Habiter la France de demain : digitalisation VS déconnexion

Cette controverse est publiée dans le cadre de la démarche Habiter la France de demainlancée au mois de février par le ministère en charge du Logement. Le but est de croiser des avis d’experts et des consultations citoyennes afin d’identifier de nouvelles solutions en réponse aux défis de la ville et des territoires de demain.

La transformation digitale est en marche

En France, la digitalisation des activités s’est fortement accélérée suite aux mesures prises pendant la pandémie de COVID 19. Le télétravail est devenu populaire auprès de nombreux salariés qui l’ont parfois expérimenté pour la première fois. Le nombre de salariés ayant expérimenté le télétravail est passé de 7 à 40% entre mars et mai 2020 selon une étude CSA. Cette pratique était peu commune dans notre pays, contrairement à d’autres nations occidentales comme le Royaume-Uni. Beaucoup de préjugés ont longtemps nourri notre perception du télétravail; certains redoutaient que cela affecte l’efficacité des employés. Pourtant, une récente étude de la Harvard Business School nous montre le contraire : il semble que les salariés travaillent en moyenne 48,5 minutes de plus en télétravail qu’à leur habitude. 

Bien entendu, cette nouvelle méthode de travail ne peut pas s’appliquer à tous les métiers ni à tous le monde. Aujourd’hui, ce sont majoritairement les cadres et professions intellectuelles supérieures qui font du télétravail. Certaines entreprises qui en ont la capacité n’hésitent pas à sauter le pas et laissent le choix à leur salariés de travailler à distance. Cela leur permet de mettre en place une politique de “flex office”, soit un mode d’organisation où les salariés n’ont plus de bureaux fixes, tout en baissant le nombre de bureaux disponibles et ainsi faire des économies sur la location de locaux pour l’entreprise. Selon certains, ce nouvel aménagement pourrait alors rendre l’entreprise plus horizontale, efficiente et apaisée.

Digitalisation = Bien-être et autonomie ou isolement et aliénation ?

A l’échelle individuelle, cette pratique est porteuse d’un certain nombre de promesses pour le bien-être du salarié. Elle pourrait renforcer le sentiment d’autonomie, permettre un meilleur équilibre entre vie privée et vie professionnelle et réduire le stress. Travailler depuis chez soi permet également au salarié de se créer son propre espace de travail, personnalisé et adapté à ses propres besoins. En dehors du bien-être produit par le télétravail, on peut aussi y voir un levier important pour l’emploi. D’après une étude réalisée par l’Ademe, plus de 70% des demandeurs d’emploi ont déjà renoncé à un poste parce qu’il était loin de leur domicile. Le chômage en France reste un problème majeur avec plus de 5 millions de personnes en recherche de travail.

Toutefois, le télétravail peut également engendrer un certain nombre de risques psycho-sociaux pour le salarié, comme la solitude ou une sédentarité accrue. Il pourrait aussi conduire au surmenage, ou rendre plus floue la séparation entre la vie privée et la vie professionnelle. 

Des situations variées pour chaque salarié : facteur d’inégalités ?

Tous les salariés ne sont pas égaux face au télétravail. Ce dernier a été très différent selon les catégories socioprofessionnelles. Le travail à distance a concerné 58% des cadres et professions intermédiaires, mais 20% des employés et seulement 2% des ouvriers, selon les chiffres de l’Insee qui a étudié le recours au télétravail lors du premier confinement entre mars et mai 2020. Le confinement n’a fait qu’accentuer des inégalités déjà visibles à l’ère prépandémique. C’était déjà les cadres qui en profitaient le plus (11% régulièrement et 15% occasionnellement) et quasiment pas les ouvriers, dont le travail est souvent impossible à effectuer à distance.

Mais les inégalités ne s’arrêtent pas là. De nombreux paramètres influent sur les conditions de travail des télétravailleurs. Le télétravail s’exerce dans des conditions inégales en fonction du lieu de vie du salarié, de sa position sociale dans le ménage ou encore de son sexe. Entre un jeune salarié qui vit seul dans un 12m², une mère de famille qui doit gérer 3 enfants dans un appartement et un cadre supérieur disposant d’un bureau indépendant et d’un extérieur, le vécu vis-à-vis du télétravail est différent.

Une étude menée en avril 2020 par Terra Nova rappelle que l’espace de travail est un facteur majeur d’inégalités. Elle révèle que 42% des télétravailleurs ne disposent pas d’un espace de travail dédié au sein de leur domicile. Un pourcentage qui grimpe à 71% pour les femmes cadres, selon une enquête de Coconel, menée à la même période. Les disparités sont également fortes entre les employés domiciliés dans les grandes métropoles, dans des logements plus exigus, et les autres.

Ensuite, de nombreux salariés ne disposent pas des équipements nécessaires ou d’une bonne connexion internet pour travailler à distance. Le plan France Très Haut Débit (THD) prévoit de garantir à tous les français un accès au très haut débit d’ici fin 2022, mais pour le moment “seuls” 51% des connexions respectent ce critère.

