement.

Finalement préférons nous subir ou agir ?

Préférons-nous continuer à importer des énergies fossiles, à nous maintenir en situation de dépendance, à rejeter des millions de tonnes de CO2, à exposer les Français à des hausses de prix incontrôlables en creusant notre déficit commercial ; ou préférons-nous installer des moyens de production chez nous, visibles, renouvelables, qui modifient en partie notre perception de nos paysages, mais qui nous assurent la maîtrise de notre destin énergétique, de notre indépendance, tout en protégeant les Français de hausse de prix catastrophiques. Voilà « LA » question et voilà pourquoi soutenir le développement de l’éolien en France est non seulement logique, mais indispensable. La France n’est pas un musée, et la tentation de l’immobilisme, voir du retour en arrière prônée par le lobby anti éolien—qui est en réalité un lobby anti énergies renouvelables— est dangereuse ; parce qu’elle laisse entendre qu’en ne changeant rien, qu’en sacrifiant la génération qui vient sur l’autel du fantasme de la France des année 60, tout ira bien. Heureusement la jeunesse l’a bien compris. La nostalgie érigée en dogme a toujours été mauvaise conseillère quand il s’agit de penser l’avenir, voire de panser l’avenir.

Le « Contre »
Daniel Steinbach
Président de Vent de Colère ! Fédération Nationale
Pourquoi refuser l’éolien

Il y a maintenant près de 9 000 éoliennes implantées dans les zones agricoles et naturelles de la France. Des machines industrielles géantes (jusqu’à 241 mètres de haut) et bruyantes (105 dB et plus à pleine puissance) construites sur des terrains normalement interdits à toutes constructions par les règles d’urbanisme. Les décisions politiques européennes et françaises, les lois votées impliquent la présence de 15 000 éoliennes en 2030, 30 à 40 000 en 2050. Aujourd’hui 44% des Français déclarent avoir une mauvaise image de l’énergie éolienne (vs 34% une bonne image), 72 % que l’éolien est une source de pollution visuelle et sonore, 68 % que l’éolien a un impact sur les paysages, dégrade le patrimoine français, que les éoliennes en mer sont nocives pour les oiseaux, les milieux marins et la pêche (sondages Ifop national publié le 3 novembre 2021).

Ce rejet croissant de l’éolien par les français a de nombreuses raisons.

Ces machines industrielles géantes, implantées aux milieux des champs, dans les forêts, sur les crêtes conduisent à une dégradation de l’environnement dans toutes ses dimensions, biodiversité terrestre et marine, vie sauvage, paysages, détérioration du cadre de vie et même nuisances sur la santé pour les très nombreux riverains. Seuls les sites exceptionnels sont encore protégés, de nombreuses réglementations d’urbanisme ne sont pas respectées (zones naturelles et agricoles des Plans Locaux d’Urbanisme, Loi Montagne, Parcs Naturels régionaux …). La dégradation des conditions de vie des riverains est complètement ignorée par l’ensemble des décideurs, promoteurs éoliens et administrations. Les impôts locaux perçus par les communes d’implantation sont faibles, sans rapport avec les nuisances créées. Il n’y a pas création d’emploi localement, les centres de maintenance sont de niveau régional et créent peu d’emplois. L’intermittence de la production éolienne (en France en 2021 elle a varié de 55 MW le 12/8 à 12 h à 14 500 MW le 13/3 à 12 h) conduit au développement de moyens de production d’électricité de substitution, gaz (importé de Norvège, Russie, Afrique, Moyen Orient) ou de bois déchiquetés (Amérique du sud ou du nord) gros producteurs de CO2. Voilà réintroduit un risque stratégique dans la production d’électricité française, Le recours massif à l’éolien n’est possible qu’avec une diminution drastique de la consommation d’énergie (moins 40% en France en 2050 selon RTE et l’Ademe). L’évolution majeure des comportements et la sobriété énergétique imposées n’ont fait l’objet ni de validation démocratique ni même d’études socio-économiques.

Les éoliennes sont importées d’Allemagne, du Danemark et contiennent de nombreux éléments venus de Chine.

Elles sont le plus souvent montées par des sociétés étrangères utilisant du personnel venu d’Europe de l’Est. Les opérateurs éoliens sont pour moitié au moins des sociétés financières étrangères. Il y a là aussi un risque stratégique majeur pour notre pays. Les français sont fiers que notre pays soit aujourd’hui parmi le plus vertueux en matière de production de CO2 par kWh produit. Le plan de développement de l’éolien en cours ne peut que détériorer cet excellent résultat, comme le montre l’exemple de l’Allemagne qui produit 5 fois plus de CO2 par kWh que la France avec 5 fois plus d’éoliennes. Il faut reconsidérer la politique de développement de l’éolien, destructrice de l’environnement et sans intérêt pour la limitation des gaz à effet de serre.


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