Ce débat est publié en partenariat avec l’Observatoire du Sport Business
📋 Le contexte 📋
Un rapport de l’Observatoire du football CIES présente des écarts de plus en plus forts entre les clubs dans les championnats européens. Le CIES en est d’ailleurs venu à la conclusion que l’on assistait à un « déclin général de l’équilibre compétitif dans le football européen ».
Certaines équipes paradent ainsi dans les tops des championnats, comme le Real Madrid, le FC Bayern Münich, Manchested United, Liverpool, Juventus, Manchester City et PSG, Arsenal, ou encore l’OM.
L’argent est au cœur de ce déséquilibre. Certains clubs accumulent en effet plus de richesses que d’autres. Or, avec plus de moyens, les clubs peuvent se parer de meilleurs joueurs, entraînant alors une plus grande réussite et conséquemment plus de droits visuels. Comme on dit, l’argent appelle l’argent.
Pour essayer de rééquilibrer les championnats, l’UEFA a mis en place un fair-play financier. Mais, il faudrait à plus grande échelle pouvoir redistribuer les ressources financières (à savoir équilibrer les droits télévisuels) et humaines (les transferts de joueurs).
Source : Football Observatory
La France fait partie des championnats les plus déséquilibrés, avec à sa tête le PSG. Preuve des écarts, les salaires des joueurs sont très inégaux. Les titulaires au PSG empochent en effet 5,1 millions d’euros en moyenne, contre 1,7 million à Monaco, 1,5 million à Lyon, 1,36 million à Marseille, ou encore 241 311€ à Nancy.
L’arrivée des investisseurs dans les clubs (comme les Qataris au PSG, McCourt à l’OM) a accéléré la proéminence du modèle « espagnol » dans le football français, c’est-à-dire d’un championnat mené par 2-3 équipes lesquelles rassemblent la majorité des ressources. On assiste de plus à un championnat dit « couveuse », puisque les joueurs sont formés en France puis « rachetés » par des clubs étrangers.
🕵 Le débat des experts 🕵
« Peu importe la Covid, le bilan est toujours le même PSG, Bayern, Juv’, champions comme d’habitude. Pour avoir une surprise ou un zeste d’émotion, il a fallu que Liverpool et le Real, deux tout petits clubs vous en conviendrez, soient champions. Le résultat est immuable : en neuf années nous avons eu cinq clubs champions d’Angleterre mais trois seulement en France, trois en Espagne, trois aux Pays-Bas, deux seulement en Allemagne et au Portugal, un en Italie et en Écosse. Le constat est clair, en encéphalogramme plat pour ces championnats tués, ratatinés sous le poids de mastodontes surdimensionnés et over budgétés contre lesquels personne ne peut lutter au plan local. La crise du coronavirus n’arrangera rien, on sait bien qu’en période de crise les gros grossissent et les maigres maigrissent davantage.
Prenons le désormais fameux PSG/Saint-Étienne, on sent que, pour les amateurs de foot, ce n’est plus une finale de Coupe de France mais un vulgaire match de préparation pour la Ligue des champions. C’est une dérive de l’esprit du football qui fait que l’on n’arrive même plus à comprendre la motivation, voire la rudesse d’un Saint-Étienne dans ce match car tout est calqué sur les géants du PSG. S’il n’y a pas 4-0, il y a déception, incompréhension. S’il y a un blessé, alors c’est carrément le drame. Tout le monde attend un spectacle Globetrotters de Harlem où le sparring-partner devrait forcément être bienveillant.
Ce sont malheureusement trop d’années d’archi domination que nous venons de vivre qui nous précipitent, à mon avis, vers une ligue européenne fermée et réservée évidemment aux très gros clubs. Les championnats dans tout ça que deviendront-ils ? J’ai bien peur qu’il se fasse soit sans les gros, sans les grands, soit avec la réserve des grands, soit avec les joueurs un peu secondaires, et peut-être dans le meilleur des cas, quand il y aura besoin de rentrer un blessé. Où en est-on ? Quel drame, quelle tristesse ! »
« Si les championnats étrangers (la Liga, la Bundesliga, la Série A, la première League…) ont pu rejouer après le confinement, c’est bien pour et par les droits télévisuels, parce que c’est le moteur de l’économie de ces championnats. Ces droits télévisuels n’ont cessé de croître pendant des décennies et notamment pendant cette dernière décennie malgré la sur domination de la Juv’, du Real, du Barça, du Bayern. Les droits télévisuels qui nourrissent l’ensemble des clubs sont bien tirés par le haut par ces super exposants, ces super influenceurs, par ces super booster d’audience que sont ces grands clubs. Donc non, ils ne tuent pas les championnats bien au contraire. Ils boostent. Ils les nourrissent au quotidien.
[…] De l’émotion il y en a, même dans ces périodes compliquées d’ultra domination. Il suffit de regarder le vestiaire de Liverpool. Oui, ça faisait trente ans qu’ils attendaient ce titre, mais l’on peut voir dans le vestiaire de la Juv’, ils ont tous réellement fêter ce résultat. L’émotion est toujours là. On le voit même en Amérique du Nord avec les lignes fermées, la compétition génère de l’émotion. Si on regarde bien cette ultra domination est loin de vider les tribunes dans les différents championnats. Arrêtons de croire que le PSG, par exemple, serait nuisible à la Ligue un. […] Dans ces grands championnats, malgré l’ultra domination, malgré des joueurs pétris de talent, il n’y a pas de grands blessés alors est-ce que un PSG/Saint-Étienne aurait dû être moins engagé ? Bien évidemment non ! Peut-être qu’il faut qu’on réfléchisse un peu autrement au niveau de l’arbitrage ou de l’attention. […]C’est bien le championnat domestique qui est le quotidien de l’économie de ces clubs parce que la partie de droits télévisuels, parce que la partie de sponsoring, parce que la partie
de billetterie y sont plus importantes, en quantité. […]
Je pense qu’il faut effectivement retrouver une forme d’équilibre entre coupe d’Europe et compétitions domestiques et ne pas les opposer parce que les deux sont les deux piliers de
l’économie des clubs. »