Enfin, le télétravail peut générer des surcoût pour le salarié. Selon l’étude du cabinet de conseil ConvictionsRH révélée par Le Parisien, les dépenses liées au télétravail avoisineraient les 100 € mensuels en moyenne pour un télétravail complet. Ces 100 euros couvrent une multitude de dépenses nouvelles liées au travail à domicile : le prix de l’électricité, du chauffage, des cafés, du papier, des stylos, des cartouches d’imprimante et même de l’eau utilisée par les toilettes. Bien sûr il existe une multitude de cas de figure et les coûts varieraient entre 13 et 186€ en fonction de la taille du logement, du besoin en équipements ou encore selon la mise à disposition ou non de tickets restaurant. Mais ici encore, ce sont les salariés aux plus hauts revenus qui seront le plus en mesure de travailler à distance dans de bonnes conditions.
Dès lors, on pourrait assister à de vraies divisions. Il y aurait d’un côté les employés les mieux rémunérés qui pourront sans grand problèmes opter pour le télétravail et de l’autre, des salariés plus précaires qui devront y renoncer ou le faire dans des conditions de travail difficiles.

Les inégalités que le télétravail fait émerger concernent également les capacités individuelles des télétravailleurs. Les salariés ne disposent pas tous des mêmes capacités à travailler seuls, à se concentrer et à communiquer. Ils ne disposent pas non plus des mêmes capacités à maîtriser les outils digitaux et collaboratifs. Ce n’est pas un cliché de dire que les générations appelées « digital natives » sont plus à l’aise pour jongler avec les outils tels que Zoom et Slack que les baby-boomers.

Il existe des moyens d’atténuer ou de gommer ces inégalités, notamment en passant par la formation. Mais toutes les entreprises auront-elles la capacité et le souhait de le faire ?

La digitalisation et le télétravail : des leviers pour accéler la transition écologique ?

Plus généralement, la question du télétravail peut aussi être reliée à celle de la transition écologique. Le principal bénéfice pour l’environnement mis en avant concerne la diminution de la mobilité, notamment automobile. Cela pourrait ainsi réduire les émissions de CO2 mais aussi les problèmes de congestion. Cependant, si l’on prend en compte l’impact énergétique global, les avantages du télétravail pour le climat pourrait être moins clair qu’il n’y paraît du fait d’un certain nombre d’impacts négatifs potentiels : utilisation accrue des infrastructures de télécommunication, chauffage du logement, allongement des trajets (par exemple si on s’éloigne de son lieu de travail), augmentation des trajets non liés au travail (ex. trajets dédiés aux courses plutôt que réalisés au retour du travail) et changement de mode de transport (ex. relocalisation dans une zone plus dépendante de la voiture), etc. 

Une revue publiée en 2020 montre en effet que l’impact énergétique global du télétravail est incertain, il dépend de plusieurs variables : quelles seront les logiques de relocalisation des ménages ? Quelles seront les stratégies des entreprises pour réduire leurs surfaces de bureau (et donc la consommation d’énergie) ? Quelle sera la part de double équipement informatique ? D’après une étude de l’ADEME, les principaux “effets rebonds” réduisent d’au moins 31% les économies de CO2 réalisées sur les trajets domicile-travail.

Alors, d’autres leviers pour réussir la transition écologique ?

Si son impact environnemental direct n’est pas sans ambiguïté, le télétravail peut-il toutefois rendre possible d’autres changements bénéfiques ? Peut-il, via des changements de modes de vie, faciliter la transition écologique ? Le travail est en effet une composante centrale de nos modes de vie et entretient de multiples relations avec la plupart de nos comportements : rythme de vie, besoin de mobilité, choix du lieu de vie, sociabilité quotidienne, mais aussi alimentation, manière de consommer, loisirs, etc. 

Prenons l’exemple de l’alimentation. Le lieu de travail structure les possibilités du repas de midi et sa durabilité : y a-t-il une cantine, une cuisine sur le lieu de travail, ou le repas doit-il faire l’objet d’un achat à emporter ? Cela a son importance quand on sait que la consommation de viande est notamment portée par l’augmentation de consommation hors domicile. Pour celles et ceux qui peuvent télétravailler, cela pourrait-il permettre la réalisation d’aspirations comme celles d’éviter le plastique ou les produits transformés, de privilégier des alternatives sans viande ou bio ? De plus, le travail et les temps de déplacement contraignent les rythmes de vie et le temps allouable à cuisiner et manger. On observe par exemple que l’allongement des distances entre le domicile et le lieu de travail est un facteur qui a accentué la consommation de produits transformés. Le télétravail est-il alors une opportunité de faire évoluer les pratiques ? 

En termes de développement durable, un autre impact possible serait un rééquilibrage des territoires. En supprimant l’obligation de résider à proximité de son lieu de travail pour une partie de la population active, le télétravail intégral ou quasi intégral pourrait changer les facteurs d’attractivité des territoires. Les grandes agglomérations sont en effet les grands centres d’emplois, mais ne constituent pas nécessairement les meilleurs lieux de vie : accélération des temps de vie, fatigue due au déplacements, perte du lien avec la nature, autant de phénomènes que Guillaume Faburel dépeint sous le titre de « métropoles barbares ». Les sondages réalisés dans la région parisienne sont de ce point de vue éloquents : un Francilien sur deux souhaiterait ainsi quitter la région. Et selon certaines études récentes, cette proportion pourrait être encore plus grande à Marseille ou à Bordeaux. Le développement du télétravail pourrait de ce point de vue contribuer à améliorer les conditions de vie dans les grandes métropoles (en réduisant la saturation dans les transports en commun et la fatigue due aux déplacements, voire la pression immobilière), mais aussi renforcer l’attractivité d’agglomérations plus petites et conduire à une meilleure répartition géographique de la population active, soutenant alors le dynamisme de villes moyennes en difficulté, via ce que L. Davezies et T. Pech appellent « l’économie résidentielle ».

Graphique: The Conversation France  Source: Troisième enquête « Mon bureau post-confinement », chaire Workplace Management de l’Essec Business School  Récupérer les données  Créé avec Datawrapper

La question du télétravail ne se limite pas aux règles définies entre employeurs et employés. La généralisation du télétravail embarque beaucoup d’autres enjeux et le sujet doit être analysés dans toutes ses dimensions.

Parole d’expertes et d’experts

Alors, faut-il a tout prix digitaliser notre société et généraliser le télé-travail ? Comment faire face aux problèmes nouveux que cela pourrait engendrer ? Et comment concilier ç avec un besoin accru de se « déconnecter » et d’être plus proche de la nature ? Nous avons posé la question à plusieurs experts. Plusieurs expertes nous donnent leur point de vue :

ENTRETIEN AVEC
Fatine Biaz
Docteure en sciences de gestion

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Fatine Biaz, Doctorante en sciences de gestion, Université Paris Descartes

Pouvez-vous vous présenter ?

Je m’appelle Fatine Biaz. Je suis docteur en science de gestion. J’ai un master en science de gestion de l’Université Paris Sorbonne, que j’ai renforcé avec un master RH et un master éthique et organisations pour pouvoir faire ma thèse. J’ai entre autres corédigé un article avec ma directrice de thèse qui porte sur l’impact du digital sur les organisations.

Je suis vraiment passionnée par la thématique du digital et de son impact, et notamment comment il affecte les salariés dans leur rapport au travail. Cet intérêt m’a poussé à mener une thèse pendant 4 ans sur le sujet. Cela m’a permis de réfléchir au digital sous différents aspects comme le sens du travail, les transformations technologiques ou le droit à la déconnexion. Je me suis également intéressée aux attentes des individus vis-à-vis de leur emploi, aux souhaits des entreprises lorsqu’elles recrutent de nouvelles personnes, et j’ai essayé de voir si ces attentes peuvent s’aligner ou non. Pour avoir une image la plus globale possible, j’ai fait une comparaison sur l’impact du digital sur les cadres travaillant dans les grandes entreprises et les start-ups pour voir si l’impact du digital est le même et si la vision de cette transformation est identique dans ces deux environnements très différents.

Alors, cette digitalisation est-elle une bonne chose ? Faut-il l’imposer partout et pour tout le monde ?

Aujourd’hui, que ce soit pour les individus ou les entreprises, il n’y a pas de réponse claire et systématique. Tout dépend du contexte. Si nous sommes dans un contexte de pandémie par exemple, il faut bien évidemment recourir au télétravail. C’est une nécessité économique, il s’agit d’un effort national nécessaire.

En revanche, dans un contexte normal, la question de la digitalisation et notamment l’usage excessif du télétravail doit être posée. Il faut tenir compte de plusieurs paramètres:
A l’échelle de l’individu, cela peut offrir de nombreux avantages. On peut par exemple adapter ses horaires de travail aux différentes contraintes du quotidien. Cela permet également d’économiser le temps passé dans les transports ou encore de bénéficier du confort de son domicile.

Toutefois, quand nous sommes au bureau, nous interagissons avec les autres. Ces interactions sont importantes pour l’individu. Elles permettent d’éviter les situations d’isolement. Le télétravail peut également être très énergivore. Rester face à un écran toute la journée demande beaucoup d’attention et d’énergie. Il faut donc faire attention aux risques pour la santé. Il devient alors important d’établir et de mettre en place ses propres règles de déconnection. Enfin, le télétravail bouscule l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle ce qui peut être source de tension au sein de la famille.

Mais est-il vraiment possible de se déconnecter ?

Une des conclusions de mes travaux est qu’il n’est pas possible de se déconnecter seul ! Nous sommes tous liés les uns aux autres, le travail d’une personne est dans une chaine rattachée très souvent au travail des autres collaborateurs. Il est donc important d’aborder la déconnexion de manière collective. D’où l’importance de penser à la culture d’entreprise et l’impact sur la fonction RH. : il faut une discipline collective. Il faut être capable d’avoir une définition commune du principe de déconnexion, pour avoir une solution commune qui fonctionne.
Cette solution doit être pensée de manière collective. Il faut qu’il y ait un consensus. Lorsque cela ne fonctionne pas, c’est en général que la solution a été pensée de manière individuelle et imposée à tous.

Et le lien social, comment le gère-t-on ?

En effet, lorsque nous sommes dans un bureau, il y a des échanges formels et informels. Nous pouvons voir nos collègues travailler, les entendre, les observer. En permanence, nous apprenons d’eux et gagnons en efficacité. Nous pouvons également leur apporter notre aide rapidement lorsque cela s’avère nécessaire. Cela favorise l’entraide.

Mais pas seulement ! Ces échanges quotidiens permettent de développer l’intelligence collective et la créativité. Tout cela peut être plus dur à obtenir quand tous les salariés sont en télétravail. L’entreprise doit donc penser à comment permettre à des personnes séparées physiquement de prendre le temps d’échanger et de discuter. Et pas uniquement pendant quelques minutes. Aujourd’hui, les entreprises n’ont pas assez conscience de l’importance de ces temps d’échange. C’est pourtant grâce à ces échanges que naissent les nouvelles idées.
Mais bien sûr, comme pour la déconnexion, cela exige de changer, parfois profondément, la culture d’entreprise.

De toute façon, est-ce une transformation complexe et fragile ?

Passer du jour au lendemain du bureau au télétravail n’est pas toujours évident. Nous ne sommes pas tous dans le même contexte de télétravail. La thématique du logement est importante par exemple : nous ne disposons pas tous des mêmes superficies, ni d’un espace dédié au travail.

Nous n’avons pas tous les mêmes contraintes, les mêmes compositions familiales ni les mêmes ressentis face à la digitalisation. Il existe une multitude de critères qui peuvent influer sur nos conditions de travail. Cela peut donc être vecteur d’inégalités. C’est pourquoi la digitalisation et le recours au télétravail ne peuvent pas se penser à l’échelle de l’individu, ni même à l’échelle de l’entreprise mais bien à l’échelle de la société toute entière. Il faut impliquer les branches professionnelles, la force publique et les salariés, de nombreuses parties prenantes pour faire en sorte que cela fonctionne collectivement et de gommer au mieux ces inégalités.

Et il n’est pas possible d’imposer des règles strictes aux télétravailleurs quant à la manière dont ils doivent s’organiser chez eux, car cela relève parfois de leur intimité et de leur vie privée.

Réussir cette transformation digitale constitue donc un jeu d’équilibre complexe qui mélange discipline collective et respect de la vie privée et des contraintes de chacun.

Et le sens du travail ? Ne risque-t-on pas de le perdre ?

Si bien sûr, la digitalisation des organisations constitue un risque. Si le travail est uniquement une source de revenus, que les objectifs sont mal définis, qu’il n’existe qu’une vision floue des missions, le fait d’être plus isolé pourra impacter négativement les salariés et réduire significativement leur implication.

En revanche, si les gens disposent d’une vision claire de leur travail, de leur impact sur les autres, s’ils sont convaincus que ce qu’ils font est utile, peu importe qu’ils soient en télétravail ou au bureau, cela ne posera aucun problème. Plus l’individu trouve du sens à ce qu’il fait, moins il sera gêné par le télétravail et les transformations digitales car il les verra finalement comme des moyens d’atteindre ses objectifs et non comme une fin en soi. La réussite de cette transformation dépendra donc de la capacité des entreprises à donner de la visibilité aux salariés sur l’impact de leur travail.

Comment concilier cette digitalisation et le besoin de se « déconnecter » et de retrouver du lien avec la nature ?

Selon moi il s’agit avant tout d’une question de discipline. Il s’agit de mettre en place une discipline individuelle en premier lieu en s’imposant des règles strictes à soi-même et respecter la discipline des autres. En plus, il s’agit d’encourager une discipline collective comme nous l’avons déjà évoqué avec le droit à la déconnexion. Cela permet de maintenir une séparation claire entre l’écran et le travail, d’une part ; et la vie privée et ce besoin de déconnexion, d’autre part.

nsuite, il s’agit probablement d’aborder la question du travail sous un nouvel angle, moins cloisonné. Une approche plus collective du travail, moins compétitive, où les tâches peuvent être partagées, où le collectif prime sur l’individuel, offre un cadre plus propice au maintien d’une séparation claire en pro et perso et permet d’aboutir à une intelligence collective porteuse de création de nouvelles opportunités.

Un dernier conseil ?

Plus que jamais, la fonction RH nécessite d’être repensée de manière collaborative pour permettre aux personnes qui télétravaillent de maintenir un lien humain avec leur collègues de travail. Il faut garder de l’humain et veiller au bien-être de chacun. Et ce n’est pas une tâche facile quand on est derrière un écran ! Mais cela est possible et il est prioritaire de s’attacher à cette question. C’est l’enjeu essentiel de la transformation que nous sommes en train de vivre.

Et il faudra désormais être beaucoup plus attentif aux capacités de communication et à l’intelligence situationnelle. Dans un monde où les échanges informels disparaissent, où les échanges se font uniquement via des outils collaboratifs numériques, certains pourraient se sentir perdus, frustrés. Il faudra permettre aux gens de monter en compétence sur ces sujets pour les aider à comprendre les attitudes et s’adapter aux différentes personnalités. C’est vital pour permettre une communication saine et fluide, pour maintenir de l’humain dans un monde digitalisé.

ENTRETIEN AVEC
Orianne Ledroit
Directrice de la Mission Société Numérique

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Orianne Ledroit, Directrice de la Mission Société Numérique, task force du Gouvernement pour la montée en compétences numériques des Français et la transition numérique des territoires

Interview à venir

A compléter

ARTICLE DE
Caroline Diard
Professeur associé en management des RH et droit

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Caroline Diard, Professeur associé en management des RH et droit, EDC Paris Business School / Enseignant-chercheur (vacataire), ICN Business School

Le télétravail est-il « durable » ? Les enseignements du confinement

Pour faire face à l’épidémie de Covid-19, un recours massif au télétravail a été privilégié en France, comme dans de nombreux autres pays. Le premier confinement, en mars 2020, a ainsi plongé un quart de la population active dans cette situation de travail à distance, contraint et à temps plein.

Le second confinement – démarré fin octobre 2020 – a fait du télétravail la règle dès que cette modalité s’avérait compatible avec les missions exercées par les travailleurs. Rappelons qu’en temps « normal », le télétravail ne peut être mis en place que sur la base du volontariat du salarié. Il peut cependant être imposé par l’employeur en cas de circonstances exceptionnelles, comme une menace épidémique.

Les deux confinements ont profondément bouleversé l’organisation des entreprises. Les managers ont été contraints de faire preuve d’agilité, et les collaborateurs ont développé une forme de résilience. On le comprend, ce type de télétravail à temps plein est inédit et s’explique par la situation d’urgence sanitaire.

Dans le cadre du travail à distance, le rapport autonomie/contrôle est bouleversé et les relations sont supposées fondées sur la confiance et la délégation. Les collaborateurs développent de nouvelles compétences, notamment en matière d’utilisation d’outils technologiques et d’auto-organisation.

Il est aujourd’hui légitime de s’interroger sur son évolution : le télétravail peut-il devenir la norme ? S’agit-il d’une modalité d’organisation durable ?

Les promesses du télétravail

Les promesses du télétravail sont nombreuses. Pour les entreprises, il est synonyme de flexibilité en matière d’organisation et d’occupation des locaux ; la perspective de diminuer le nombre de mètres carrés occupés est ainsi souvent mise en avant. La question de la performance est également soulevée, mais difficilement tranchée. Une étude de la direction générale du Trésor sur les effets économiques du télétravail révèle son impact positif serait ainsi lié aux bonnes conditions de sa mise en place – meilleure autonomie, flexibilité, conciliation entre vie privée et vie professionnelle, moins de transports.

Face aux risques induits par le travail hors site (isolement et empiétement du temps familial sur le temps de travail par exemple), Bercy pointe les solutions possibles : rôle des équipes dirigeantes pour mieux concilier vie privée et vie professionnelle, espaces de travail partagés (coworking), développement des modes de garde des enfants.

Des effets sur la productivité et bien au-delà

Les effets sur la productivité sont perçus différemment selon les enquêtes. Le gain moyen de productivé était estimé à 22 % en 2012 par une étude réalisée pour la DGE dans de grandes entreprises françaises, mais pour laquelle la méthodologie n’est pas consultable. À l’inverse, un rapport de ZDnet et Valoir montre que le passage au télétravail suite au coronavirus a eu pour effet une réduction moyenne de 1 % de la productivité. Notons qu’en ce domaine les enseignements de la littérature restent limités comme le souligne l’Insee.

La littérature économique n’est d’autre part pas univoque concernant l’impact du télétravail sur la productivité. Celui-ci dépend de nombreux facteurs : les conditions de sa mise en place (outils, formation des télétravailleurs et de leurs managers) ; l’organisation du travail dans l’entreprise et du type de management (autonomie du salarié, valorisation du résultat plutôt que de la présence, capacité d’adaptation du management) ; les caractéristiques de chaque métier (degré d’interdépendance à d’autres tâches, caractère créatif ou non des tâches, autonomie).

À plus long terme, au-delà de la crise sanitaire, le télétravail a aussi des effets sur les conditions d’appariement sur le marché du travail, l’organisation de l’espace et l’environnement. Leur quantification est rendue difficile par la présence d’effets multiples, et parfois contraires, mais ils ne peuvent être ignorés, car une forte diffusion du télétravail aurait des effets agrégés bien plus profonds, dépassant les seuls aspects d’organisation.

Des millions de trajets en moins

Pour les collaborateurs, la diminution des temps de trajet est souvent mise en avant, tout comme la possibilité de s’organiser en toute autonomie et de consacrer davantage de temps à sa famille.

Rappelons ici que le souci environnemental a été l’une des premières préoccupations dans le développement du télétravail. En 1993, le projet de l’agence Catral sur les « bureaux de voisinage » visait ainsi à limiter les trajets en Île-de-France.

La situation que nous vivons aujourd’hui est différente. Mais si le télétravail n’a pas été mis en place pour des questions de protection de l’environnement, il a eu dans sa forme contrainte et à temps plein un impact non négligeable : soit la limitation de l’utilisation des transports et la baisse de la pollution conséquente avec 3,3 millions de déplacements évités chaque semaine.

Malheureusement, cette limitation des déplacements a eu pour conséquence une relocalisation les activités du quotidien autour du domicile, induisant une augmentation des livraisons de repas et de biens de consommation courante.

Des dérives et des risques

Les études sur le télétravail révèlent tant des effets positifs que négatifs, notamment sur la santé physique et mentale des salariés.

La mise en place du télétravail en mode dégradé contribue à l’augmentation des risques psychosociaux. On constate ainsi une porosité de la frontière vie personnelle et vie professionnelle, un sentiment d’isolement, des formes de stress, des risques de burn-out et, parfois même, le développement de nouvelles formes de harcèlement « connecté ».

De nombreuses dérives sont apparues dès le premier confinement : temps de travail excessif, empiétement entre vie professionnelle et vie privée, difficultés à déconnecter. Rappelons que le confinement n’exonère pas les employeurs de leur obligation générale de sécurité à l’égard de leurs employés (articles L4121-1 et L4121-2 du code du travail).

Ce que nous apprend le confinement

Plusieurs enquêtes ont été réalisées pendant et après le premier confinement. Elles dressent un constat alarmant.

Citons en premier lieu l’étude de perception CSA pour Malakoff Humanis, réalisée du 15 au 20 avril 2020 : 33 % des télétravailleurs estiment que ce contexte particulier de télétravail a un impact négatif sur leur charge de travail et 30 % sur leur motivation ; 30 % des télétravailleurs confinés estiment que leur santé psychologique s’est dégradée ; 28 % estiment que leur charge mentale a augmenté ; 39 % ont du mal à articuler temps de vie professionnelle et personnelle ; 45 % des télétravailleurs ont du mal à se déconnecter du travail. Enfin 28 % vivent des tensions avec leur entourage familial.

Un sondage OpinionWay – conduit du 31 mars au 8 avril 2020 auprès de 2 005 salariés représentatifs pour le cabinet « Empreinte Humaine » et portant sur l’impact de la crise sanitaire sur la santé psychologique des salariés – montre qu’après seulement 2 à 3 semaines de confinement le bien-être psychologique des travailleurs s’était déjà largement dégradé ; c’est 10 points de moins que l’enquête Eurofound réalisée en 2016. 44 % des collaborateurs se disent anxieux et perçoivent une détresse psychologique. Ceci concerne davantage les femmes (22 % en détresse élevée contre 14 % pour les hommes).

Soulignons que le facteur de risque principal ne serait pas directement le télétravail, mais les conditions dans lesquelles il s’effectue puisque seuls 45 % des sondés ont pu s’isoler et 60 % ont travaillé dans le salon de leur domicile. 79 % des salariés plébiscitent le soutien de leurs collègues et 70 % celui de leur supérieur hiérarchique. Enfin, les managers paraissent particulièrement exposés, 20 % d’entre évoquant une détresse psychologique « élevée ».

Une enquête CGT sur les conditions de travail et d’exercice de la responsabilité professionnelle durant le confinement, datée de début mai 2020, fait ressortir que près de 80 % des employés ne disposent pas de droit à la déconnexion ; 97 % n’ont pas d’équipement de travail ergonomique ; un quart n’ont pas d’endroit où s’isoler ; un tiers, notamment les femmes, doit télétravailler tout en gardant les enfants ; 35 % des télétravailleurs se plaignent d’une anxiété inhabituelle et près de la moitié de douleurs physiques. Enfin, 40 % des managers ont vu leur temps et charge de travail augmenter.

Une enquête réalisée par Harris Interactive, du 4 au 8 novembre 2020 pour le ministère du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion, confirme que tous les actifs : >« […] ne peuvent pas télétravailler, mais que les salariés pouvant le faire l’ont fait dans la très grande majorité et, en moyenne, un jour de plus que la semaine précédente. Constat est fait que le télétravail 5 jours sur 5 représente un véritable effort pour les salariés qui, pour certains, souffrent d’isolement. »

Cette enquête révèle aussi que 58 % des salariés qui ont télétravaillé à 100 % préféreraient venir sur leur lieu de travail au moins 1 jour par semaine ; 4 salariés sur 10 qui ont télétravaillé lors de la semaine de l’étude se sentent isolés ; 3 sur 10 déclarent mal vivre cette situation au quotidien.

Quel avenir pour le télétravail ?

Réussir la mise en place du télétravail n’est jamais acquis d’avance : organiser le travail à distance peut provoquer des interrogations, voire des tensions et des conflits.

Le code du travail indique que le télétravail ne doit pas modifier les missions et activités habituelles du salarié, ses objectifs, le nombre d’heures effectuées ainsi que sa charge de travail. Il ne doit pas devenir un unique outil de flexibilité menaçant la santé des salariés.

Qu’il soit régulier ou occasionnel, le télétravail peut être mis en place par accord collectif ou par une charte. Et, en l’absence d’accord collectif ou de charte, par un simple accord entre le salarié et l’employeur. Le contrat de travail n’est pas nécessairement modifié par voie d’avenant. On l’a vu, sauf circonstances exceptionnelles prévues par le code du travail (menace d’épidémie ou cas de force majeure), le télétravail ne peut pas être imposé au salarié.

En écho au sondage effectué par la CGT, les partenaires sociaux ont engagé en sortie de confinement des discussions pour améliorer le cadre existant dans l’Accord national interprofessionnel (ANI) de 2005. Un accord national « pour une mise en œuvre réussie du télétravail » a été ainsi conclu le 26 novembre 2020. Ce texte précise les contours de la relation managériale en télétravail en son article 4 (« accompagnement des collaborateurs et des managers »).

Reprenant l’accord du 28 février 2020 portant diverses orientations pour les cadres, l’ANI appelle à un renouveau des pratiques managériales. Les signataires ont souligné l’importance de la prise en compte du télétravail dans la démarche d’analyse de risques prévue à l’article L 4121-1 du code du travail, et qui fait l’objet d’une transcription dans le document unique d’évaluation des risques.

L’accord indique que le télétravail repose sur un postulat fondamental – la relation de confiance entre un responsable et chaque salarié – et deux aptitudes complémentaires, l’autonomie et la responsabilité nécessaires au télétravail.

Le télétravail n’est pas nouveau – on l’évoque en 1993 dans le rapport interministériel de la mission Breton – et il ne constitue pas l’avenir du travail. Organisé en mode subi, à temps plein et dégradé pour répondre à la crise sanitaire globale de la Covid-19, il a vite induit de multiples problèmes : risques psychosociaux, isolement, porosité des frontières.

Les entreprises comme les salariés s’accordent à penser qu’il doit être mis en place dans une juste mesure, même s’il reste ponctuellement la norme jusqu’à Noël. La CFTC recommande ainsi un maximum de 3 jours par semaine.

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

ARTICLE DE
Ingrid Nappi et Diane Le Luyer
Professeur – Ingénieur de Recherche

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Ingrid Nappi, Professeur, titulaire de la Chaire « Immobilier & Développement Durable » et de la Chaire « Workplace Management », ESSEC et Diane Le Luyer, Ingénieur de Recherche, Chaire Workplace Management, ESSEC

Grand Paris : le télétravail ne devrait conduire qu’à un exode urbain très limité

À l’issue du premier confinement, 26 % des sociétés envisageaient d’avoir plus souvent recours au télétravail de façon pérenne ou transitoire. Dans certains secteurs, comme dans l’information ou la communication, ce sont même trois sociétés sur quatre qui l’envisagent, dont 30 % de façon définitive.

Des envies d’ailleurs semblent alors avoir germé chez les principaux intéressés. Beaucoup, découvrant d’autres façons de travailler, en viennent à se demander si ce fameux « monde d’après » les obligera toujours à choisir leur lieu de résidence en fonction de leur lieu de travail.

Le Grand Paris, plus grand parc de bureaux en Europe regroupant les activités les plus télétravaillables, se trouve-t-il particulièrement concerné ? La troisième enquête « Mon bureau post-confinement », la Chaire Workplace Management de l’ESSEC Business School suggère que le développement du télétravail ne devrait pas fondamentalement rebattre les cartes pour la région de la capitale, quand bien même elle concentre la plupart des activités tertiaires.

Les données ont été collectées en ligne entre le 21 et le 30 avril 2021, auprès d’un échantillon de 1868 employés et utilisateurs de bureaux. Parmi eux, 58 % de femmes et 42 % d’hommes, âgés en moyenne de 39 ans. 75 % appartiennent à la génération Y (nés entre 1984 et 1996) et 57 % travaillaient avant la crise sanitaire dans des bureaux localisés en Île-de-France.

Les plus jeunes sont les plus enclins à déménager

Parmi l’ensemble de l’échantillon, toutes régions confondues, il apparaît en premier lieu que le projet de déménagement concerne une minorité des travailleurs de bureaux (45 %). Contrairement à ce que soutient un discours répandu, cette tendance n’est pas intrinsèquement francilienne : elle concerne plus généralement les principales métropoles françaises, en proportion variable néanmoins.

En moyenne, 44 % des enquêtés vivant dans une grande métropole envisagent un déménagement. Les usagers de bureaux aixois-marseillais (52 %) et bordelais (50 %) manifestent d’ailleurs plus fréquemment que les usagers de bureaux franciliens (49,5 %) le souhait de déménager.

Comme nous l’avions déjà constaté avec le rapport au télétravail, ou l’appétence pour les tiers-lieux, ce sont principalement les statuts salariaux et les conditions matérielles de travail qui semblent expliquer les différences de propensions au déménagement parmi la population.

Les plus jeunes manifestent ainsi le plus l’envie de déménager. En Île-de-France, 64 % des 18-26 et 55 % des 27-40 ans en témoignent, contre respectivement 40 et 21 % des répondants de la génération X (41-56 ans) et des baby-boomers (57-76 ans). Ce constat modère par conséquent la perspective d’un exode des retraités.

Le type de résidence occupée et la surface domestique ne s’avèrent pas non plus neutres sur l’envie de déménager. En moyenne et pour la France entière, 56 % des personnes résidant en appartements souhaitent déménager, contre 31 % à 32 % des résidents en maisons. Cela concerne de même 66 % des personnes résidant dans moins de 50 m2, contre 21 % de celles résidant dans plus de 120 m2.

On peut en somme formuler l’hypothèse d’une motivation à conserver son logement lorsque celui-ci est susceptible d’améliorer la perception de l’expérience de télétravail. Cela est appuyé par le fait que les répondants des CSP les plus favorisées sont ceux qui manifestent le moins le désir de déménager (33 % des cadres dirigeants contre 46 % des employés ou 42 % des techniciens ou agents de maîtrise).

En Île-de-France ce rapport est le même, mais l’écart est plus réduit (46 % des cadres, 49 % des employés et 52 % des techniciens ou agents de maîtrise souhaitent déménager).

Logiques contradictoires

Par ailleurs, on observe une relation statistiquement significative entre la volonté de déménager et le vécu de l’expérience du télétravail lors du précédent confinement. Ceux qui ont plutôt bien vécu l’expérience de télétravail en confinement expriment plus rarement l’envie de déménager (39 %) que ceux qui en rapportent un vécu négatif et chez qui l’envie de déménager est majoritaire (60 %).

Rappelons ici que le télétravail a été particulièrement mal vécu par les femmes, les jeunes et les personnes les moins favorisées par la hiérarchie professionnelle

Le projet de déménagement peut alors être perçu, non plus comme un signe d’opportunisme de salariés libérés de contraintes présentielles, mais comme le symptôme de la nécessité d’améliorer les conditions de vie et de travail, rendue visible et nécessaire par des mois de télétravail subi en conditions inadaptées.

Il est cependant, et presque contradictoirement, notable que ceux qui ont découvert le télétravail en contexte de crise se trouvent moins motivés par un déménagement que les habitués qui sont principalement des cadres. La prise de conscience des inconvénients associés les pousse à souhaiter retourner au bureau et conditionne leurs projets résidentiels au même endroit.

Par ailleurs, les salariés bénéficiant d’un bureau fermé (38 %) manifestent bien moins cette envie que ceux qui travaillaient auparavant en flex office ou en coworking (56 % dans les deux cas). Notons enfin que ce sont les indépendants davantage que les salariés qui manifestent ce souhait de déménager (58 % contre 45 % des salariés d’entreprise et 39 % des fonctionnaires).

Schémas préexistants

Changement de logement signifie-t-il toutefois changement de région ? Les données de l’enquête invitent à une réponse nuancée. En très forte majorité, les aspirants au déménagement désignent la région dans laquelle ils travaillent déjà, signe que ces projets ne s’inscrivent pas dans une profonde remise en question de leur mode de vie. Cette tendance est commune à l’ensemble de l’échantillon.

Interrogés sur la région dans laquelle ils souhaiteraient vivre en contexte post-Covid, les enquêtés souhaitant déménager se manifestent en majorité pour l’Île-de-France (30 %, 39 % pour les plus jeunes). PACA et Nouvelle-Aquitaine, régions littorales bien desservies complètent le podium (14 % et 10 %), suivies par les Hauts-de-France, la Bretagne et la Normandie.

En ce qui concerne les Franciliens aspirant à un déménagement, 46 % resteraient dans la même région. Ils désignent en moins fortes proportions que la moyenne les régions PACA, Nouvelle-Aquitaine, Bretagne et Normandie et significativement plus la région Centre-Val de Loire.

Plus que la moyenne, les Franciliens privilégient les régions périphériques, dont les réseaux ferrés permettent de conserver un emploi à Paris.
Wikimedia, CC BY-SA

Même collectée en temps de crise sanitaire et en situation de confinement, alors que les répondants pourraient se manifester en faveur d’un drastique changement de vie, ces données invitent à modérer les prophéties actuelles, faisant craindre la mort du bureau parisien, délaissé par ses occupants au profit des espaces de travail bordelais ou marseillais.

Cette enquête ne rassemble qu’une minorité d’aspirants au déménagement, d’autant que ceux-ci s’avèrent en majorité souhaiter rester dans leur région ou éventuellement émigrer vers des régions proches de l’Île-de-France et bien desservies par le rail et les LGV.

À une échelle plus fine, les salariés des bureaux situés dans les zones les plus denses de la première couronne (Saint-Denis, Neuilly, Levallois, Issy, Boulogne) manifestent le désir le plus fréquent de déménager (60 % à 68 % selon les communes), suivis par ceux de Paris intramuros (50 %, tous arrondissements confondus), et enfin par ceux des secteurs les moins denses de la région, principalement la grande couronne (36 %).

La centralité parisienne ne semble donc pas encore rediscutée par le travail post-Covid, et les nouvelles migrations qui en découleraient s’inscrivent dans des schémas préexistants, comme celui des « provinciliens » et des navetteurs qui travaillent à Paris tout en habitant en périphérie, bien connus des géographes.The Conversation

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Des ressources pour aller plus loin

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L’ADEME propose une étude du télétravail et des modes de vie à l’occasion de la crise sanitaire de 2020. Cette étude a pour point de départ l’hypothèse suivante: les transformations dans l’organisation du travail et des modes de vie pendant la crise sanitaire vont potentiellement avoir un effet durable.

Elle pose des questions importantes : comment les primo-télétravailleurs du confinement sanitaire ont-ils vécu leur expérience? Quelles sont les perspectives pour un éventuel développement du télétravail?


La calculatrice ConvictionsRH

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Le site gouvernemental télétravailler.fr propose une multitude de ressources pour informer et promouvoir le télétravail sur l’ensemble du territoire.


Les cartes de l’ARCEP

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L’introduction massive des hautes technologies a profondément transformé les pratiques de management et les relations professionnelles au sein des organisations. Dans cet article de la revue Question(s) de Management, les 2 autrices s’appuient sur un travail de recension de la littérature pour étudier les effets de la digitalisation sur le rapport au travail.


Dans ce nouvel épisode de Travail (en cours), Judith Chetrit explore comment le télétravail généralisé révèle les faux-semblants du droit à la déconnexion. Elle a interrogé Arthur Vinson, fondateur de la société Mailoop qui analyse les flux d’emails en entreprise, Audrey Probst, avocate spécialiste du droit du travail, et Francis Jauréguiberry, sociologue spécialiste des usages des technologies. 


L’émission « Paris Direct » du 22 Octobre 2020 avait pour thème : Numérisation de la société – vie ultra-connectée : avantages et dérives. L’invité de cette émission était le journaliste François Saltiel, qui a signé « La société du sans contact » (éd. Flammarion.), sur la façon dont nos vies se sont peu à peu laissées emprisonner par les écrans

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